J'émets un avis favorable à l'amendement de coordination présenté par le Gouvernement.
En outre, l'amendement n° 57 de la commission me semble préférable aux amendements n° 20 rectifié, 15, 40, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42.
Outre une disposition d'entrée en vigueur de l'article 2 undecies supprimé à l'amendement n° 20 rectifié de M. Bourgi, l'ensemble de ces amendements tendent à revenir sur la position adoptée par la commission visant à n'ouvrir la possibilité d'engager des actions de groupe sur le fondement du régime principal prévu par le présent texte que pour les faits générateurs postérieurs à la publication de la loi.
Pour répondre à l'ensemble des points soulevés, il est vrai que le législateur est libre de prévoir la rétroactivité de dispositions de procédures civiles, ce que je n'ai jamais mis en cause. Il est également possible de faire le choix contraire – ce que je vous propose –, sans que cela pose de problème de constitutionnalité, comme l'estime Mme Goulet.
Il ne résulterait de ce régime aucune rupture d'égalité. D'une part, ce régime d'entrée en vigueur a été prévu par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour les actions de groupe en matière de discriminations ou de questions environnementales, sans que le Conseil constitutionnel ait à s'en émouvoir particulièrement. D'autre part, il existe déjà des différences entre le justiciable recherchant la réparation du préjudice à titre individuel et celui la recherchant à titre collectif, la possibilité de prétendre à une réparation dépendant du domaine dans lequel l'action est engagée. Par ailleurs, le législateur est parfaitement libre de prévoir des modalités procédurales distinctes en fonction du nombre de demandeurs et de la nature de l'affaire en question, ce qu'il a déjà fait dans le cadre du régime actuel de l'action de groupe.
Ensuite, à supposer qu'un opérateur n'étant pas en situation de manquement n'ait pas à craindre une action de groupe, il n'en demeure pas moins que les contrats d'assurance le couvrant en cas de réalisation de ce risque – qui ne résulte pas toujours d'une intention malveillante – ne sont pas nécessairement calibrés pour les conditions d'engagement de la responsabilité prévues par la présente proposition de loi. En particulier, l'universalisation du champ de l'action de groupe va entraîner la possibilité pour des opérateurs de se la voir appliquer, alors même que leurs contrats d'assurance n'ont pas été pensés pour une telle fréquence de réalisation du risque juridique.
Enfin, au risque de me répéter, le fait que nous ne modifiions pas le fond du droit de la responsabilité n'enlève en aucun cas le coût réputationnel important que peut faire peser sur un opérateur, y compris de petite taille, une action de groupe. Or, en universalisant le champ de l'action de groupe, nous allons soumettre des pans entiers du droit à cette procédure : des personnes vertueuses pourront ainsi faire l'objet de procédures longues, aboutissant à l'absence de reconnaissance de leur responsabilité. Nous devons aussi faire la loi pour eux. Or, pour revenir à la problématique de l'assurance, les contrats d'assurance de protection juridique de ces personnes n'ont logiquement pas été calibrés à cette fin, dans des domaines qui n'y étaient jusqu'à présent pas soumis. Le coût qui va en résulter ne saurait donc être mésestimé.
Pour l'ensemble de ces raisons, je demande à mes collègues de retirer leurs amendements au profit de celui de la commission ; à défaut, j'y serai défavorable.