Je pense aussi à la canicule que nous avons connue l'été dernier. Les étudiants en médecine, les étudiants infirmiers et les médecins retraités ont répondu présents à l'appel que je leur avais lancé pour venir renforcer les services des SAMU et des urgences dans les départements placés en alerte canicule.
Et comment ne pas évoquer la terrible crise qui a bouleversé le Liban cet été ? Cette catastrophe nous a conduits à mettre en place, à la demande du Président de la République, un dispositif sanitaire de très grande ampleur afin de mettre à la disposition de nos ressortissants plus d'une centaine de médecins et d'infirmiers pour assurer la sécurité sanitaire de leur rapatriement.
Tous ces professionnels savent qu'un jour ou l'autre ils pourront à nouveau être mobilisés. Tous savent bien à quel point notre système de gestion des crises sanitaires a besoin des avancées prévues par votre proposition de loi, monsieur Giraud, en termes de préparation et de réponse à l'urgence. C'est pourquoi il est nécessaire de poser un cadre législatif ferme et de garantir ainsi à tous la sécurité juridique qu'ils méritent.
Votre proposition de loi permettra de rattraper un retard qui date, osons le dire, de plus de trente ans. Je tiens d'ailleurs à vous remercier et à vous féliciter de votre engagement sur ces questions. Votre texte définit un cadre et les moyens nécessaires à l'accomplissement de nos missions de sécurité sanitaire et vise à doter l'État d'un système de réaction rapide tant sur un plan humain et logistique qu'administratif. C'est un objectif essentiel.
En premier lieu, sur le plan humain, vous proposez la constitution d'un corps de réserve sanitaire.
La mise en place de ce corps de réserve sanitaire reposera sur un principe clé, celui du volontariat, comme c'est le cas pour les réserves militaire ou de sécurité civile.
Pourquoi le volontariat ? La raison en est simple : les différentes crises au cours desquelles nous l'avons expérimenté l'ont bien montré, le volontariat est la garantie du bon fonctionnement humain de la gestion de la crise. Parce qu'il est la manifestation concrète de la mobilisation des esprits et des volontés, de l'adhésion du pays à son système de défense sanitaire, il devient, sauf inaptitude, un véritable droit pour ceux qui, librement, choisissent de l'assumer.
Le volontariat est aussi l'expression ultime du sens et de la réalité d'un engagement, placé sous le signe de l'acceptation du devoir et du dévouement. Les obligations personnelles qu'il implique au service de la nation ont pour contreparties les droits qui sont accordés aux volontaires et la reconnaissance qui leur est due.
Monsieur Autain, je sais vos craintes, que vous avez exprimées à différentes reprises, notamment en commission, sur le fait que cette proposition de loi pourrait engendrer des doublons avec les autres réserves, militaire ou de sécurité civile. Sachez qu'elle sera, au contraire, complémentaire et qu'elle offrira la possibilité de mettre à disposition du système sanitaire des renforts entraînés et structurés, soit dans les cabinets libéraux, soit dans le secteur hospitalier.
S'agissant des droits des réservistes, je tiens notamment à souligner l'importance accordée par cette proposition de loi à la mise en place d'un statut très protecteur. Le réserviste bénéficiera, quel que soit son secteur professionnel d'origine, d'une totale continuité de ses droits en matière de protection sociale. Il pourra également bénéficier, le cas échéant, de l'ancienneté, d'un avancement et de congés payés grâce au maintien de son régime habituel. Ce statut favorable est complété par la protection de l'État en cas de mise en cause de sa responsabilité à l'occasion de son activité au sein de la réserve sanitaire. Le réserviste sera en outre indemnisé par l'État pour les dommages subis dans ce cadre.
Cette réserve, qui pourrait compter selon les premières estimations environ 10 000 personnes, comprendra des professionnels de santé en activité ou à la retraite depuis moins de trois ans, ainsi que des étudiants poursuivant des études médicales ou paramédicales, sous conditions de formation. À cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir de pouvoir associer le plus tôt possible les jeunes générations de professionnels à la gestion des crises sanitaires. Nous parviendrons d'autant mieux à développer le volontariat que les futurs professionnels de santé auront été mobilisés et sensibilisés, au cours de leur cursus, aux principes fondamentaux de la médecine de crise.
Grâce à ce texte, les pouvoirs publics auront ainsi une plus grande capacité de réponse et une véritable souplesse d'utilisation des moyens sanitaires.
Ces renforts, ce potentiel humain mobilisable à tout moment, interviendront en priorité à l'occasion de crises graves survenant sur le territoire national - à l'échelon local, régional ou sur l'ensemble du territoire - afin de permettre au système de soins de faire face en toutes circonstances à l'ensemble des missions et des objectifs qui lui incombent.
