Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 6 février 2024 à 15h30
Régime juridique des actions de groupe — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, l'action de groupe, qui a pour objectif de faciliter l'accès au droit des victimes d'un même dommage n'ayant pas toujours la possibilité d'agir seules en justice dans des contentieux souvent techniques, a été introduite en France par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.

L'action de groupe a ensuite été étendue, en 2016, aux litiges en matière de santé, d'environnement, de protection des données personnelles et de discrimination au travail, puis, en 2018, aux litiges relatifs à la location d'un logement.

Aujourd'hui, comme mes prédécesseurs à cette tribune l'ont rappelé, son champ d'action est limité et, de surcroît, la qualité pour agir n'est ouverte qu'aux seize associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées.

En outre, il faut que les personnes lésées fassent la démarche d'adhérer au groupe pour être indemnisées.

La mission d'information lancée par nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin en 2020 sur le bilan et les perspectives de l'action de groupe, qui est à l'origine de la présente proposition de loi, a permis de constater, d'une part, que seule une trentaine d'actions de groupe – dont peu ont abouti – ont été engagées en France depuis la création de cette procédure et, d'autre part, qu'il est nécessaire d'en simplifier le régime juridique pour remédier au désintérêt des justiciables.

En France, la réalité n'a rien à voir avec les indemnisations spectaculaires des class actions à l'américaine, qui ont inspiré plusieurs cinéastes – nous avons tous en tête le film Erin Brockovich, seule contre tous de Steven Soderbergh.

Les très fortes contraintes juridiques qui entourent cette procédure dans notre pays semblent avoir eu pour conséquence d'empêcher toute action de groupe, ou presque, de prospérer.

Aussi, et sans tomber dans les dérives que peuvent connaître les États-Unis, il est proposé, par ce texte, de créer un régime juridique unifié des actions de groupe là où existent aujourd'hui sept fondements législatifs correspondant à autant de procédures et de préjudices indemnisables différents.

La présente proposition de loi prévoit également, en toutes matières, d'élargir le champ d'application de l'action de groupe à la cessation d'un manquement ou à la réparation d'un préjudice subi à raison dudit manquement.

Il s'agit par ailleurs d'indemniser tous les préjudices, qu'ils soient corporels, matériels ou moraux, d'ouvrir la qualité pour agir et de maintenir la possibilité de recourir à la médiation pour faciliter l'indemnisation des victimes et favoriser le désengorgement des tribunaux.

Le texte instaure en outre une amende civile susceptible d'être prononcée à l'encontre d'une entreprise en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels ; son montant pourrait être porté à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel.

Il permettra enfin à la France d'honorer ses obligations européennes en achevant de transposer dans le droit national les dispositions figurant dans la directive du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives, qui visent à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et à prévoir, plus particulièrement, une procédure d'action de groupe transfrontière.

La saisine pour avis et les recommandations du Conseil d'État, comme celles de la Défenseure des droits, ont permis de renforcer la proposition de loi initiale déposée à l'Assemblée nationale.

Des aménagements restent malgré tout à effectuer.

À cet égard, je voudrais remercier le rapporteur et saluer le travail réalisé – sur son initiative – par la commission : elle a restreint les conditions de reconnaissance de la qualité pour agir, tenant compte du risque de déstabilisation que la démultiplication du nombre d'acteurs susceptibles d'exercer ce droit, dont on peut imaginer que certains pourraient se révéler malveillants, ferait courir aux opérateurs économiques.

La commission a également supprimé l'amende civile, au sujet de laquelle le Conseil d'État avait émis de fortes réserves.

Malgré des modifications substantielles, notre groupe considère que l'économie du texte est préservée. Dix années après la création de la procédure de l'action de groupe, nous serons vigilants pour que la version issue de nos débats permette une utilisation efficace de ce droit par les justiciables français. C'est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi.

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