Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le principal mérite du texte proposé par le Gouvernement est d'attirer notre attention sur la recrudescence des dérives sectaires.
Celles-ci sont en partie nourries par la montée de l'irrationalisme, par la contestation de la science, par la perte de légitimité des institutions politiques et scientifiques, par la propagation sur les réseaux dits « sociaux » de récits complotistes et par l'illusion que chacun pourrait se constituer sa vérité à partir d'informations glanées sans méthode, sans médiation et sans vérification.
À raison, le Gouvernement considère que ces processus de sujétion des individus sont particulièrement nocifs quand ils touchent à leur santé. Néanmoins, les dispositions législatives qu'il propose pour protéger la santé de nos concitoyens ne s'inscrivent que dans le code pénal et le code de procédure pénale, alors qu'il aurait fallu s'interroger sur leurs relations avec le code de la santé publique, surtout quand elles sont relatives à l'exercice illégal de la médecine.
Par ailleurs, mesdames les ministres, si ce n'est pas le Conseil d'État qui écrit la loi, il est en revanche tout à fait raisonnable d'écouter le Conseil d'État pour écrire la loi… En l'occurrence, vous auriez dû entendre ses critiques sévères à l'encontre, notamment, de la rédaction de l'article 4 de votre projet de loi, qui porterait atteinte, selon lui, aux principes constitutionnels de la liberté d'expression, des libertés académiques et de la liberté fondamentale d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales.
Il serait donc funeste que l'article 4 soit réintroduit, dans sa rédaction initiale, par l'Assemblée nationale, car il instaure un délit de publicité en faveur de pratiques à finalité thérapeutique récusées par la science médicale, mais ne précise pas si les professionnels de la médecine sont eux aussi concernés. En d'autres termes, comment cette disposition s'articule-t-elle avec la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet-Sérusclat ?
Il faut défendre la liberté de la recherche, la possibilité pour les savants de soumettre à une saine critique leurs résultats et ceux de leurs collègues, ainsi que la nécessité de nouvelles pratiques thérapeutiques. Mais ces travaux ne peuvent s'affranchir des règles déontologiques et éthiques propres à la médecine. Comme le rappelait le professeur Alain Fischer, président de l'Académie des sciences, dans une tribune publiée le 28 mai dernier, il est impérieux que la démonstration des effets thérapeutiques des médicaments respecte les droits et la sécurité des personnes participant à la recherche.
Je regrette vivement que les graves méconduites scientifiques commises durant la pandémie de covid n'aient pas été plus rapidement et plus sévèrement sanctionnées. La liberté de la recherche impose un strict respect de l'intégrité scientifique.
Avec la rapporteure de la commission des lois, je déplore la précipitation avec laquelle ce projet a été élaboré, puis soumis à notre examen. Il eût été de bonne politique qu'il profitât des travaux importants réalisés par le Parlement et, notamment, du rapport rendu par notre ancien collègue Jacques Mézard en avril 2013. Je comprends donc l'impuissance de la commission à corriger un texte aussi peu abouti et sa décision d'en supprimer quatre articles.
Le texte ainsi remanié par la commission introduit quelques dispositions utiles dans le code pénal, mais son principal apport réside dans la reconnaissance législative de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La Miviludes voit ainsi sa mission renforcée, alors que son autonomie avait pu être menacée par le passé.
Une telle institutionnalisation de la Miviludes avait été préconisée par Georges Fenech dans son rapport remis en 2008. Cela doit maintenant s'accompagner d'un renforcement de ses moyens et de son budget, afin qu'elle puisse jouer un rôle efficace contre les dérives sectaires.
Aujourd'hui, nous voterons en faveur de ce texte, tel qu'il a été modifié par la commission.