Monsieur le garde des sceaux, avant toute chose, je souhaite vous remercier de l’accueil que vous réservez aux parlementaires et de l’attention que vous accordez à nos demandes. Je me réjouis du travail que nous avons réalisé ensemble sur l’irresponsabilité pénale et pour améliorer, de manière sensible, la protection des victimes. Après certains propos que l’on vient d’entendre, il convient de souligner que les victimes sont aussi au cœur de nos préoccupations…
Je veux d’abord parler des tribunaux de commerce, cela ne vous étonnera pas. Depuis plusieurs années, nous demandons que les juges consulaires aient une adresse électronique professionnelle. Il semble que cela soulève des difficultés. Un autre problème, beaucoup plus important, concerne leur situation financière. Dans une réponse ministérielle, Mme Christine Lagarde indiquait que « par dérogation aux principes posés par l’article 13 du code général des impôts, selon lequel seules les dépenses effectuées en vue de l’acquisition ou la conservation du revenu imposable sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu, les juges des tribunaux de commerce peuvent déduire de leurs revenus professionnels les frais qu’ils engagent dans l’exercice de leur mandat, alors même que celui-ci est gratuit ».
Je me permets de souligner, en passant, le caractère quelque peu péjoratif du terme « gratuit ». Surtout, les juges des tribunaux de commerce sont autorisés à substituer à la déduction de leurs frais réels une déduction forfaitaire de 305 euros pour un juge titulaire, 457 euros pour un président de chambre et 762 euros pour le président du tribunal. Mais ces montants n’ont pas été actualisés depuis 1969… Il serait temps, monsieur le garde des sceaux, de travailler sur cette question, qui est simplement d’ordre budgétaire.
J’associe Dominique Vérien à mon propos suivant. Le budget des tribunaux de commerce constituera un sujet majeur l’année prochaine pour le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et pour la Conférence générale des juges consulaires de France, qui souhaite entreprendre avec détermination des démarches pour obtenir une autre source de financement des juges consulaires. Cela pourrait passer par la création d’une ligne supplémentaire dans le budget de la justice, sur le fondement d’un montant forfaitaire qui soit un peu plus réaliste. Tout cela mérite réflexion, mais n’est-ce pas le moment d’y songer, alors que nous examinons les crédits de cette mission ?
Je veux désormais aborder la question de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, sujet qui m’est cher.
Évoquons tout d’abord le parquet national financier, dont le budget relève du programme 166, mais dont il n’est pas fait mention dans le document de politique transversale sur la fraude et l’évasion fiscales. Pourtant, le PNF joue un rôle majeur en la matière. J’en ai fait l’observation au ministre des comptes publics. Il serait donc utile que le PNF figure dans ce document transversal et fasse l’objet d’un traitement à part dans le projet annuel de performances de la mission. En outre, il convient de lui affecter des moyens complémentaires.
Par ailleurs, je signale que le PNF n’accepte pas de parlementaires en stage, pour une raison de confidentialité, j’imagine. Il serait néanmoins positif que de tels stages soient possibles ou que nous puissions y faire des visites, comme nous le faisons dans d’autres organismes. Je peux citer d’ores et déjà deux candidates : Mme de La Gontrie et moi-même ; nous avions eu l’occasion d’évoquer la question en commission des lois voilà quelques années. §Nous sommes prêtes à jurer nos grands dieux de ne révéler aucun secret ! Ces stages seraient utiles, tant cette structure joue un rôle important en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
En tout cas, je le répète, le minimum serait de faire figurer son budget dans le document transversal sur la fraude et l’évasion fiscales.
J’aborde maintenant la question des moyens relatifs au traitement des conventions judiciaires d’intérêt public. Ces moyens sont probablement importants et il convient qu’ils figurent dans le document transversal, parce que ces conventions constituent finalement, pour ceux qui ont fraudé, une manière d’échapper à la justice. En tous les cas, elles suscitent de nombreuses critiques. Elles doivent donc figurer, aussi, d’une façon ou d’une autre, dans le document transversal, qui est l’alpha et l’oméga du contrôle parlementaire en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
J’appelle également votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur un amendement de Dominique Vérien, qui vise à revaloriser le montant de l’aide juridictionnelle, afin de mettre en application certaines préconisations du rapport Plan rouge VIF, relatif au traitement des victimes de violences intrafamiliales. Il s’agit en l’occurrence de l’ordonnance de protection, en particulier de la rémunération des commissaires de justice. En effet, la rémunération des huissiers ne peut pas être prise en charge par l’aide juridictionnelle. Dominique Vérien a déposé un amendement tendant à corriger ce problème et nous le soutiendrons.
Enfin, je profite de cette discussion pour évoquer la question de la dématérialisation et de l’ouverture au public de l’ensemble des décisions judiciaires, y compris quand elles sont encore susceptibles de recours, car cela pose un problème de protection des données. Le chantier est d’ampleur, il s’agit d’un sujet extrêmement important, mais qui soulève un certain nombre de difficultés. Sans doute, ce n’est ni le lieu ni le moment d’en parler, mais, puisque le ministère dispose d’un budget substantiel pour l’informatisation et la modernisation de ses procédures, je signale que, si la dématérialisation des décisions de justice est une bonne idée, il convient de veiller à ce qu’elles ne soient pas susceptibles de faire l’objet d’un recours. Cela peut poser un certain nombre de problèmes en matière de protection des données.
Sous ces réserves, le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission.