Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte géopolitique international très sombre, il est peu de dire que l’aboutissement aujourd’hui de cette proposition de loi est un message bienvenu d’apaisement international et de consensus parlementaire.
Je félicite donc ses auteurs, Pierre Ouzoulias et Max Brisson, mais surtout évidemment Catherine Morin-Desailly, car ce texte est aussi pour elle l’aboutissement d’un travail au long cours.
Sur les restitutions culturelles en général, nous sommes en train de changer d’ère. Je tiens donc aussi à remercier Mme la ministre de la culture du travail engagé autour de cette question. Ce texte n’est qu’une première étape, mais c’est une première étape essentielle. Nous avons suffisamment dénoncé, ici, le fait du prince en matière de restitutions ; ce premier cadre est donc le bienvenu.
Pour le traitement spécifique des demandes de restitution de restes humains adressées par des États étrangers, nous avions besoin d’un cadre clair et transparent. Le travail engagé il y a des années par Catherine Morin-Desailly a permis d’avancer plus facilement sur des critères précis et objectifs pour justifier la dérogation au principe d’inaliénabilité, tout en répondant à l’exigence de dignité et en préservant l’expertise scientifique.
Ce texte s’adresse en effet à tous les États qui demandent à la France la restitution d’ossements et autres éléments confectionnés à partir de restes humains, amassés dans nos collections publiques.
Par là, nous montrons que nous avons entendu leurs demandes et que nous considérons que les lois funéraires de chaque société ou communauté humaine s’imposent à nos méthodes ou à nos visions du monde passées. Par là, nous disons notre détermination à respecter l’intégrité et la dignité due à chaque corps humain après la mort. C’est après tout un des fondements de notre humanité.
Pourquoi exposer ce que d’autres ont volontairement enfoui ? Respecter les morts, c’est réconcilier les vivants. Nous disons ici notre volonté que les pratiques mémorielles et le respect des ancêtres s’imposent aux pratiques historiques ou scientifiques, même lorsqu’elles visent l’objectif universel d’un approfondissement des connaissances humaines.
Comme Pierre Ouzoulias l’a exprimé, ce texte va permettre d’accompagner les conservateurs vers la sortie d’une forme de déni. Sans empêcher le progrès des sciences humaines, il vise à renouveler nos pratiques et à nous préserver de l’écueil de l’exotisme, cet exotisme qui nourrissait la fascination malsaine pour le zoo humain de l’exposition universelle de 1889 et que l’ethnologue Tzvetan Todorov, dans son ouvrage Nous et les autres, dénonçait comme le revers du racisme, un « éloge dans la méconnaissance » – donc réducteur – de l’autre. Nous devons achever d’abolir l’exotisme de notre politique muséale.
Enfin, cette proposition de loi répond aux aspirations de la société française, à son attachement à un plus grand respect du principe de dignité humaine, appliqué à toutes les personnes.
Les collections publiques rassemblées dans nos musées sont le reflet de notre société. Le maintien de restes humains contre la volonté des peuples y est désormais impensable.
L’équilibre trouvé dans ce texte va permettre de faciliter les restitutions de restes humains et, surtout, il va permettre à notre pays d’examiner rapidement les demandes.
Nous espérons que nos établissements s’engageront dans un travail en profondeur d’identification des restes potentiellement sensibles qu’ils conservent dans leurs collections.
Enfin, la présente proposition de loi va permettre l’enrichissement des coopérations culturelles et scientifiques avec les États demandeurs, via le comité scientifique mixte.
Cette initiative parlementaire va donc nous faire réellement changer de cadre, en nous faisant entrer dans une nouvelle étape de notre coopération culturelle, et nous permettra d’alléger définitivement nos collections de vestiges de pratiques ethnologiques et archéologiques colonialistes dépassées, alors que les pratiques sont désormais encadrées par les conventions internationales de Londres et de La Valette.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en sa faveur.