Intervention de Françoise Férat

Réunion du 24 octobre 2007 à 17h00
Valorisation des produits agricoles forestiers ou alimentaires et des produits de la mer — Adoption d'un projet de loi

Photo de Françoise FératFrançoise Férat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une vingtaine d'années, nous sommes confrontés à une multiplication des crises sanitaires de grande ampleur dans le secteur alimentaire, de la crise de la vache folle - la plus emblématique - à celle de la grippe aviaire - la plus récente.

Ces crises altèrent durablement la confiance des consommateurs et ont largement modifié leurs comportements de consommation. En effet, ils exigent une alimentation saine, sûre et de qualité, à un prix acceptable. Même en dehors des périodes de crise sanitaire liée à l'alimentation, ils accordent une attention particulière au choix de leurs denrées.

Les signes de qualité permettent de répondre à leurs attentes. C'est pourquoi trois Français sur quatre sont aujourd'hui favorables à un label garantissant la provenance et la qualité des produits.

Toutefois, face à la segmentation des rayons et à la multiplication des logos et signes de qualité, la méfiance et l'incompréhension restent de mise pour de nombreux consommateurs. Ceux-ci cherchent en effet une information précise, adaptée à leurs besoins, indiquant notamment la fabrication et les caractéristiques des produits alimentaires. Or la juxtaposition de signes de qualité reposant sur des logiques différentes - mode de fabrication, terroir - ne permet plus aujourd'hui de répondre à leur besoin d'information.

La France compte une multitude de signes de qualité officiels élaborés à des époques différentes et avec des objectifs divers : l'AOC, instrument de protection des producteurs contre une concurrence déloyale ; le label rouge, garant d'une qualité particulière à destination du consommateur final ; le certificat de conformité ; l'agriculture biologique. À cela s'ajoutent les signes d'identification de la qualité et de l'origine européens : l'appellation d'origine protégée, l'AOP, équivalent européen de l'AOC pour les produits agroalimentaires et laitiers ; l'indication géographique protégée, l'IGP ; la spécialité traditionnelle garantie, la STG. Enfin, il ne faut pas oublier les mentions valorisantes, comme « fermier », « montagne »...

Quel consommateur, même aguerri, est capable d'identifier avec précision ce que recouvrent toutes ces dénominations ? Je dois en faire l'aveu : pas moi !

Cette inflation de signes et de mentions de qualité a paradoxalement réduit la lisibilité des produits et leur identification. Elle a même entraîné une perte de crédibilité des signes de qualité aux yeux du grand public.

Or, environ 200 000 agriculteurs ainsi que plus de 13 000 entreprises agroalimentaires et fournisseurs sont aujourd'hui impliqués dans la politique de qualité. Les produits certifiés ont représenté un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros en 2005.

Les signes d'identification de la qualité et de l'origine sont donc de véritables outils d'aménagement territoriaux et de développement économique des territoires ruraux. À ce titre, il est indispensable de préserver et de défendre ce patrimoine, tout en continuant à le promouvoir à l'échelon international, où il représente déjà 30 % de nos exportations agroalimentaires. C'est pourquoi il est indispensable de réformer et de rendre plus cohérent notre système de valorisation des produits agricoles et alimentaires national.

L'ordonnance relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer, que nous examinons aujourd'hui, permet de remettre à plat l'ensemble des signes d'identification de la qualité et de l'origine ainsi que les organismes qui les régissent.

Cette réforme présente un triple avantage.

Tout d'abord, elle permet une plus grande clarté pour le consommateur. Les signes d'identification seront organisés en trois catégories principales, chacune ayant sa logique propre : les signes d'identification de la qualité et de l'origine, les mentions valorisantes, les démarches de certification de la conformité des produits. Ces catégories prennent en compte les évolutions des habitudes alimentaires et les attentes qualitatives du consommateur. Face à l'aspiration croissante à davantage de garanties officielles sur l'origine et la qualité des produits, cette réforme contribuera donc à mieux informer et à rassurer le consommateur.