Ils pourront bien entendu être engagés sur place ou dans d'autres régions lors de crises localisées, comme le chikungunya, ou plus étendues, de type pandémie grippale, ou lors de missions d'aide médicale urgente à l'étranger, comme lors du tragique raz-de-marée qui a frappé plusieurs pays d'Asie en décembre 2004. Et je connais l'attachement du président About à ce type de mission, qui permet à la France d'exporter une médecine de qualité, reconnue à travers le monde.
Le texte prévoit deux niveaux d'engagement afin d'organiser et de graduer notre réponse à la crise.
Tout d'abord, une réserve d'intervention sera appelée en priorité. Ses membres seront soumis à des règles de perfectionnement et de formation. Eux seuls pourront effectuer des missions à l'étranger.
Ensuite, une réserve de renfort permettra aux volontaires de s'engager avec des contraintes moins lourdes. Elle sera mobilisée en second lieu, si le système sanitaire appuyé par la réserve d'intervention ne parvient plus à faire face à ses obligations.
Enfin, une disposition vise à améliorer le cadre juridique applicable aux autres soignants, qui n'appartiendraient pas à la réserve sanitaire. Elle permet d'offrir aux personnes requises les mêmes garanties qu'aux réservistes s'ils sont victimes de dommages ou si leur responsabilité est mise en jeu.
Vous n'avez non plus oublié, monsieur le rapporteur, de prévoir une mesure que les médecins libéraux appellent de leurs souhaits depuis fort longtemps. Cette mesure permet aux professionnels de santé conduits à exercer leur activité dans des conditions d'exercice exceptionnelles de bénéficier de la même protection en cas de dommages subis ou de mise en cause de leur responsabilité. C'est essentiel pour garantir, sur le terrain, la sécurité de nos professionnels de santé libéraux, qui sont en première ligne, notamment en cas de risque de pandémie grippale.
Deuxième grand axe de votre texte : vous proposez un soutien logistique et administratif concernant la prévention et la gestion des risques sanitaires exceptionnels avec la mise en place d'un établissement public dédié.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que certains d'entre vous s'interrogent sur la mise en place d'un établissement public supplémentaire et se posent des questions sur l'engagement financier de l'État dans les crises sanitaires. Comme je l'avais évoqué lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, par définition, une réponse à une crise doit être adaptée, et l'ajustement financier qui en découle n'a pas forcément vocation à être inscrit dans une loi de finances initiale.
Je rappelle avec force qu'en cas de menace ou de survenue d'une crise sanitaire, qui constituent des sujets d'ordre public, l'État, quel que soit le gouvernement, a toujours été au rendez-vous, comme nous l'avons démontré lors des dernières crises.
Concernant l'établissement public, il ne s'agit pas de créer une énième agence publique, bien au contraire ! Face à l'accroissement du risque, aux impératifs de l'urgence, à l'ampleur de la tâche que représentent la préparation et la gestion de crises sanitaires, la direction générale de la santé ne pouvait continuer à assurer seule ces missions, auxquelles elle n'est pas, comme vous le savez, exclusivement dédiée.
Votre texte, monsieur Giraud, vise donc à la création d'un établissement public, placé sous la tutelle étroite du ministère de la santé, répondant aux besoins de soutien administratif et logistique des plans sanitaires avec une organisation fonctionnelle et opérationnelle plus efficace. Il sera ainsi un outil au service des acteurs des plans d'urgence sanitaire et permettra à l'État de mieux remplir son rôle.
Trois fonctions principales lui seront dévolues.
Premièrement, il sera chargé d'administrer la réserve sanitaire et d'assurer l'affectation des réservistes à la demande de la tutelle.
Deuxièmement, il aura pour mission de mener des actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels, notamment d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et des services nécessaires aux populations concernées par la crise.
Je voudrais dire quelques mots de cette mission qui lui est dévolue. Comme vous le savez, le nombre croissant de plans en réponse aux crises sanitaires impose une organisation logistique de plus en plus complexe. Cela implique notamment de multiplier les marchés d'acquisition des produits et des services nécessaires, par exemple, pour le stockage ou le transport des produits, de multiplier les volumes et les différents types de produits acquis et, par conséquent, de multiplier les interlocuteurs publics et privés intervenant dans la mise en oeuvre de ces plans.
L'importance des stocks et des sommes en jeu, comme les garanties de fiabilité et de disponibilité immédiate que les produits en réserve doivent offrir à tout moment, supposent la mise en place d'un vaste plan de gestion logistique pour tous les lots livrés et à livrer. Le suivi opérationnel de ces différents circuits ne peut donc plus être assuré efficacement par un seul service administratif - actuellement, c'est le DéSUS, le département des situations d'urgence sanitaire de la direction générale de la santé -, car il nous faut allier rapidité d'action, efficacité et économie financière. Et parce que ce suivi opérationnel implique une mobilisation totale, je ne veux pas qu'il continue à s'effectuer, comme c'est parfois le cas, au détriment de l'élaboration des plans et de la stratégie de réponse aux menaces.
