Intervention de Marie Mercier

Réunion du 6 février 2024 à 15h30
Violences intrafamiliales — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie MercierMarie Mercier :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un esprit de compromis, la navette a déjà permis l'adoption conforme de quatre articles de la présente proposition de loi.

La commission des lois vous propose d'en adopter quatre supplémentaires afin de concentrer les débats sur l'article 1er, qui pose l'importante question de l'intervention du juge pour apprécier l'intérêt de l'enfant.

L'article 2 de la proposition de loi tend à modifier l'article 378 du code civil pour rendre plus automatique, mais sans l'imposer au juge – ce qui est important –, le retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l'enfant ou pour crime sur l'autre parent.

Les députés ont conservé la réécriture que nous avions adoptée. Afin de rendre la disposition plus intelligible, celle-ci distingue trois types de situation. Les députés ont toutefois durci l'incitation faite aux juridictions pénales d'ordonner le retrait total de l'autorité parentale.

La commission a accepté cette formulation, dans la mesure où les juridictions conserveraient malgré tout le choix de moduler leurs décisions en fonction de l'intérêt de l'enfant, apprécié in concreto, à charge pour elles de le motiver spécialement.

Pour ce qui concerne l'article 3, les députés ont repris notre idée de rassembler en un seul article du code pénal l'ensemble des dispositions relatives au retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales, ce qui devrait en faciliter l'application. Ils ont choisi d'en faire une disposition miroir de l'article 378 du code civil sans procéder par renvoi, ce qui ne semble pas nuire à l'intelligibilité et à l'effectivité recherchées.

L'article 2 ter institue une période de stabilité minimale de six mois à l'enfant après une décision de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Nous sommes attachés à cette idée de répit, mes chers collègues, car le temps de l'enfant n'est pas le temps de l'adulte, or c'est bien l'enfant qui est au cœur du présent texte.

Dans ce même esprit de concorde, nous avons renoncé à supprimer l'article 4, bien qu'il prévoie la remise d'un rapport, ainsi qu'à modifier l'intitulé de la proposition de loi.

J'en viens à présent à l'article 1er de la proposition de loi, que les députés ont adopté dans les mêmes termes que leur texte de première lecture.

Cet article modifie l'article 378-2 du code civil pour élargir les cas de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement aux cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant, tout en modifiant le régime. C'est sur ce dernier point que nous avons un désaccord.

Il est en effet proposé qu'en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime commis sur l'autre parent ou de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant, l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement soient suspendus automatiquement, donc sans limite de temps, jusqu'à la décision du JAF ou jusqu'à la décision de la juridiction pénale.

Le JAF ne serait plus saisi systématiquement par le procureur de la République dans les huit jours, mais pourrait éventuellement l'être par le parent poursuivi.

Les députés ont également prévu un régime spécifique en cas de condamnation pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits. Comme en première lecture, nous avons accepté d'étendre le mécanisme de suspension provisoire avant tout jugement au cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant.

Il convient en effet de remédier au véritable défaut de l'article 378 du code civil en la matière. Je félicite donc Isabelle Santiago de cette initiative.

Nous avons toutefois souhaité maintenir le caractère provisoire de la suspension dans les conditions actuelles, c'est-à-dire pour une durée maximale de six mois, jusqu'à la décision du JAF, qui doit être saisi par le procureur de la République dans les huit jours.

Nous savons bien que les JAF sont débordés, mais puisque vous avez alloué des moyens supplémentaires à la justice, monsieur le garde des sceaux, il convient à présent de continuer de le faire au bénéfice des chambres de la famille. §

Ce mécanisme présente selon nous le mérite de ménager un équilibre satisfaisant entre la nécessité de protéger, d'une part, et le respect de la présomption d'innocence et le droit de l'enfant de maintenir des relations avec ses deux parents, d'autre part. À ce titre, un délai de six mois de suspension automatique avant l'intervention d'un JAF nous a semblé constituer la bonne mesure.

Nous avons enfin écarté le dispositif spécifique proposé en cas de condamnation pour violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté au fait.

Les juridictions doivent déjà se prononcer sur l'autorité parentale en cas de condamnation au titre de cette infraction, les enfants témoins étant des covictimes, ainsi que les désigne l'intitulé de la proposition de loi.

Mes chers collègues, c'est bien sur une question d'équilibre que nous aurons à nous prononcer lors de l'examen des différents amendements qui nous sont soumis. Contrairement à ce que certains tentent de faire croire de façon assez simpliste, il ne s'agit pas seulement de choisir le camp des enfants victimes contre celui des bourreaux. Il serait notamment dommage de prendre le risque de non-protection des enfants, qui ont le droit d'être reçus par un juge aux affaires familiales rapidement.

Nous partageons le même but, la même priorité, mes chers collègues : la protection absolue des enfants, car chacun d'entre nous est le reflet de l'enfant qu'il a été.

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