Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 23 janvier 2024 à 14h30
Condamnés terroristes et lutte antiterroriste — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait écho aux récents attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim. Ils nous ont violemment rappelé à quel point la menace terroriste reste prégnante dans notre pays et n’est pas près de disparaître. À l’évocation de ces tristes événements, le groupe RDPI a une pensée émue pour les victimes et leurs familles. Elles ont tout notre soutien.

Nous pensons également aux forces de l’ordre et à nos services de renseignement, qui luttent activement contre la menace terroriste. Nous tenons à rendre hommage à leur action qui – il faut le souligner – a permis depuis 2017 de déjouer pas moins de quarante-trois attentats.

Pour arriver à ce résultat, nous avons considérablement affermi notre arsenal, avec la loi Silt en 2017, la création du parquet national antiterroriste en 2019, ou encore la loi Séparatisme en 2021.

Nous avons puissamment consolidé les moyens juridiques, judiciaires et administratifs nécessaires à une lutte efficace contre le terrorisme, de manière transpartisane. Il s’agit d’une préoccupation constante de la majorité présidentielle.

Toutefois, comme les auteurs de cette proposition de loi en font le constat, la menace terroriste, en plus de rester élevée, a considérablement évolué depuis les attentats de 2015.

En premier lieu, cette menace peut désormais émaner de détenus ayant déjà purgé leur peine, ce qui pose la question de leur prise en charge à l’issue de cette dernière.

En second lieu, les attaques terroristes sont plus imprévisibles du fait de l’évolution du profil des individus radicalisés. Ces derniers ne bénéficient plus nécessairement du soutien logistique de groupes terroristes basés à l’étranger, comme Daech, l’État islamique ; ils agissent davantage de façon solitaire. Il peut s’agir d’assaillants plus jeunes qu’auparavant, souvent endoctrinés au travers d’internet et des réseaux sociaux. Ainsi, la radicalisation de mineurs parfois très jeunes peut s’effectuer directement sur le territoire national, en dehors de tout lieu de socialisation.

Le texte de nos collègues repose sur le constat que l’arsenal pénal actuel ne permet pas d’appréhender pleinement ces évolutions. De ce fait, il a pour objet de remédier aux lacunes judiciaires et administratives de notre système.

Les membres du groupe RDPI ne peuvent que souscrire à l’objectif de ses auteurs : garantir la sécurité des Français en renforçant les moyens de la lutte contre le terrorisme, dans le contexte de la tenue imminente des jeux Olympiques de Paris.

Toutefois, nous sommes aussi convaincus que la lutte contre le terrorisme ne peut se faire que dans le respect de l’État de droit. Nous avions à ce titre des réserves sur diverses dispositions du texte initial, notamment pour ce qui concerne leur conformité avec certains des principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution.

Aussi, nous tenons à saluer le travail de M. le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, qui s’est attaché à rechercher l’équilibre entre opérationnalité des mesures, efficacité de la lutte contre le terrorisme et garantie des droits et libertés constitutionnels.

À titre d’exemple, nous saluons l’encadrement par le rapporteur des mesures judiciaires de sûreté. En limitant, sur son initiative, leur champ aux condamnés à des peines supérieures à quinze ans d’emprisonnement, ou à dix ans en cas de récidive, pour des crimes à caractère terroriste, et en prévoyant une prise en charge adaptée aux profils radicalisés, la commission a veillé à ce que la mesure respecte les critères de nécessité et de proportionnalité.

En ce qui concerne les mesures administratives de lutte contre le terrorisme, la substitution d’une interdiction de paraître autonome à l’interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre des Micas nous semble moins attentatoire aux libertés individuelles et même opportune, sous réserve des observations qui pourront être faites en séance, dans la perspective de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques l’été prochain.

Si les membres du groupe RDPI sont globalement favorables à ce texte, qui répond à une attente forte, nous n’en avons pas moins quelques réserves.

Ainsi, l’ajout du critère d’« inconduite notoire » comme motif de révocation d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire, ainsi que l’ajout du critère de réitération comme motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi sociojudiciaire nous semblent de nature à nuire à la lisibilité des dispositifs concernés. Si nous devinons les intentions derrière ces modifications, l’imprécision juridique de ces notions nous fait craindre une forme d’arbitraire.

Cela étant dit, le groupe RDPI souscrit pleinement à l’objectif de cette proposition de loi. Ses auteurs entendent adapter l’arsenal dédié à la lutte antiterroriste en partant d’un constat certes sinistre, mais, à notre sens, pertinent. Nous nous interrogeons toutefois sur la capacité de certaines des mesures proposées à concilier respect des principes fondamentaux de notre État de droit et lutte contre le terrorisme. Aussi serons-nous particulièrement attentifs aux arguments des uns et des autres, et plus particulièrement à votre avis, monsieur le garde des sceaux.

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