Les amendements défendus par nos collègues Guillaume Gontard et Éric Bocquet tendent à supprimer l'article 1er bis A par lequel la commission, qui l'a ajouté dans le texte, a souhaité circonscrire les actions de groupe en matière de santé et de droit du travail à leur champ actuel, à savoir, respectivement, les produits de santé et les discriminations au travail. Cette limitation nous apparaît en effet nécessaire.
Premièrement, en matière de santé, nous avons été alertés quant au très grand risque que pourraient encourir des professionnels de santé disposant de faibles moyens de défense face à des actions de groupe destinées à salir leur réputation.
Entendons-nous bien, mes chers collègues : nous ne remettons pas en cause le champ actuel des actions de groupe en matière de santé. Des affaires telles que celles du Mediator ou des prothèses mammaires PIP, mentionnées par Mme Vogel dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 26, pourraient toujours faire l'objet d'actions de groupe. En revanche, nous estimons que le risque réputationnel que pourraient en particulier encourir des professionnels de santé justifie d'exclure ceux-ci du champ de l'action de groupe et d'en rester au champ actuel.
Je souhaite par ailleurs répondre à l'argument parfois avancé consistant à affirmer que, le « fond du droit » de la responsabilité n'étant pas modifié par la proposition de loi, ces changements procéduraux seraient sans effet sur l'engagement de la responsabilité des professionnels de santé. C'est exact, mais c'est oublier que le véritable coût d'une action de groupe est réputationnel : quel patient irait consulter un médecin dont le nom figure injustement au registre des actions de groupe, dont je rappelle qu'il est créé par la présente proposition de loi ? Dans le cas où la responsabilité du professionnel en question ne serait pas reconnue, comment compenser le préjudice ainsi subi ? L'action de groupe « à la française » ne nous paraît pas devoir s'orienter vers ce type de dérives.
Deuxièmement, en matière de droit du travail, il nous a semblé qu'une ouverture indiscriminée du champ d'application de l'action de groupe risquerait en particulier de dessaisir les conseils de prud'hommes de pans non négligeables du contentieux, ce qui serait un effet de bord particulièrement fâcheux de cette réforme, les prud'hommes rendant la justice au plus près des intérêts des salariés et des employeurs.
Il nous a également semblé, comme le rappelle Mme Vogel, que cela risquerait de priver les syndicats du rôle majeur qui leur échoit dans la conduite du dialogue social comme dans l'action contentieuse. L'écosystème des relations de travail, qui repose en particulier sur le rôle des syndicats et sur celui des conseils de prud'hommes, ne me paraît pas devoir être incidemment perturbé par cette réforme.
En conséquence, je demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.