C'est pourquoi nous soutenons cette mesure. Nous donnerons ainsi satisfaction aux souhaits que vous aviez exprimés, mesdames, messieurs les sénateurs, lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s'agissant de la création d'un établissement public administratif gérant l'ancien fonds Biotox, dont la gestion est déléguée, à titre transitoire, au fonds de solidarité vieillesse.
L'établissement prévu dans cette proposition de loi se substituera ainsi à cet établissement, votre proposition lui donnant un cadre juridique stabilisé, des missions et des financements durables.
Enfin, il pourra intervenir pour assurer la couverture en médicaments ou en dispositifs médicaux là où les besoins ne seront pas satisfaits.
En revanche, il n'aura vocation ni à piloter l'élaboration des plans, ni à recueillir et à traiter l'alerte sanitaire, ni à définir la politique d'emploi de la réserve et des produits stockés. Je tiens à le souligner : tout cela restera la mission de l'État.
Cette création permettra d'établir la distinction nécessaire entre les tâches de conception et les tâches de mise en oeuvre opérationnelle. Ainsi, l'administration centrale jouera pleinement son rôle de conception et de pilotage de la politique publique de sécurité sanitaire pour mieux éclairer et sécuriser la décision publique.
La gestion du déclenchement et du pilotage de la réponse aux crises sera rendue pleinement efficace, car la Direction générale de la santé pourra se consacrer davantage à son coeur de métier. Du reste, nous procédons actuellement à la réorganisation interne de celle-ci afin de la rendre plus efficiente dans ces domaines.
Enfin, dans le souci de distinguer les différentes missions pour garantir cette meilleure organisation logistique, donc l'efficacité du système, un établissement pharmaceutique sera créé au sein de l'établissement public.
L'utilisation des produits relevant du monopole pharmaceutique est fréquente, et bien souvent nécessaire en cas de crise sanitaire. Après l'épisode du Nilevar, ce médicament indispensable à la survie d'enfants souffrant d'une maladie grave, il était important de trouver une solution pérenne et sécurisante pour nos concitoyens.
Ainsi, lorsque les activités de l'établissement public le conduiront à acquérir, à fabriquer, à distribuer, à importer ou à exporter des produits relevant du monopole pharmaceutique, elles seront réalisées par un établissement pharmaceutique.
Ce dernier sera créé au sein de l'établissement public et soumis à l'essentiel du régime juridique applicable à ce type d'établissement, ce qui permettra d'assurer dans les meilleures conditions la gestion des produits nécessaires pour faire face à cette crise sanitaire. Il pourra, en outre, être chargé d'exercer les mêmes activités en cas de cessation de commercialisation, de rupture de stock, de production insuffisante, voire d'indisponibilité de certaines formes de médicaments ou de dispositifs médicaux.
Cet établissement pourra également être titulaire de licences d'office concernant les produits relevant du monopole pharmaceutique, lorsque le ministre chargé de la propriété intellectuelle en aura autorisé l'attribution.
Ces dispositions ne dispensent pas les industries concernées de remplir leur rôle. Néanmoins, elles permettront à l'établissement public soit par le biais de l'établissement pharmaceutique, soit directement, soit en sous-traitant à d'autres opérateurs, de compenser les éventuelles carences dans des délais compatibles avec les impératifs de la gestion de la crise.
Je sais que la Haute Assemblée a toujours été très attentive à ces questions. M. Giraud, notamment, dans le cadre de ses autres fonctions éminentes, s'est toujours préoccupé de la réaction que nous pouvions avoir face à des crises majeures. Par expérience, mais aussi en raison d'un intérêt marqué en la matière, il a souhaité déposer ce texte sur le bureau du Sénat.
Le Gouvernement avait commencé à travailler sur ce sujet ; je vous en avais parlé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Quoi qu'il en soit, il est important que nous puissions franchir un pas décisif dans la préparation de notre pays à des crises sanitaire. De ce point de vue, anticiper est, bien sûr, le maître mot. Cependant il nous faut pouvoir disposer des outils indispensables afin d'éviter que telle ou telle décision ne repose sur l'intérêt plus ou moins marqué d'un responsable sur ces questions de sécurité sanitaire.
Cette proposition de loi est l'aboutissement d'un travail approfondi - je salue à cette occasion l'action de la commission et de son président -, qui a su tirer les leçons des crises que nous avons traversées. Elle mêle l'étude du terrain, l'écoute des acteurs et le souci d'adapter au mieux et au plus vite notre système de gestion des crises sanitaires aux devoirs d'anticipation et de préparation qui nous incombent à tous.
Je tiens à vous féliciter pour le travail accompli et à vous assurer de l'engagement du Gouvernement s'agissant de la mise à disposition des moyens financiers nécessaires. Sitôt ce texte adopté par les deux assemblées, toutes les modalités de mise en oeuvre concrète seront au rendez-vous, comme j'ai toujours eu à coeur de le faire, car l'enjeu qui nous réunit aujourd'hui est essentiel pour notre pays.