Intervention de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Réunion du 14 mars 2024 à 16h00
Dispositions législatives relatives à la santé — Discussion générale

Photo de Evelyne CORBIÈRE NAMINZOEvelyne CORBIÈRE NAMINZO :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement propose la ratification d'une ordonnance publiée le 19 avril 2023, qui prévoyait d'étendre des dispositions relatives à la santé aux territoires dits ultramarins du Pacifique.

Je tiens d'abord, comme mes collègues, à critiquer l'usage des ordonnances. Elles constituent un détournement des prérogatives du Parlement et ne permettent pas d'associer les syndicats, les associations, les élus et les parlementaires aux décisions.

Alors que nous avons célébré la semaine dernière l'inscription de l'avortement dans la Constitution, ce projet de loi rappelle que les femmes kanakes, les Polynésiennes, les Wallisiennes et les Futuniennes ont dû attendre plusieurs années pour bénéficier des mêmes droits que les autres femmes françaises : huit ans pour la prescription d'une contraception d'urgence aux mineures avec la suppression de la notion de détresse ; trois ans pour l'extension du délai de recours à l'IVG ; trois ans pour la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG ; douze ans pour la recherche médicale et les essais cliniques.

Le fait que le Gouvernement ait mis autant de temps pour allonger les délais pour avorter - en les portant de quatorze à seize semaines d'aménorrhée - ou pour donner aux sages-femmes la possibilité de traiter les infections sexuellement transmissibles en dit long sur le mépris qu'il porte aux territoires de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française.

La République doit garantir les mêmes droits aux citoyennes sur l'ensemble de son territoire, y compris lorsqu'il s'agit de la suppression du délai minimum de réflexion pour avorter ou de l'application du secret de la prescription de la contraception aux mineures. Les territoires d'outre-mer ne sont pas des territoires de seconde zone.

Madame la rapporteure, selon vous les femmes auraient moins recours à l'IVG dans nos territoires en raison de la prévalence de la religion. La religion n'est malheureusement pas un contraceptif : les femmes doivent se cacher davantage pour y avorter.

Je voudrais par ailleurs relayer les critiques formulées par mon collègue kanak Robert Wienie Xowie sur le manque de lisibilité, d'intelligibilité et d'accessibilité de l'ordonnance du 19 avril 2023.

En effet, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a rendu un avis favorable sur le texte et en a critiqué les risques en matière de sécurité juridique.

Le non-respect des compteurs Lifou, qui permettent de transcrire les articles dans leur version applicable dans chaque territoire kanak, a conduit la commission permanente à émettre des réserves quant à cette technique d'extension. En effet, celle-ci ne permet pas d'identifier clairement les dispositions qui ont vocation à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le Congrès a également alerté l'État sur les risques en matière de sécurité juridique que font peser les renvois aux dispositions européennes applicables sur le territoire national. Or les règlements européens ne sont pas directement applicables dans les pays et territoires d'outre-mer.

Le Gouvernement ne peut donc pas imposer une modification des règles pour les essais cliniques de médicaments ou pour les dispositifs médicaux en invoquant l'application unilatérale des règlements européens.

En conclusion, nous formulons de nombreuses critiques sur la procédure retenue par le Gouvernement, mais les avancées que contient ce projet de loi pour la santé des femmes et pour la santé de tous conduisent notre groupe à le voter.

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