Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aujourd'hui, les dérives sectaires se multiplient, en partie à cause des réseaux sociaux, qui permettent à ces discours de toucher le plus grand nombre.
Cette menace a aussi grandement évolué. Aux groupes à prétention religieuse vient désormais s'ajouter une multitude d'individus qui investissent plus particulièrement les domaines de la santé, de l'alimentation et du bien-être.
Ainsi, en 2021, 4 020 signalements ont été enregistrés – un record ! Ce chiffre est en augmentation constante depuis plusieurs années : +33 % entre 2020 et 2021, +86 % depuis 2015.
Devons-nous lutter, ou considérer que, après tout, chacun est libre de penser et de se soigner comme il l'entend ?
Pour ma part, j'estime que notre mission est de protéger la société d'individus qui, sous couvert de bienveillance, placent les gens sous leur contrôle pour faire d'eux leur « chose » et, au passage, accaparer leurs biens.
En effet, ne nous y trompons pas, derrière l'ouverture des chakras, la transcendance interplanétaire ou le traitement de la calvitie par le jus de betterave se cache une réalité bien plus matérielle, faite d'espèces sonnantes et trébuchantes. Les gourous recherchent, bien souvent, autant la soumission psychique que celle des comptes en banque…
Les Inconnus traduisaient bien cet état de fait, lorsqu'ils faisaient dire à Skippy, le grand gourou : « Tout bien que tu détiens est un souci qui te retient ! »
Il nous faut donc lutter contre de tels individus. Bien sûr, on pourra m'opposer que des sanctions pénales répriment d'ores et déjà les pratiques commerciales trompeuses, l'exercice illégal de la médecine, le harcèlement moral, ou encore l'abus de faiblesse. C'est vrai, mais est-ce suffisant ? Au regard des chiffres et des rapports publiés, il est probable que non. Après avoir entendu la cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), assurément, cela ne l'est pas.
En effet, nous sommes confrontés à une menace particulièrement difficile à appréhender, protéiforme, discrète, dont les auteurs jouent souvent avec les limites de la légalité, en s'abritant derrière la liberté de conscience pour isoler petit à petit leurs victimes, qui n'ont pas conscience de l'être.
Par conséquent, il est de notre responsabilité de doter l'État – les magistrats, les policiers et les gendarmes – des outils juridiques les plus efficaces. Ce n'est pas simple !
En effet, le périmètre du projet de loi du Gouvernement était apparemment trop large, en particulier pour les articles 1er et 4. Pourtant, à mes yeux, une réécriture plus fine des articles en cause aurait été préférable à leur simple suppression.
L'enjeu le mérite. Il semblerait que la nouvelle rédaction du texte ne convienne pas non plus. Espérons que la navette parlementaire permette d'aboutir à une version du projet de loi pointant au plus juste les dérives que nous combattons.
En revanche, je salue le travail de la rapporteure visant à consacrer les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.
Les acteurs de cette lutte étaient très inquiets lorsque la Miviludes a changé de ministère de tutelle. Les remous qui s'ensuivirent autour de la figure du préfet Gravel ne firent qu'accentuer cette inquiétude.
Espérons donc que le présent projet de loi donne un nouveau souffle à la Miviludes, afin qu'elle puisse conduire les actions de prévention ambitieuses qui font aujourd'hui défaut à la réponse publique.
Notre groupe regrette également que la question des financements ne soit pas abordée par le Gouvernement dans ce projet de loi. Ma collègue Nathalie Goulet aura l'occasion de détailler nos préoccupations sur ce sujet.
En fin de compte, plus que louable, l'intention du Gouvernement est nécessaire. Ces menaces évoluent particulièrement vite. Or, en toute franchise, nous avons déjà pris du retard !
En ce sens, j'espère que nous aurons l'occasion d'enrichir le texte au cours de nos débats et de la navette parlementaire ; en attendant, le groupe Union Centriste votera le projet de loi. §