Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en renforçant des dynamiques d’ores et déjà à l’œuvre, la crise sanitaire a considérablement accru la part du numérique dans nos vies. Les réseaux sociaux en ont massivement profité. Ainsi, TikTok est passé de 54 millions d’utilisateurs en 2018 à plus de 689 millions en juillet 2020.
Les algorithmes et les bulles de filtres fracturent nos sociétés et mettent en péril nos institutions. Sur ces plateformes, les individus sont de plus en plus seuls et la désinformation y circule de plus en plus vite. Alors qu’ils devaient nous lier les uns aux autres, les réseaux sociaux nous isolent.
Or les individus isolés sont des individus plus vulnérables. Le phénomène des dérives sectaires n’est pas nouveau, mais il s’adapte et tire avantage des évolutions technologiques.
L’arrestation de plusieurs responsables d’une secte de yoga sévissant en Europe nous rappelle la réalité des menaces qui pèsent sur les plus faibles de nos concitoyens : traite, séquestration, viol, ou encore abus de faiblesse.
Nous devons œuvrer davantage à leur protection. Aussi le Gouvernement entend-il, au travers du texte qui nous est soumis, renforcer la répression des mouvements qui exploitent la vulnérabilité des personnes.
La commission des lois a déploré, à juste titre, le manque de moyens de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. C’est d’autant plus regrettable que la Miviludes doit répondre à un nombre de signalements actuellement en forte augmentation, comme la commission a pu elle-même s’en convaincre.
La commission a également cherché à enrichir le projet de loi, notamment par l’introduction de circonstances aggravantes au délit d’abus de faiblesse relatives à l’utilisation de moyens de communication en ligne.
L’objectif de notre rapporteure a été, plutôt que d’ajouter de nouvelles dispositions au droit en vigueur, de mieux appliquer celles qui existent déjà.
Néanmoins, nous remarquons que le projet de loi n’a pas été réduit par la commission ; elle l’a enrichi, y compris pour transcrire dans la loi des dispositions aujourd’hui de valeur réglementaire. Nous craignons seulement que ces mesures soient insuffisantes.
La commission a, dans le même temps, supprimé l’article 1er, qui créait un délit de placement ou de maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Tout comme les associations d’aide aux victimes, nous regrettons cette suppression. En effet, ce nouveau délit aurait contribué à mieux protéger nos concitoyens, en donnant aux forces de l’ordre et aux magistrats les moyens de poursuivre et de condamner les personnes ayant commis des actes qui échappent encore à la justice.
L’article 4 visait, quant à lui, à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines alternatives. En la matière, la Miviludes indique faire face à une hausse très significative des signalements. La pandémie de covid a, semble-t-il, libéré la créativité des détracteurs de la science, et ce jusqu’au sein de notre assemblée !
La commission a choisi de supprimer l’article 4. Nous voulons croire que cette suppression a été motivée par les réserves exprimées par le Conseil d’État plutôt que par les centaines de courriels envoyés par les principaux intéressés. Reste qu’un moyen de mieux lutter contre les dérives sectaires en matière de santé devra être trouvé.
En l’espèce, l’article 5 constitue une avancée et nous nous félicitons qu’il ait échappé à la suppression. En effet, il nous semble important que les ordres professionnels soient informés des dérives de leurs membres et puissent prendre les mesures qui s’imposent à leur égard.
Dans un monde de plus en plus numérique, nous redoutons que les dérives sectaires continuent leur progression. La question des moyens financiers consacrés à la lutte contre de tels mouvements est assurément incontournable. Aussi devons-nous renforcer ceux de la Miviludes.
La prévention constitue également un aspect important de la lutte contre les dérives sectaires. Nous devons faire davantage en la matière si nous voulons éviter que nos concitoyens vulnérables en deviennent victimes.
Toutefois, notre arsenal répressif devra être adapté si nous voulons que la justice puisse agir avant que des drames ne se produisent.
Cela étant dit, notre groupe souscrit aux objectifs définis dans le projet de loi du Gouvernement.