Intervention de Lauriane JOSENDE

Réunion du 19 décembre 2023 à 21h45
Lutte contre les dérives sectaires — Article 4

Photo de Lauriane JOSENDELauriane JOSENDE :

Ces trois amendements visent à rétablir dans son économie générale l’article 4 du projet de loi. Nous ne pouvons que saluer la recherche par le Gouvernement, comme par les groupes RDPI et RDSE, de solutions pour améliorer le dispositif.

Toutefois, je suis au regret de dire que les rédactions retenues ne sauraient en l’état nous satisfaire.

Nous ne contestons pas la bonne volonté dont le Gouvernement fait preuve en proposant un nouvel alinéa. Celui-ci vise à restreindre le champ de l’incrimination, qui ne trouvait pas à s’appliquer « lorsque la provocation s’accompagne d’une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé ».

Pourtant, cette nouvelle rédaction présente des écueils majeurs en ce qu’elle aboutit à un dispositif à la fois trop large et inefficace.

D’une part, elle ne règle pas l’atteinte à la liberté d’expression que cet article crée, s’agissant de discours généraux comme de discours tenus dans un cadre privé, voire familial. Il faut reconnaître cette lacune, sauf à rendre le remède pire que le mal.

D’autre part, la rédaction réduit très largement la portée de cette nouvelle incrimination. Elle permet paradoxalement aux gourous de se couvrir en manipulant l’information ainsi communiquée pour obtenir le libre consentement des personnes. Dès lors, il est évident que de simples précautions de formulation prémuniront de l’infraction les promoteurs de dérives sectaires, en général bien informés de l’état du droit et recevant de bons conseils. À l’inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial, et ce indépendamment du niveau de connaissance médicale de l’auteur du propos, pourrait être sanctionnée, qu’elle soit suivie d’effets ou non.

Comme nous l’ont indiqué systématiquement les enquêteurs, les différents services du parquet et les magistrats du siège, il paraît particulièrement difficile – nous devons l’entendre – de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, selon les conditions définies par cet article. De même, il semble compliqué de caractériser « l’information claire et complète » accompagnant la provocation à l’arrêt de soins.

Cette rédaction pose donc davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Une réécriture à la hâte ne saurait être satisfaisante. Même si nous comprenons vos objectifs et soutenons le souhait d’améliorer l’article, l’adoption de cet amendement ne permettrait pas de répondre aux conditions de constitutionnalité.

De fait, la rédaction n’atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant entre, d’une part, l’exercice de la liberté d’expression comme de la liberté de choisir et de refuser des soins, et, d’autre part, la protection de la santé publique. Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d’autres incriminations moins attentatoires aux droits et aux libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre ce dernier objectif.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

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