Intervention de Christine Lavarde

Commission des affaires européennes — Réunion du 7 décembre 2023 à 9h05
Économie finances fiscalité — Révision du pacte de stabilité et de croissance - communication

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde, rapporteur :

Je poursuivrai en évoquant le contenu de la proposition de la Commission présentée en avril 2023.

Il faut noter que les fameux critères de 3 % et de 60 %, parfois critiqués car perçus comme arbitraires, ont été conservés. Quand nous avons entendu le cabinet du commissaire, on nous a fait comprendre que modifier les traités pour revoir ces deux critères était très difficile et que nous risquions de les garder longtemps.

Pour parvenir à conserver ces seuils tout en assouplissant le cadre, la Commission propose une individualisation des trajectoires budgétaires des États membres. Plutôt que d'imposer des règles uniformes, le cadre de gouvernance budgétaire doit permettre une différenciation en fonction des spécificités de chaque État.

Les plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme constitueraient la pierre angulaire du nouveau dispositif. Ces plans seraient élaborés par les États, qui y définiraient leurs objectifs budgétaires et leurs réformes et investissements prioritaires sur une période de quatre ans. Ces plans seraient évalués par la Commission et approuvés par le Conseil de l'UE sur la base de critères communs à l'Union. Cette trajectoire d'ajustement pourrait être allongée à sept ans en cas de réformes et d'investissements répondant aux priorités communes de l'Union.

L'indicateur clé de ces plans serait celui des dépenses nettes, en remplacement de l'indicateur du solde structurel. Cet agrégat couvre les dépenses publiques primaires - donc hors paiements des intérêts de la dette -, financées au niveau national, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, des dépenses conjoncturelles liées aux indemnités chômage et de toute dépense publique correspondant à des projets financés par l'UE.

Les critères numériques uniformes seraient abandonnés. Dans la communication initiale de la Commission, l'objectif affiché était de ne plus appliquer à des situations nationales différentes des exigences numériques identiques. La règle de la réduction de la dette d'un vingtième par an est donc supprimée. Cependant, sous la pression de l'Allemagne, la Commission a proposé d'introduire un nouveau critère quantitatif : les pays dont le déficit excéderait 3 % du PIB devront réduire ce ratio de 0,5 point par an au minimum, tant que le déficit restera supérieur à 3 % du PIB.

De plus, le montant des sanctions diminuerait pour les rendre plus crédibles et efficaces. En cas de déficit excessif, le montant de l'amende s'élèverait à 0,05 % du PIB - contre 0,5 % dans la version actuelle - pour une période de six mois et serait versé tous les six mois jusqu'à ce que le Conseil estime que l'État membre a engagé une action suivie d'effets. Le montant cumulé des amendes ne pourrait pas excéder 0,5 % du PIB.

Comment ces propositions ont-elles été accueillies par les États membres ? Quels sont les sujets de discorde principaux dans les négociations actuelles ?

La Commission européenne et la direction générale du Trésor ont insisté sur la place centrale dans les discussions des mesures de sauvegarde, dénommées benchmarks ou safeguards dans le jargon bruxellois. Les pays frugaux, Allemagne en tête, ne consentent à l'individualisation des trajectoires qu'à condition d'obtenir des garanties sur des critères minimaux d'ajustement. Autrement dit, si la réforme vise à instaurer de la différenciation, certains pays poussent encore pour conserver certaines règles numériques uniformes.

Sur ce point, la version finale de la réforme pourrait être très éloignée de la version initiale proposée par la Commission. Une mesure de sauvegarde pourrait être appliquée s'agissant de la réduction de la dette. En remplacement de la règle du « un vingtième », un critère quantitatif serait instauré, différent selon le niveau d'endettement du pays. De même, s'agissant de la réduction des déficits, des exigences numériques seraient envisagées. Contradictoires avec l'esprit initial de la réforme, ces nouveaux critères risquent de réinstaurer de la procyclicité selon la Commission.

La méthodologie de l'évaluation conduite par la Commission des plans nationaux structurels fait aussi l'objet de critiques. L'analyse de la soutenabilité de la dette (ASD) doit permettre à la Commission de formuler un avis sur les plans des États membres. Plusieurs institutions, dont la Cour des comptes européenne, ont alerté sur le manque de transparence de cette évaluation, certains évoquant même une boîte noire. L'analyse par pays prendrait en compte quatre éléments : le taux d'intérêt, le niveau du déficit, la croissance potentielle et les projections de vieillissement. Ces hypothèses sous-jacentes peuvent évoluer grandement entre le début et la fin du plan, surtout si ce dernier dure sept ans. La Cour des comptes européenne note ainsi que ces analyses relèvent davantage de « la boule de cristal » que de « la prévision économique ».

Sur ce sujet, des avancées semblent avoir été obtenues, à la satisfaction de la France. Un groupe de travail sur la méthodologie de l'ASD devrait être constitué, au sein duquel se trouveraient des représentants d'États membres, et pas seulement des experts de la Commission.

Enfin, la réforme devait également faciliter les investissements publics, pour répondre au nouveau contexte économique et géopolitique. Sur ce point, elle devrait bien permettre une extension de quatre à sept ans de la période d'ajustement en cas d'investissement dans les domaines jugés prioritaires pour l'Union. En revanche, les investissements verts ou les dépenses de défense ne devraient pas être exclus du calcul conduisant à la procédure pour déficit public excessif. Pour la France, cette décision ouvrirait en effet une boîte de Pandore, conduisant à un long débat méthodologique sur la comptabilisation ou non de certaines dépenses.

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