Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'assurance de protection juridique permet aujourd'hui de fournir à l'assuré des services visant d'abord à rechercher une solution amiable, puis à prendre en charge, si un procès est nécessaire, les frais entraînés par la procédure.
Cette assurance peut rendre service à un public très varié. Il s'agit souvent de personnes trop riches pour bénéficier de l'aide juridictionnelle d'État, mais trop pauvres pour supporter seules les frais d'un procès, donc de la grande majorité des Français. Par conséquent, c'est bien de l'accès au droit pour le plus grand nombre qu'il est question.
Le texte proposé, sous couvert d'objectifs apparemment louables, est cependant porteur de risques flagrants.
Ainsi, ce qui apparaît en premier, c'est le recours multiplié aux avocats, notamment dans la phase amiable, ce qui ne manquera pas d'entraîner un renchérissement des primes d'assurance.
Par ailleurs, un tel renchérissement ne peut que se voir accru par l'interdiction des conventions d'honoraires proposée par le présent texte. Les tarifs augmentés constitueraient alors, bien évidemment, une gêne pour les assurés. Une sorte de sélection par l'argent viendrait ainsi diminuer le nombre de ces derniers, ce qui entraînerait une baisse du bénéfice évoqué. La disposition risquerait donc d'avoir des conséquences fâcheuses pour le personnel juridique des sociétés d'assurance.
Il paraît en outre certain que la présence de l'avocat dans la phase amiable conduirait à une augmentation du nombre de procédures. Aujourd'hui, on estime que 70 % des dossiers se règlent à l'amiable. Si, demain, la proportion n'est plus que de 20 % ou 30 %, les juridictions pourront-elles faire face ?
Par ailleurs, les assureurs de protection juridique concourent, depuis quelques années, au développement des modes alternatifs de règlement des litiges, notamment la médiation. On peut craindre, là encore, un coup d'arrêt à ces pratiques, d'où un nouveau risque d'engorgement des tribunaux !
Tout porte donc à penser que beaucoup ont ici à y perdre : les citoyens, qui ne pourront plus bénéficier de l'assurance de protection juridique, ce formidable moyen d'accès au droit dont nous nous félicitions tout à l'heure, les avocats, qui seront victimes du recul de l'assurance de protection juridique, mais aussi l'État, qui devra financer un recours accru à l'aide juridictionnelle.
L'initiative paraît donc finalement assez vaine, voire dangereuse.
Enfin, dans la mesure où le comité consultatif du secteur financier est saisi pour rendre un avis sur l'assurance de protection juridique, ce serait la moindre des choses, me semble-t-il, d'attendre communication de cet avis, annoncé d'ailleurs comme étant imminent, avant que nous nous prononcions définitivement.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre les conclusions proposées.