Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 21 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Articles additionnels après l'article 37

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Ayant consulté le bulletin des commissions, je sais déjà que, là encore, on va me demander de retirer cet amendement. Je vais néanmoins tenter ma chance car, monsieur le ministre, je crois profondément que ma proposition nous permettrait d'accomplir de grands progrès dans le traitement de la délinquance des mineurs.

En effet, cet amendement vise à étendre très substantiellement l'utilisation d'une mesure créée en 1993 et dont on ne parle pratiquement jamais, mais qui est éminemment intéressante, à savoir la mesure de réparation.

La réparation n'est pas un stage de citoyenneté ni un travail d'intérêt général, c'est une mesure prise en relation directe avec le délit commis et même, si c'est possible, en relation directe avec la victime. Elle relève de ce qu'on appelle la justice « restaurative » parce qu'elle doit permettre, au moins en partie, de rétablir la situation qui a été dégradée par le comportement du mineur. Par exemple, un adolescent qui arrache son sac à une vieille dame devra rendre service à cette personne pendant quelques semaines en faisant ses courses ou, si la victime n'est pas d'accord, aller aider les personnels d'un établissement pour personnes âgées.

Lors des déplacements à l'étranger de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, nous avons vu cette mesure mise en oeuvre de manière très systématique, aux Pays-Bas par exemple. Dans ce pays, la plupart des mineurs qui commettent une infraction pour la première fois se voient proposer une mesure de réparation. Ils sont confiés à une structure, appelée bureau Halt, gérée et financée à la fois par l'État et les communes, qui est chargée de définir la mesure de réparation et d'en exercer le suivi. Chaque commune d'une certaine importance dispose d'un bureau Halt.

Chez nous, la mesure de réparation est possible, mais facultative, à tous les stades de la procédure, de sorte qu'elle n'est utilisée que de manière limitée. Je propose la mise en oeuvre systématique de cette mesure pour les primo-délinquants : je suis persuadé que c'est le moyen le plus efficace pour éviter que ces jeunes aient à nouveau affaire à la justice.

Mon amendement vise donc à rendre obligatoire cette mesure pour les mineurs qui commettent leur première infraction. Corrélativement, des « maisons de la réparation » devraient être créées dans les communes de plus de 10 000 habitants pour permettre d'organiser et de suivre ces mesures de réparation. Bien entendu, il convient de différer l'entrée en vigueur de ce dispositif pour prendre en compte les contraintes de sa mise en oeuvre.

Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de devancer les objections que je vais sans doute entendre de votre part dans un instant.

Vous m'opposerez les principes de la procédure pénale, celui de l'opportunité des poursuites en particulier. Mais la mesure que je propose interviendrait avant que le procureur ait statué sur l'opportunité des poursuites. En cas d'échec de la mesure, le procureur retrouverait toute sa liberté de poursuivre ou non.

Par ailleurs, à ma connaissance, l'opportunité des poursuites n'est pas un principe constitutionnel et nous y avons déjà apporté bien des tempéraments. Par exemple, lorsque les mesures alternatives aux poursuites échouent, le code de procédure pénale prévoit que, sauf élément nouveau, le procureur met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites. Je ne crois donc pas que mon amendement, qui ne concernerait que les primo-délinquants, porte atteinte à ces règles essentielles.

La deuxième objection portera certainement sur le coût et la lourdeur du dispositif. Je ne conteste pas ce coût ni ces difficultés d'organisation. Oui, une mesure de réparation est plus coûteuse et plus lourde qu'un rappel à la loi, une admonestation, un avertissement solennel du procureur de la République, une remise à parents ou une dispense de peine. Mais en revanche, une mesure de réparation est moins coûteuse et moins lourde qu'une place en prison ou dans un centre éducatif fermé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que notre taux de réponse pénale à la délinquance des mineurs atteint 85, 5 %, mais que 40 % des mesures et des sanctions sont des admonestations, des remises à parents et des dispenses de peine.

J'ai la faiblesse de penser que la réparation, qui est une mesure compréhensible par la victime, par la société et surtout par le mineur lui-même, a une efficacité tout autre dans la prévention de la récidive qu'un avertissement solennel ou une admonestation.

La question est simplement de savoir, monsieur le ministre, si nous aimons assez nos enfants pour nous donner les moyens d'éviter qu'un trop grand nombre d'entre eux ne s'enfoncent dans la spirale de la délinquance.

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