Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne démentirai évidemment pas l'orateur précédent et j'annonce, à l'avance, que je voterai, avec l'ensemble de mon groupe, la proposition de loi qui nous est soumise et qui présente un intérêt évident.
Nous avons pu croire, il y a près de vingt ans, que nous vivions la fin de l'histoire : la vie des peuples s'est chargée de nous rappeler que l'histoire ne se termine jamais. Nous avons aussi cru que nous arrivions, compte tenu de l'expansion technique fantastique que nous connaissions, à un monde dans lequel les hommes, grâce à la science, domineraient tout. Nous constatons que la nature n'a pas changé et continue de déchaîner des catastrophes qui résultent du jeu des lois naturelles et quand les hommes s'obstinent à s'exposer, parfois inconsciemment, à un certain nombre de risques pourtant évidents, elle se venge. La maladie est probablement bien traitée par la médecine - et je rends hommage à tous ceux qui s'y consacrent, monsieur le professeur Giraud - mais elle invente toujours, malheureusement, de nouvelles formes auxquelles on ne pensait pas : le chikungunya vient de nous le rappeler, la menace de la peste aviaire nous le rappelle en permanence.
En réalité, nous vivons dans un monde tout aussi dangereux qu'autrefois, peut-être même un peu plus, compte tenu des techniques modernes de production et de notre dépendance énergétique. La mise en place, avec Internet, d'un système de communication tous azimuts extrêmement fragile - contrairement à ce qu'on pense - nous rend tous dépendants les uns des autres et surtout tributaires du moindre accident.
Or, si un accident ou un attentat se produit, ne nous faisons aucune illusion, mes chers collègues, la santé de nos concitoyens sera immédiatement concernée, même une panne électronique de grande ampleur provoquerait un certain nombre de dysfonctionnements et de désordres. Il était donc utile de réfléchir à l'organisation de notre pays face à d'éventuelles difficultés, pandémies, accidents ou catastrophes majeurs et à la préparation de tous ceux qui auront en charge, à cet instant, la préservation de la santé de nos concitoyens.
Je suis donc tout à fait en phase avec vous, monsieur le rapporteur, pour constater que votre proposition de loi vient au bon moment et qu'elle apporte une excellente contribution à l'organisation de nos personnels de santé en cas de crise importante.
J'exprimerai cependant un léger regret, monsieur le ministre. Ce n'est pas la première fois que le mot « réserve » est prononcé, depuis quelques années ou quelques mois, dans cette enceinte. Il l'a été pour les réserves militaires - c'est tout à fait classique -, pour les réserves de sécurité civile, pour les réserves communales de protection civile. De nombreuses réserves ont donc été créées, mais je crains que les volontaires potentiels ne se raréfient en raison de l'affaiblissement de l'esprit civique.
À partir de ce constat, j'exprime la crainte que toutes les réserves ne regroupent à peu près les mêmes personnes - même si la réserve sanitaire suppose des exigences de compétence et de formation particulières. La vie de tous les jours nous apprend que, lorsque des rendez-vous touchant à la protection civile, la défense civile ou la sécurité civile sont organisés, on retrouve les mêmes intervenants ou le même public dans la salle et, par conséquent, les mêmes dévouements. C'est un premier problème que certains de nos collègues, sur diverses travées, ont évoqué tout à l'heure.
Le deuxième problème qui me préoccupe tient à la segmentation de ces réserves : celles-ci vont exister côte à côte, mais se connaîtront-elles, en admettant que des effectifs suffisants permettent de les alimenter toutes ? Ma réponse est un peu dubitative, compte tenu de mon expérience personnelle. Au moment où va s'ouvrir un grand débat national, au cours duquel les questions essentielles seront posées - et je souhaite que cette question soit abordée -, puis-je me permettre de suggérer, me tournant vers vous, monsieur le ministre, qu'une réflexion d'ensemble sur l'organisation de notre pays en temps de crise soit lancée prochainement ?
Pour prendre un exemple simple, le plan de lutte contre la pandémie grippale que vous préparez actuellement comporte, d'après ce que j'ai compris, un certain nombre de dispositions qui prévoient le tri des patients avant l'hôpital, au moment des grands afflux, afin que seuls ceux dont l'état le justifie soient pris en charge à ce niveau de sécurité et de compétence médicale. Très bien ! Ces dispositions conduiront, très certainement, non pas à fermer les hôpitaux, mais à en restreindre très fortement l'accès - ne serait-ce que pour éviter que les simples visiteurs ne deviennent des vecteurs de dissémination du virus. Comment assurera-t-on la sécurité quand, dans le même temps, des pharmacies seront assiégées par des gens réclamant des médicaments, même s'ils n'en ont pas vraiment besoin ? La rumeur, les communications radiophoniques, télévisuelles ou autres, provoqueront forcément des phénomènes de panique ! Nous aurons donc besoin de beaucoup de monde, juste au moment où, comme par hasard, des éléments qualifiés manqueront parce qu'ils seront malades !
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que le Gouvernement lance une réflexion globale sur l'organisation d'ensemble de la gestion de notre pays en cas de crise majeure quelle qu'en soit l'origine, naturelle, technologique, terroriste ou médicale et que l'on envisage l'articulation des différents intervenants. Par exemple, la proposition de loi actuellement soumise à la délibération du Sénat prévoit que le corps de réserve sanitaire sera mobilisé sur ordre du ministre ; dans le même temps, en cas de sinistre, les réserves locales seront mobilisées par le commandant des opérations de secours. Un certain nombre de dysfonctionnements et de difficultés peuvent résulter de l'application de ces deux dispositions ; je souhaiterais qu'on y réfléchisse.
Monsieur le rapporteur, je vous félicite d'avoir pris l'initiative de déposer cette proposition de loi et de l'avoir rédigée de telle manière que nous puissions la voter sans aucune espèce de restriction. Pour ma part, j'ai simplement voulu poser devant le Sénat - et surtout devant vous, monsieur le ministre - le problème de la généralisation de cette réflexion, de la mutualisation des moyens et du caractère interministériel de l'organisation à mettre en place. Nous avons besoin d'une loi organique relative à l'organisation de notre pays dans les périodes de crise qui ne manqueront pas, hélas ! de se produire un jour ou l'autre.