Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, si nous avons souhaité prendre la parole préalablement à l’examen de l’article 2 - par ailleurs très long, comme l’a rappelé mon collègue Guy Fischer -, c’est pour exprimer l’opposition des sénateurs socialistes à l’intégration, au sein du bouclier fiscal, de la taxe sur les revenus du capital.
À l’occasion de son discours prononcé le 28 août dernier à Changé, en Mayenne, le Président de la République a annoncé la création d’une nouvelle taxe sur les revenus du patrimoine et des placements pour financer la généralisation du revenu de solidarité active. Après avoir voulu supprimer la prime pour l’emploi, proposition à laquelle les parlementaires socialistes se sont, à juste titre, opposés, le Gouvernement et le Président de la république ont dû faire marche arrière.
Ce fut d’autant plus difficile que le Président de la République avait fait de la baisse des prélèvements obligatoires - quatre points de moins en cinq ans - l’une de ses grandes promesses de campagne afin, disait-il, de rendre de l’argent aux Français !
Depuis deux ans, les Français doivent se rendre à l’évidence : ils n’auront ni l’augmentation du pouvoir d’achat, ni la baisse des impôts !
Si nous ne sommes pas opposés, dans son principe, à cette nouvelle taxe, nous ne manquons pas de souligner que, pour nombre de personnes âgées qui disposent de petites retraites et de quelques revenus du capital, cette taxe constituera une ponction supplémentaire sur leur faible pouvoir d’achat alors que, dans le même temps, les retraites stagnent.
D’autres sources de financement auraient pu être trouvées, comme par exemple la taxation des stocks-options selon le régime commun, que nous avons souvent demandée, et qui rapporterait trois milliards d’euros à l’État. Mais, pour l’instant, la majorité ne veut pas en entendre parler.
Surtout, les contribuables ne seront pas logés à la même enseigne selon qu’ils bénéficient ou non du bouclier fiscal. C’est sans doute l’élément le plus choquant de votre dispositif.
En effet, malgré les trop nombreux et injustes cadeaux fiscaux votés au cours de l’été 2007, accordés aux contribuables les plus riches, le Président de la République confirme aujourd’hui ses choix politiques et multiplie les avantages.
Bien qu’il estime – je cite son discours d’août dernier - « qu’il n’est pas anormal, après avoir supprimé les droits de succession, [...] après avoir permis la défiscalisation de l’ISF - pour près d’un milliard d’euros en 2008 -, après avoir organisé le bouclier fiscal », de créer une nouvelle taxe pour financer le RSA, le Président de la République n’oublie pas d’inclure cette taxe dans le bouclier fiscal, afin de permettre à ses bénéficiaires de s’exonérer du paiement de cette taxe et, par là même, de ne pas participer à l’effort de solidarité nationale.
Ainsi, plus on est riche dans ce pays, moins on contribue à la solidarité nationale !
Opposés au principe même du bouclier fiscal, les socialistes sont vivement opposés à ce financement socialement injuste. Ils refusent que la nouvelle taxe soit intégrée dans le bouclier fiscal, au motif qu’une fois de plus les contribuables les plus aisés échapperaient au financement de la solidarité nationale.
A l’inverse, une fois de plus, la création de cette taxe a donné lieu à une cacophonie importante au sein du Gouvernement et de la majorité. La confusion persiste d’ailleurs au sein de cet hémicycle. En effet, comme la suite de la discussion nous le montrera, des sénateurs de la majorité réclament l’exclusion de cette taxe du bouclier fiscal ; je pense notamment à l’amendement déposé par M. Fouché, sénateur de la Vienne.
Vous-même, monsieur le haut-commissaire, aviez déclaré le 28 août dernier que cette taxe serait exclue du bouclier fiscal. La ministre de l’économie, Mme Christine Lagarde, qui n’en est pas à une contradiction près, vous avait alors contredit en confirmant la logique du bouclier fiscal et en envisageant, dans le même temps, l’allégement de l’imposition sur les patrimoines. Ce gouvernement ne manque décidément pas d’idées, surtout lorsqu’il s’agit de favoriser les plus riches au détriment des plus démunis !
Or il est indispensable de souligner que l’intégration du RSA dans le bouclier fiscal entraîne tout de même un coût supplémentaire pour l’État, via le remboursement aux bénéficiaires de plus de 40 millions d’euros. Autant d’argent qui ne servira ni au financement de l’action sociale, ni à l’insertion des plus exclus de ce pays !
Bien entendu, monsieur le haut-commissaire, vous nous répondrez que le bouclier fiscal ne bénéficie pas seulement aux plus aisés, en vous appuyant sur les chiffres délivrés par le ministère de l’économie. Néanmoins, sur les 23 000 demandes de remboursement effectuées en 2007, le ministère n’en a analysé qu’un peu plus de 13 000.
En réponse à M. de Montesquiou, je tiens à préciser que, si un peu plus de 10 000 foyers au revenu mensuel inférieur à 1000 euros ont reçu un droit à restitution moyen de 1960 euros, pour un total de 20 millions d’euros, environ 2250 foyers au revenu mensuel supérieur à 3500 euros ont bénéficié pour leur part d’un remboursement moyen de 85 000 euros, soit un montant total qui dépasse les 190 millions d’euros. On le voit, le bouclier n’a pas la même force pour tous !
Quant aux 10 000 autres bénéficiaires, le silence de l’administration reste total, ce qui pourrait laisser supposer des droits à restitution plus élevés encore.