Ensuite, elle met fin à la superposition des structures, à l'échelon national comme à celui des filières. L'ordonnance procède, en effet, à la suppression de la CNLC et de l'INAO afin que soit constitué un nouvel établissement public d'État, l'Institut national de l'origine et de la qualité, structure unique pour l'instruction et le contrôle des signes d'identification de la qualité et de l'origine.

N'ayant pas compétence pour les mentions valorisantes et la démarche de certification des produits, cet organisme est administré par un conseil permanent représentant les quatre comités nationaux et le conseil des agréments et des contrôles. Ce dernier est essentiel pour la crédibilité du dispositif, car c'est sur lui que repose la séparation entre les fonctions de gestion et de contrôle.

À l'échelon des filières, l'ordonnance instaure des organismes de défense et de gestion, ODG, à la place des syndicats de défense des AOC et des groupements « qualité » des labels, dont la nature et les missions étaient hétérogènes. Un seul ODG sera reconnu par signe d'identification de la qualité et de l'origine. Parallèlement, tous les opérateurs impliqués dès la production du signe concerné sont membres de droit de cet organisme.

Enfin, et c'est un enjeu majeur pour la crédibilité du nouveau dispositif, la réforme prévoit que le contrôle est révisé dans ses modalités et scindé en deux phases distinctes. Ainsi, le contrôle primaire est assuré non par les opérateurs eux-mêmes, mais par des organismes tiers indépendants et impartiaux, qui ont fait l'objet d'une accréditation ou qui en respectent les principes et spécifications. Quelle que soit la forme revêtue par ce contrôle, celui-ci ne se réduira plus à la seule dégustation du produit : effectuée par sondage et réalisée au plus près du stade de la commercialisation des produits, la dégustation ne sera qu'un des éléments d'un contrôle plus global portant sur tous les stades de chaque filière.

L'INAO contrôle, quant à lui, le travail de ces instituts de contrôle, le valide ou le sanctionne.

Ce dispositif rénové est donc propre à renforcer la confiance du consommateur dans les signes de qualité. Vous l'aurez compris, je suis favorable à cette réforme, ainsi que les membres du groupe UC-UDF, au nom duquel je m'exprime.

Mais, monsieur le ministre, je souhaite également attirer votre attention sur deux points qui méritent d'être clarifiés au cours de nos débats et sur lesquels j'ai déposé des amendements.

La révision du système des signes d'identification de la qualité et de l'origine ne doit pas se faire au détriment des professionnels ; au lieu d'entraver leur action, il faut, au contraire, leur permettre de mieux exploiter toute la valeur ajoutée qu'ils incorporent dans leurs produits.

C'est pourquoi il est important d'assouplir le cloisonnement très strict entre les différents signes de qualité, tel qu'il est instauré par l'ordonnance, et de permettre de coupler les produits sous label rouge, actuels comme futurs, dont les producteurs le souhaitent, avec une IGP pour qu'ils puissent continuer à être liés à leur territoire d'origine. En effet, une grande partie des produits sous label rouge ancrés dans des bassins de production est associée à une IGP. Ainsi coexistent des produits sous label rouge sans mention d'appartenance géographique tandis que d'autres, bénéficiant d'une IGP, comportent une mention géographique. Il convient donc d'éviter que la nouvelle réglementation n'ait pour effet d'ouvrir les cahiers des charges « label rouge » des produits français à tous les producteurs, sans les contraindre à maintenir l'ancrage territorial qui est à l'origine de leur succès.

Par ailleurs, la gestion des conditions de production et de contrôle des labels rouges est assurée par les mêmes organismes que ceux qui gèrent les AOC. Or, l'ordonnance « valorisation » prévoit une procédure horizontale susceptible de permettre aux ministres concernés de prendre rapidement des mesures communes à tous les produits bénéficiant d'une AOC sur proposition de l'INAO, après avis des ODG concernés.

La gestion des produits sous label rouge nécessitant les mêmes outils, il est nécessaire d'étendre cette procédure à vocation horizontale pour les produits bénéficiant du label rouge.

Enfin, il me reste à remercier et à féliciter le rapporteur et la commission des affaires économiques pour leur excellent travail sur ce projet, si important pour la profession agricole.

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