Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les violences intrafamiliales représentent un véritable fléau pour notre société. Par définition, elles relèvent de la sphère privée, ce qui explique que l'on ait mis tant de temps à les prendre en compte dans le débat public.
Un enfant qui subit de telles violences, directement ou indirectement, en portera en lui la douleur tout au long de sa vie ; et l'adulte qui vit avec ce fardeau est un individu meurtri, torturé. Il aura toujours en lui une part d'ombre et, sans être responsable en quoi que ce soit des faits commis, éprouvera souvent une immense culpabilité.
On estime, en France, entre 10 % et 20 % la proportion d'adultes ayant subi de telles violences lorsqu'ils étaient mineurs : des millions de nos concitoyens sont donc directement concernés.
C'est pourquoi, au nom du groupe auquel j'appartiens, je me réjouis que l'exécutif se soit emparé de ce sujet avec tant de détermination. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture a d'ailleurs été inscrite à l'ordre du jour pendant une semaine réservée au Gouvernement ; je tenais à le rappeler.
La réunion de la Ciivise, il y a près de trois ans, a permis de mettre nos institutions à l'écoute des victimes. C'était un préalable indispensable pour que le législateur puisse mieux appréhender ce problème terriblement complexe.
Évidemment, pour lutter contre les violences intrafamiliales, il vaut mieux protéger la victime en la plaçant à l'abri de son agresseur.
Mes chers collègues, ce sujet est on ne peut plus sensible. En la matière, nous devons légiférer avec la plus grande prudence en nous en tenant à deux objectifs clairs : préserver l'intérêt supérieur de l'enfant et valoriser la parole des victimes. Ces deux enjeux doivent primer toute autre considération.
À ce stade de la navette parlementaire, plusieurs avancées ont été entérinées.
Je pense notamment à l'article 2, qui prévoit l'automaticité du retrait de l'autorité parentale et de son exercice, lorsque des violences ou un crime ont été commis contre l'autre parent ou lorsque l'enfant a subi un viol. Sur ce point, la navette a permis d'aboutir à un dispositif à la fois efficace et équilibré.
Ce n'est pas encore le cas pour l'article 1er.
Mme la rapporteure de la commission des lois, dont je tiens à saluer le travail consciencieux et rigoureux, a proposé de rétablir la version adoptée par le Sénat en première lecture, en conservant au juge aux affaires familiales la faculté de se prononcer sur la suspension provisoire de l'autorité parentale.
J'entends certains de nos collègues – et ils sont nombreux – insister pour que ce texte soit adopté et promulgué le plus rapidement possible, afin qu'il produise ses effets au plus vite et qu'un maximum d'enfants soient ainsi mis à l'abri.
Je comprends leur souci de diligence, que je fais mien ; mais je tiens à leur rappeler qu'il ne faut jamais confondre vitesse et précipitation, surtout lorsqu'il s'agit d'écrire la loi.
J'en suis convaincu : mieux vaut prendre le temps nécessaire pour concevoir la meilleure loi possible plutôt que de se hâter et d'adopter un texte probablement moins efficace ou moins équilibré.
Certes, l'Assemblée nationale a envoyé un message fort en votant sa version du texte à l'unanimité ; mais l'unanimité d'une chambre ne remet pas en cause le bicamérisme. Le Sénat doit poursuivre son travail de manière sereine et sérieuse.