Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 janvier 2024 à 8h40
Marché intérieur économie finances et fiscalité — Audition de M. Thierry Breton commissaire européen au marché intérieur

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques :

À mon tour de me féliciter de votre présence parmi nous ce matin, monsieur le commissaire. Vous êtes à la tête, depuis plusieurs années déjà, d'un portefeuille étendu, stratégique et crucial pour l'avenir de l'Union européenne, qui nous concerne au premier chef au sein de la commission des affaires économiques.

À ce poste, vous vous êtes fait le chantre de la souveraineté européenne, dans tous les domaines, qu'il s'agisse du domaine industriel, économique ou numérique.

Mes questions portent sur deux points : les enjeux de relocalisation industrielle, en lien avec la transition verte, et la régulation de l'économie numérique.

Sur le premier point : la France a engagé un mouvement en faveur de la relocalisation industrielle, notamment dans les secteurs de la transition écologique. Nous avons débattu il y a quelques mois de la loi relative à l'industrie verte, qui anticipe sur le futur règlement européen pour une industrie « zéro net ». Quelles sont les perspectives d'adoption de ce règlement, qui conditionnera la liste des technologies éligibles aux dispositifs prévus dans cette loi ?

Pour soutenir notre industrie, en plus de simplification administrative, nous avons surtout besoin de financements. La France a largement profité de la libéralité du nouveau cadre européen post-covid en matière d'aides d'État : tout récemment, le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV) a été validé par la Commission européenne. Face aux aides à la production massives pratiquées par nos concurrents internationaux, cela n'a rien de choquant. Certains « petits pays » en Europe réclament désormais la fin de ce cadre dérogatoire, qui avantagerait davantage, selon eux, les « grands pays ». Combien de temps ce cadre est-il appelé à durer ?

Dans le même temps, après le sursaut post-covid, le soutien à l'industrie ne semble plus être une priorité pour tout le monde en Europe, compte tenu du contexte budgétaire contraint que nous partageons tous : la plateforme de technologies stratégiques pour l'Europe (Step), qui devait remplacer le fonds de souveraineté mort-né, promet d'être la grande perdante des négociations budgétaires européennes. Cette attrition des financements publics constitue un risque majeur pour la compétitivité européenne, dans des secteurs industriels pourtant stratégiques. L'urgence n'est-elle pas alors de créer les conditions de la mobilisation des capitaux privés, notamment en relançant l'union des marchés de capitaux ?

J'en viens à mon second point. Vous le savez, les enjeux liés à une régulation juste, équitable et ambitieuse de l'économie numérique nous intéressent grandement, le Sénat s'étant souvent positionné à l'avant-garde d'une telle régulation, ce qui, d'ailleurs, n'est pas toujours du goût de la Commission européenne.

L'arsenal législatif dont nous nous sommes dotés est robuste et nous commençons seulement à prendre la mesure de l'étendue des instruments, à la fois offensifs et défensifs, dont l'Union européenne s'est dotée. Je suis convaincue que nous sommes sur la bonne voie pour rééquilibrer le rapport de force en notre faveur, mais l'année 2024 sera une année charnière pour la mise en oeuvre de ce nouvel arsenal. Le premier défi sera de s'assurer de sa bonne application. Meta, Apple et TikTok ont d'ores et déjà annoncé contester devant la justice européenne leur désignation par la Commission européenne comme contrôleurs d'accès au titre du règlement européen sur les marchés numériques. Face à un tel niveau de contestation, comment comptez-vous assurer la force de frappe de notre modèle de régulation ?

Déjà partiellement en application, le règlement européen sur les services numériques est lui aussi contesté ; c'est pourquoi, après avoir demandé des informations supplémentaires à plusieurs plateformes sur les mesures prises en matière de modération des contenus et de vérification de l'âge, vous avez annoncé, le 18 décembre dernier, ouvrir une procédure d'infraction contre le réseau social X. Monsieur le commissaire, où en est cette procédure d'infraction aujourd'hui ? Face à la menace de lourdes sanctions européennes, pensez-vous que le réseau social X puisse prochainement se retirer du marché européen ? Toutes ces questions se posent également pour TikTok...

L'année 2024 devrait également être celle de l'entrée en vigueur d'autres règlements européens sur l'utilisation des données et sur les marchés de crypto-actifs, autant de textes importants qui visent à mieux réguler notre économie numérique, mais aussi à la soutenir en développant des champions nationaux et européens afin de demeurer pertinents technologiquement. Il y a donc un équilibre à trouver et, de ce point de vue, les partisans de l'innovation et ceux de la régulation semblent irréconciliables, comme en témoignent les vifs débats sur la proposition de règlement sur l'intelligence artificielle.

Monsieur le commissaire, où en est cette proposition de règlement ? Selon vous, les acteurs français et européens de l'intelligence artificielle seront-ils mis en difficulté par cette réglementation ? Le gouvernement français a souhaité la révision de plusieurs dispositions : ces demandes vous semblent-elles légitimes ? Seront-elles satisfaites ?

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