Lui seul a en effet les qualités d’indépendance requises par les normes tant européennes que françaises pour priver nos concitoyens de liberté.
D’ailleurs, pas plus tard qu’hier après-midi, sous votre impulsion, monsieur le rapporteur, et avec l’accord du Gouvernement, un pas énorme a été franchi. Le Sénat a en effet considéré que, pour les perquisitions et les saisies, c’est-à-dire pour l’atteinte au droit de propriété, c’est le juge du siège – et non le parquet – qui devait être seul compétent. Un tel raisonnement devrait à plus forte raison s’appliquer quand il s’agit de l’atteinte aux droits des personnes dans leur liberté d’aller et venir ! Mme le garde des sceaux devra réfléchir à cette avancée de notre assemblée et, si cette disposition est maintenue à l'Assemblée nationale, revoir un certain nombre des positions qu’elle développait ici-même.
La réforme de la garde à vue est urgente.
Elle l’est en raison de l’inflation considérable des gardes à vue, inflation qu’un responsable de la police – appelons-le ainsi – attribue à la loi Guigou. Voilà qui est tout à fait nouveau et un peu fort ! Je pense qu’on a dû lui demander de faire une telle déclaration et que, comme d’habitude, il se sera exécuté. On sait de qui l’on parle...
La réforme de la garde à vue est également urgente à cause de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des nombreux recours qui sont formés devant les juridictions, lesquelles statuent de manière différente. Cela provoquera bientôt une paralysie du système, ce qui, à mon avis, n’est pas bon.
Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, si la réforme globale de la procédure pénale qui est envisagée est votée – quand ? dans quelles conditions ? nul ne le sait –, la nature profonde de la garde à vue sera modifiée. En effet, la chaîne pénale ne sera plus scindée entre une enquête préliminaire sous l’autorité du parquet et une instruction ou une audience sous l’autorité du juge. Sous l’autorité de qui sera-t-elle alors placée ? L’avant-projet de loi prévoit celle du parquet. Je penche, pour ma part, pour celle du juge, et ce, je le répète, dès le début.
La nature de la garde à vue sera donc différente. Par conséquent, les propos que tient Robert Badinter n’auront à mon avis plus cours. Les mises en examen auront lieu dès le début et le processus commencera immédiatement. Aussi des garanties totales devront-elles être assurées tout de suite, et l’avocat devra être présent d’emblée pour défendre son client.
Aujourd'hui, il nous faut attendre une probable réforme de la procédure pénale. Or tout le monde ignore quand elle interviendra. La concertation est ouverte, paraît-il, mais elle l’est d’une drôle de façon puisque la chancellerie, dans sa circulaire, s’est abstenue de demander aux chefs de cour de convoquer des assemblées générales de juridiction, ce qui est d’ailleurs contraire à la loi. Mais passons… Quand la chancellerie n’applique pas la loi, on peut faire n’importe quoi !
Aujourd'hui, nous sommes quand même d’accord sur un certain nombre de points et nous pouvons agir, certes a minima mais tout de suite, quitte ensuite à harmoniser ces dispositions avec le reste de la procédure. Ce n’est pas la peine de parler aujourd'hui de toutes les exceptions qu’il faudra prévoir. Il va de soi que ce sera nécessaire, par exemple pour les infractions les plus graves. Toutefois, il existe un certain nombre de mesures simples que nous pourrions prendre en l’état, compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
C'est la raison pour laquelle, pour la troisième fois, le groupe socialiste porte ce débat devant la Haute Assemblée. Ce n’est pas pour que nous y réfléchissions encore. Certes, on peut poursuivre la réflexion sur la réforme globale de la procédure pénale et sur son harmonisation avec les règles de la garde à vue, mais il n’est à mon avis plus temps de revenir sur les dispositions à propos desquelles nous sommes, semble-t-il, tous d’accord, à tout le moins au sein de la commission des lois. Le Gouvernement, c’est autre chose… Personne ne sait ce qu’il pense : il change, il varie, il attend les résultats de la concertation tronquée qu’il a organisée.
Nonobstant la constitution d’un groupe de travail sur l’évolution du régime de l’enquête et de l’instruction dont Jean-René Lecerf et moi-même sommes les rapporteurs et au nom duquel nous procédons à des auditions, nous pourrions agir tout de suite dans un certain nombre de domaines. Le Gouvernement ne le veut pas. Pourquoi ? C’est la seule question qui vaille. C’est à celle-là que nous attendions que vous répondiez, monsieur le secrétaire d'État. Vous ne l’avez pas fait, et c’est dommage.