Pour revenir aux amendements, je ferai plusieurs observations. Premièrement, la proposition de loi que nous avons à examiner ce soir vise à unifier le régime des actions de groupe et à transposer la directive européenne du 25 novembre 2020. Or la sanction civile n'est pas imposée par le droit européen.
Deuxièmement, la création d'une sanction civile constitue une réforme d'ampleur du droit de la responsabilité civile, qui mériterait d'être discutée, à mon sens, dans un autre cadre.
Troisièmement, la sanction civile ne fait pas consensus entre les tenants de la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques. Ces derniers y sont – pour la plupart –particulièrement opposés, comme l'ont rappelé les personnalités que j'ai pu auditionner. En outre, lorsque la commission des lois a étudié cette sanction civile, elle s'est toujours montrée très réservée sur sa création dans notre droit interne.
Quatrièmement, tant le Conseil d'État que la direction des affaires civiles et du sceau ont fait part de leurs réserves, voire de leur opposition à la création d'une amende civile, à la fois pour des raisons de forme – je viens de les évoquer – et de fond. En effet, le dispositif proposé présente plusieurs fragilités juridiques, exposant ce texte à la censure du Conseil constitutionnel.
Cinquièmement, vous avez presque tous mentionné la création d'un fonds pour aider les actions de groupe ; mais la loi Hamon l'évoque déjà. Or c'est bien par-là que pêche aussi cette sanction civile, dont le produit va tout simplement dans les caisses du Trésor public. Elle vise donc complètement à côté de sa cible !
On créerait une sanction civile dotée de toutes les caractéristiques d'une sanction pénale, mais qui n'aurait pas pour finalité d'aider les associations à financer leurs actions de groupe et dont le produit ne ferait qu'enrichir le Trésor public.
Quel serait l'intérêt de créer une telle sanction ? Nous aurions pu débattre du fond, si son produit avait été fléché vers les associations. En l'espèce, il s'agit de créer, dans un titre du code civil, une sanction civile applicable partout et en tout temps, qui n'est même pas liée à l'action de groupe alors qu'elle est adossée à une proposition de loi relative à l'action de groupe.
Pour toutes ces raisons, et chacune se suffisant à elle-même, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.