Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi sénatoriale nous est présentée comme une réponse aux récents attentats terroristes qui ont touché la France. Les débats qui s'ouvrent éclaireront certainement ce texte et la direction que le Sénat souhaite donner aux politiques publiques de sécurité pour nos concitoyens.
Nous reviendrons sur chacun des articles ; il n'y a pas lieu, dans la discussion générale, d'apposer un blanc-seing ou d'exprimer une opposition de principe aux mesures qui sont proposées. Toutefois, au nom du groupe du RDSE, je voudrais vous faire part de plusieurs remarques à titre liminaire.
Je veux, en premier lieu, présenter les préoccupations qui ont motivé la rédaction de ce texte.
D'abord, nos concitoyens attendent de l'État des réponses aux attaques qui sont commises sur notre sol. Il est vrai que la menace évolue. Elle est amplifiée par l'endoctrinement progressif rendu possible par les réseaux numériques, qui exacerbent les identités et propagent des idéologies mortifères.
À cela, il faut ajouter la problématique très spécifique des personnes qui, détenues en France pour des actes de terrorisme, devraient sortir de détention prochainement.
Enfin, si l'islamisme radical constitue toujours une menace importante, les services de renseignement nous alertent également sur la montée en puissance de la menace terroriste venant de groupuscules fascisants, tout aussi délétères.
Je sais que tous les groupes du Sénat sont attachés à travailler ensemble pour garantir la sécurité des Françaises et des Français. Pour cet impératif, nous avons toujours été mobilisés.
En second lieu, comme nombre de mes collègues, je veux me faire le porte-voix d'un appel à l'équilibre. Les principes cardinaux de notre droit pénal sont un héritage des Lumières et de la Révolution. La proportionnalité et l'individualisation des peines, ou encore le principe selon lequel on ne peut être condamné deux fois pour le même fait ne sont pas des obstacles à une politique efficace. Ils sont au contraire des protections de notre État de droit. Notre collègue Francis Szpiner a employé à leur égard les mots de « capital moral ».
Le Sénat, autrefois conservateur de la Constitution, doit voir le contrôle de la loi par le Conseil constitutionnel non pas comme un empêchement, mais comme un outil de sauvegarde des droits et libertés. Charge aux débats qui s'ouvrent de trouver un équilibre entre liberté et sécurité. Que ces termes ne se réduisent pas à un poncif de plus, employé à justifier des règles d'exception qui finalement se pérenniseraient !
Certaines mesures de cette proposition de loi, éclairées par les travaux de la commission des lois et de M. le rapporteur Marc-Philippe Daubresse, illustrent mes remarques.
À ce titre, on peut relever les interrogations légitimes qui s'expriment sur la sécurité juridique de l'article 1er bis. Celui-ci fait de la notion d'« inconduite notoire » un nouveau motif de retrait d'un sursis probatoire ou d'un suivi sociojudiciaire. Cette notion, si elle apparaît déjà dans le code de procédure pénale comme motif de révocation de la liberté conditionnelle, pâtit d'un flou important.
Ensuite, l'article 11 bis devra faire l'objet d'une attention particulière à l'aune de la protection de la vie privée.
Enfin, le renforcement de l'arsenal judiciaire s'appliquant aux mineurs et, davantage encore, à ceux de moins de 16 ans, doit nous appeler à la plus grande des vigilances. « Le moyen le plus sûr, mais le plus difficile, de prévenir les délits est de perfectionner l'éducation », disait Beccaria. Avant de judiciariser l'avenir des mineurs, il nous faut nous assurer que tous les moyens éducatifs et sociaux ont été mis en œuvre. Les réponses apportées à la jeunesse conditionnent le futur de la Nation. Notre responsabilité envers elle est immense.
Ainsi, le groupe du RDSE se maintiendra dans une dynamique d'équilibre au service de la sécurité des citoyens.