Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont clairs. Notre feuille de route l’est tout autant. Il faut maintenant mettre en place les outils nécessaires.
En France, 6 % des émissions totales de CO2 proviennent des bâtiments du tertiaire. Le patrimoine immobilier des collectivités territoriales représente 33 % du volume de CO2 émis par l’ensemble des bâtiments du pays.
Les bâtiments appartenant aux collectivités sont à l’origine de 84 % de leurs émissions et de 76 % de leur consommation d’énergie. Enfin, les bâtiments scolaires représentent 50 % du patrimoine immobilier national.
Dès lors, l’inefficience énergétique du bâti scolaire de nos collectivités est la première cause des émissions issues de leur patrimoine immobilier. La rénovation énergétique de nos écoles n’est pas un choix : c’est une nécessité.
Pour rappel, le décret « tertiaire » impose une réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments de 40 % en 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050, par rapport à 2010.
Outre les enjeux écologiques qu’elle présente, il faut se rendre compte des bénéfices d’une telle politique publique. Dans un contexte inflationniste particulièrement violent, ces investissements sont avant tout sources d’économies. Inutile de souligner les bénéfices relatifs à l’indépendance énergétique de notre nation. Et puis, tolérerons-nous que, par manque d’investissements, nos classes ferment l’été en raison des canicules ?
Il est difficile d’estimer le coût des opérations. Celui-ci dépend du type de rénovation, de la nature du bâtiment, de son état d’origine et de bien d’autres facteurs encore.
À titre indicatif, la direction de l’immobilier de l’État (DIE) estime que le passage d’un bâtiment qualifié de « peu performant » à « performant » représenterait un coût de 1 563 euros par mètre carré. Le montant est doublé pour en faire un bâtiment « très performant ».
L’Institut de l’économie pour le climat a ainsi estimé qu’environ 700 millions d’euros supplémentaires par an étaient nécessaires pour rénover le bâti scolaire et atteindre nos objectifs.
Il y va de la crédibilité des décideurs publics. Nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens d’investir dans la rénovation thermique de leur logement ou de leurs bureaux si nous ne sommes pas nous-mêmes exemplaires.
Quels sont donc les moyens de nos collectivités pour répondre à ces attentes ? DETR, DSIL, DSID, DPV, fonds vert : autant de subventions permettant le financement de la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités.
À ce titre, je salue l’abondement de 500 millions d’euros du fonds vert en autorisations d’engagement prévu dans le projet de loi de finances pour 2024. S’ajoutant aux 2 milliards d’euros déjà prévus, ils seront exclusivement destinés à la rénovation énergétique de nos écoles.
En revanche, si le financement de projets concourant à la transition écologique par les dotations est en hausse, ces dernières ne sont pas exclusivement destinées à financer ce pan de leurs politiques publiques.
Par ailleurs, outre le frein à l’endettement, des obstacles légaux persistent. Le code général des collectivités territoriales impose une participation minimale du maître d’ouvrage de 20 % au financement des investissements. Or cette injonction peut parfois laisser aux collectivités une charge trop lourde, surtout pour les plus petites, ou du moins les plus pauvres d’entre elles. Pourtant, ce ne sont parfois que quelques milliers d’euros manquants qui bloquent les projets de rénovation…
C’est tout l’objet de cette proposition de loi. Déposée par ma collègue Nadège Havet et moi-même, elle traduit la recommandation n° 9 du rapport que nous avons établi au nom de la mission d’information du Sénat sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique.
En accord avec l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Départements de France, mais également la direction générale des collectivités locales (DGCL), nous proposons un abaissement de ce seuil de participation de 20 % à 10 %. C’est le préfet du département qui autoriserait cette dérogation en fonction de la situation financière des collectivités.
En débloquant le financement de certains projets, nous permettrons l’accélération de la rénovation énergétique de nos bâtiments. C’est une mesure simple, gratuite et nécessaire.
Je voudrais également attirer votre attention sur quelques problèmes persistants.
Premièrement, les subventions sont majoritairement gérées sous forme d’appels à projets. Cela fait peser sur les petites collectivités des contraintes parfois difficilement surmontables. Monter un dossier implique des moyens de veille et d’ingénierie dédiés. Un biais contre-productif en faveur des collectivités les plus riches peut alors s’opérer.
Deuxièmement, l’absence d’alignement des calendriers relatifs aux demandes de dotations, la lenteur d’instruction, ou encore l’absence d’homogénéité dans les pièces demandées font parfois du dépôt de dossier un parcours du combattant.
Enfin, rendons à César ce qui appartient à César. Le lancement des conférences des parties régionales est une initiative bienvenue. Celles-ci devraient permettre une meilleure déclinaison territoriale de la planification écologique en fonction des besoins locaux et favoriser l’accès des collectivités à l’arsenal de l’ensemble des administrations centrales.
Reste à voir si l’articulation de ce plan sera véritablement efficace. En attendant – et nous n’avons pas beaucoup de temps –, levons les freins inutiles à la transition écologique. Cette proposition de loi constitue un élément essentiel de l’effort que nous devons fournir.
Nous ne pouvons faire l’impasse sur la rénovation énergétique de nos bâtiments, car elle représente une source d’économies. Les rénovations doivent être entamées dès maintenant.