Intervention de Alain Milon

Réunion du 23 janvier 2007 à 16h00
Menaces sanitaires de grande ampleur — Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui constitue une avancée majeure pour la préparation de notre système sanitaire face à des menaces sanitaires de grande ampleur et pour la protection des populations.

Cette démarche est rendue particulièrement nécessaire par l'évolution imprévisible, mais toujours actuelle, de l'épidémie possible de grippe aviaire.

L'année dernière, on annonçait le risque à plus ou moins court terme d'une pandémie de grippe humaine, comparable à la grippe espagnole, qui a causé entre 20 millions et 40 millions de morts en 1918 et 1919. Accompagnée d'avis scientifiques souvent divergents, la médiatisation de ce risque a été très forte.

Aux premiers temps de l'effervescence médiatique a succédé une période plus calme où le danger semble s'être étrangement éloigné, en raison de l'actualité du contrat première embauche, ou CPE. Nombreux sont ceux qui le pensent, le sujet de la grippe aviaire a eu l'importance que les médias, ou simplement nos phobies, ont bien voulu lui accorder. Pour autant, il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, car sous-estimer un tel risque serait une erreur.

Depuis plusieurs années, l'Organisation mondiale de la santé redoute une pandémie de grippe humaine. Dès 2004, elle a alerté l'ensemble des pays sur les risques liés au virus H5N1. Très pathogène, celui-ci est répandu et circule depuis longtemps sur l'ensemble de la planète. Sans que l'on puisse être certain que cela se produira un jour, on sait qu'il peut à tout moment muter et se transmettre d'homme à homme. C'est à ce moment-là qu'il deviendrait extrêmement nuisible et provoquerait une épidémie qui atteindrait tous les continents en un temps très court. Quelles que soient les analyses, les scientifiques reconnaissent l'importance de se préparer à la pandémie pour limiter ses conséquences médicales et économiques.

Ce contexte de grippe aviaire ne justifie pas, à lui seul, l'aménagement de notre système sanitaire même s'il doit, certes, nous pousser à agir vite. Nous devons être conscients que l'amélioration de notre réponse sanitaire s'impose au-delà du risque de pandémie grippale, car nos sociétés modernes sont extrêmement fragiles au regard du risque épidémique en général, la crise du chikungunya vient de le prouver. Nous pouvons également craindre des actes de malveillance liés, en particulier, au bioterrorisme.

De nombreux pays ont pris conscience de l'importance de la prévention pour limiter la propagation d'une maladie contagieuse au sein de leur population. La France est l'un des pays les plus en avance sur ce sujet et elle a procédé, ces derniers mois, au stockage de masques de protection et de réserves de produits antiviraux. Il importe maintenant - et c'est l'objet de cette proposition de loi - de garantir des effectifs suffisants de personnel soignant et d'assurer une meilleure coordination des services appelés à gérer la crise.

Dans la conjoncture exceptionnelle d'une pandémie grippale, notre pays pourrait connaître une brutale inadéquation de l'offre en personnel soignant à la demande de soins. On peut imaginer à quel point les hôpitaux risquent d'être asphyxiés et la médecine de ville dépassée. Des mesures sont déjà prévues pour les crises sanitaires, comme le rappel des personnels en formation et en congé ou l'augmentation du temps de travail, mais il est clair que les besoins seront hors de proportion. Des moyens spécifiques supplémentaires doivent donc être dégagés. La proposition de loi apporte des solutions concrètes avec la création d'un corps de réserve sanitaire.

Cette réserve sanitaire reposera sur le volontariat, comme vous l'avez souhaité, monsieur le rapporteur, et comprendra des professionnels en activité, des retraités depuis moins de trois ans et des étudiants des filières médicale et paramédicale. Les deux niveaux d'intervention institués, réserve d'intervention et réserve de renfort, répondront aux besoins réels de la crise.

La proposition de loi permet, il faut le souligner, la sécurisation professionnelle de ces personnels, en particulier en matière de rémunération, de protection sociale et d'assurance. Ce statut très protecteur bénéficiera aux réservistes mais aussi aux personnels non réservistes qui seraient appelés à intervenir en cas d'épidémie de grande ampleur. Les professionnels de santé appelaient de leurs voeux cette sécurisation.

De plus, pour anticiper nos capacités réelles en personnel soignant, la proposition de loi permettra de disposer de données fiables sur les renforts possibles : l'obligation de déclaration des personnels en retraite sera maintenue pour trois ans, par exemple. Leur changement d'adresse devra également être signalé. L'ensemble du dispositif bénéficiera par ailleurs à l'aide humanitaire qui, dans ses phases d'extrême urgence, nécessite une réactivité et une organisation administrative importantes.

Le second point déterminant de la proposition de loi est la création d'un établissement public administratif permettant de gérer les moyens de réponse opérationnelle.

Dans nos sociétés complexes, de plus en plus d'intervenants sont concernés par la gestion des crises. Les conséquences d'une crise sanitaire de grande ampleur, indépendamment des problèmes médicaux proprement dits, sont multiples et complexes. Elles concernent des domaines divers et variés. Il faut d'abord prendre en compte la désorganisation de la vie quotidienne, notamment la fermeture des écoles, les besoins alimentaires de la population, la nécessaire continuité de la distribution d'eau et d'énergie, les transports, le maintien de l'ordre public, etc. Il s'agit ensuite de soutenir la vie économique, malgré les arrêts de travail pour maladie, l'absentéisme pour garde d'enfants ou de personnes malades, le ralentissement des échanges de marchandises. Il faut enfin prévoir des équipements, des stocks en médicaments, vaccins, masques... Répondre à ces nécessités impose des choix et des arbitrages. Or la coordination des acteurs publics est toujours une tâche difficile.

Ayant travaillé à élaborer, en 2001, une réponse à des attaques terroristes, le Gouvernement s'est préparé au problème spécifique d'une menace sanitaire grave dès août 2004. Le plan de lutte gouvernemental définit des principes généraux d'organisation sur le plan national : niveaux d'alerte, rôles respectifs des structures nationales de gestion, de suivi et de décision.

Bien que notre programme d'action soit salué par nos voisins comme étant l'un des plus avancés, il comporte certaines failles. Ainsi, la réserve sanitaire ne pourrait être suivie par les services du ministère comme il conviendrait. Par ailleurs, nous disposons d'importants stocks de matériels et de traitements mais leur gestion reste compliquée et lourde. Enfin, s'agissant des médicaments qu'il faudrait fabriquer en masse en cas de crise, les pouvoirs publics ne disposent pas de la capacité de production nécessaire.

L'établissement public prévu par le présent texte permettra, nous le souhaitons, de remédier à ces problèmes : chargé de la mise en place et de la gestion de la réserve sanitaire, il procédera par ailleurs à l'achat et au suivi des équipements et traitements nécessaires, y compris en ce qui concerne les médicaments. Il est souhaitable que sa mise en place intervienne rapidement, et nous vous faisons toute confiance pour cela, monsieur le ministre.

Identifier toutes les conséquences de la pandémie, se pencher sur chacun de ses aspects médicaux et non médicaux, déterminer les meilleurs moyens de lutte : la tâche du Gouvernement est complexe. De plus, la planification dépasse le cadre national et impose de renforcer les partenariats internationaux.

Je le sais, monsieur le ministre, vous avez à coeur de tout faire pour nous préparer à affronter les nouveaux risques qui peuvent atteindre notre pays. Le pire n'est pas toujours sûr, ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion