Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en pleine crise agricole, le Premier ministre promettait récemment de simplifier la vie des filières agricoles, qui n’échappent pas à la prolifération des normes, au demeurant de plus en plus contraignantes.
Il faut dire que notre pays connaît une boulimie normative dont chacun doit prendre la mesure. Fin 2022, on dénombrait 78 codes et plus de 347 000 articles de loi en vigueur. Dans ces conditions, comment garantir que la loi est lisible et accessible à tous ?
Comme l’a souligné le Conseil d’État dans son rapport public de 2006 intitulé Sécurité juridique et complexité du droit, l’accumulation de normes et la complexité juridique sont une menace pour l’État de droit.
Depuis 1999, le Conseil constitutionnel rappelle pour sa part que l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi constituent un objectif de valeur constitutionnelle découlant de l’exigence de clarté de la loi.
Simplifier le droit est une nécessité pour nos collectivités territoriales qui sont confrontées à un empilement de normes et de contraintes, alors qu’elles réalisent 60 % de l’investissement public.
L’amélioration de la lisibilité du droit est une condition sine qua non de l’efficacité de l’action publique locale. C’est aussi une source d’économie : la direction générale des collectivités locales estime en effet le coût de l’inflation normative entre 2017 et 2022 à 2 milliards d’euros.
Non seulement la complexité juridique est source d’interprétations, mais elle se traduit souvent par un allongement du délai entre la décision de mener un projet et sa réalisation.
Chez nos concitoyens, cette réalité suscite incompréhension, réprobation, mais aussi perte de confiance dans la parole publique.
La complexité de notre droit est trop souvent à l’origine de retards dans de nombreux projets, voire de leur abandon. Cela est particulièrement vrai dans les petites collectivités, où l’ingénierie « politico-juridico-administrative » manque cruellement. Les élus locaux se retrouvent parfois bien seuls pour mener leurs projets à terme.
Cette situation est aussi source d’une insécurité juridique qui débouche parfois sur la mise en cause de la responsabilité pénale des maires et des élus locaux.
Ces difficultés participent de toute évidence de la crise de l’engagement local, caractérisée par la démission de 1 300 maires et de plus de 12 000 élus locaux depuis 2020. Les petites collectivités sont les premières à en pâtir, mais les grandes collectivités ne sont plus épargnées si l’on considère les difficultés de recrutement croissantes, en particulier dans les filières techniques.
Au fond, cette prolifération des normes traduit une réalité, celle d’un État trop vertical qui légifère sur tout et fait trop peu confiance aux élus locaux.
Si le Parlement doit lui aussi prendre sa part d’autocritique, il convient également de souligner les effets du droit européen qui, du fait de l’obligation de transposition dont il fait l’objet, prend de plus en plus de place dans notre ordre juridique national.
Enfin, notre droit des collectivités territoriales est devenu d’autant plus illisible que les élus locaux sont en permanence soumis à des injonctions contradictoires. Je citerai, entre autres, l’obligation de construire davantage et celle de ne pas artificialiser les sols, synthétisée dans l’objectif du zéro artificialisation nette, qui s’apparente à un véritable casse-tête en matière d’urbanisme et d’aménagement.