Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 31 janvier 2024 à 15h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Ce jeu-là est dangereux, et nous en sortons tous perdants. Tous, sauf celle qui s’en frotte avidement les mains : l’extrême droite, cette extrême droite qui se réjouit de votre bilan depuis sept ans, qui se délecte de voir nos services publics mis à mal, nos corps intermédiaires ignorés, la fracturation sociale assumée, cette extrême droite qui n’a plus qu’à déambuler sereinement sur le tapis rouge que vous lui déroulez !

Monsieur le Premier ministre, je fais partie de ceux qui croient que notre pays peut résister à la tentation brune et nauséabonde de l’extrême droite. Si j’y crois, ce n’est pas par principe ou en raison de l’attachement des Français à nos valeurs républicaines, car on se soucie peu des valeurs républicaines quand on n’a pas les moyens de nourrir correctement ses enfants ou quand on voit que les efforts reposent toujours sur les mêmes. Je vous en prie, retirez vos œillères et cessez d’alimenter le terreau des populistes !

Monsieur le Premier ministre, nous sommes ici dans la chambre des territoires. Vous avez en face de vous des parlementaires en contact permanent avec nos élus locaux. Or les élus locaux, mieux que quiconque, entendent l’amertume des Français et, d’élection en élection, voient de plus en plus d’habitants de leur territoire, par dépit, se laisser tenter par le vote RN.

Ces élus sont aujourd’hui en colère.

Ils sont en colère, parce qu’ils sont en première ligne auprès de nos concitoyens et qu’ils n’ont pas les moyens de répondre à leurs besoins.

Ils sont en colère, parce que l’attente était forte : le Président de la République s’était engagé à ouvrir une nouvelle donne territoriale. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Depuis votre arrivée au pouvoir, les collectivités territoriales sont considérées par le Gouvernement comme une variable d’ajustement des comptes publics. Chaque jour, les élus que je rencontre m’alertent sur les conséquences de votre politique fiscale, qui a pour seul dogme la diminution des impôts. La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en est le dernier exemple : plus de transferts de compétences, mais moins de moyens !

Les élus locaux sont aussi en colère face à votre immobilisme en matière de décentralisation. La loi dite 3DS du 21 février 2022, censée représenter un nouvel acte en la matière, ne fut qu’un rendez-vous manqué. Comme si l’excès de centralisation n’avait pas montré ses limites, de la crise des « gilets jaunes » à la crise sanitaire !

Notre groupe croit en la force de l’État et des collectivités, qui assurent l’unité nationale et l’égalité entre les citoyens, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer. Si l’État est le garant de ces principes, la centralisation n’est pas un gage d’efficacité.

Nous avons des idées en la matière.

D’abord, il faut donner une bouffée d’oxygène aux élus : indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, renforcer la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.

Ensuite, parce que les finances locales doivent être sécurisées, il faut aller plus loin. Nous vous demandons une loi de financement des collectivités territoriales. Cela permettrait de définir de manière pluriannuelle les grands enjeux de l’investissement local et d’assurer l’autonomie financière des collectivités.

Enfin, nous voulons un statut pour l’élu. Il a été fait référence aux intimidations, aux violences, aux agressions et à ce paroxysme extraordinaire du mois de juin dernier, les révoltes urbaines. Une telle incandescence nous alerte et exige des réponses fortes.

La priorité est de remettre la justice au cœur de nos politiques publiques. Depuis 2017, les droits, c’est pour les nantis ; les devoirs, c’est pour les petits !

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