J’ai d’ailleurs la conviction que c’est là l’un des rôles du législateur, et je vous propose donc, mes chers collègues, de ne pas nous arrêter en si bon chemin !
La proposition de loi que mon groupe a déposée s’inscrit dans la continuité de notre volonté de réformer la gouvernance des entreprises.
En novembre 2008, nous avons défendu devant vous une proposition de loi visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations. Aujourd’hui, nous nous intéressons à la concentration des pouvoirs et – je ne crains pas d’utiliser ce terme – à l’« endogamie » qui en résulte, notamment au sein des sociétés cotées.
Que voulons-nous ? Notre objectif, auquel je crois pouvoir rallier la totalité de cet hémicycle, a fortiori sur fond de crise financière, est de favoriser la prise en compte par les entreprises, notamment les entreprises cotées, du long terme dans leur gestion, de prévenir les conflits d’intérêts et de permettre une représentation diversifiée dans la prise de décision économique.
Il importe donc de renforcer l’implication et l’indépendance des mandataires sociaux dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance. Et il nous semble que le meilleur moyen pour y arriver est de limiter les possibilités de cumul de leurs mandats, exécutifs et non exécutifs.
En effet, le cumul des mandats, souvent déraisonnable, est un frein à la diversité des sexes et des nationalités, mais aussi à la diversité sociologique, à l’indépendance des mandataires sociaux et à l’amélioration de ce qu’il est convenu d’appeler la « bonne gouvernance » des entreprises.
Le code de gouvernement d’entreprise de l’AFEP le précise lui-même : « L’administrateur doit consacrer à ses fonctions le temps et l’attention nécessaires. Lorsqu’il exerce des fonctions exécutives, il ne doit, en principe, pas accepter d’exercer plus de quatre autres mandats d’administrateur dans des sociétés cotées, y compris étrangères, extérieures à son groupe. » Voilà qui est parler d’or !
Hélas ! la réalité est fort éloignée de ces beaux principes. Nous ne pouvons donc croire aux vertus spontanées de l’autorégulation.
Ainsi, sur un total de 500 administrateurs de sociétés inscrites au CAC 40, quatre-vingt-dix-huit personnes concentrent aujourd'hui encore 43 % des mandats.
Quant à la féminisation de l’encadrement, elle est toute relative. Si, dans les sociétés du CAC 40, les femmes représentent, en moyenne, 28 % des cadres supérieurs, ce taux n’a, jusqu’à présent, pas reçu de traduction à l’échelon des organes de décision exécutifs : rapporté à la seule composition des conseils d’administration, il tombe, en moyenne, à 10, 5 % !
C’est ainsi que la banque Natixis vient juste de nommer une femme à son conseil d’administration : elle est la seule femme parmi les quinze administrateurs que compte celui-ci. Quant au conseil d’administration du Crédit Agricole, sur vingt et un membres, il compte trois femmes. Les femmes, on le sait, sont pourtant très nombreuses dans les activités bancaires, y compris dans l’encadrement !
Nous en sommes convaincus, pourvoir à la libération des sièges d’administrateurs, exécutifs et non exécutifs, est donc un préalable au rééquilibrage en faveur des femmes.
La spécificité de notre proposition de loi par rapport à celle de l’Assemblée nationale repose sur deux mouvements qui, à notre avis, doivent être concomitants.
Nous proposons de réduire le nombre de mandats que peut détenir une personne physique à trois mandats légaux, soit cinq mandats réels possible par le jeu des dérogations et la comptabilisation des mandats dans les filiales, tant dans des sociétés sur le territoire français que dans des sociétés étrangères, comme le recommande du reste l’AFEP dans son « code de bonne conduite ».
Nous nous situons là dans la continuité des dispositions que nous avions défendues et que le Parlement avait adoptées dans le cadre de la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, dite « loi NRE », qui avait limité à cinq le nombre de mandats qu’une personne peut exercer dans plusieurs sociétés.
Cependant, la portée de cette loi a été fortement limitée, je veux le rappeler, après l’élection présidentielle et les élections législatives de 2002, par une autre majorité parlementaire. Quelques jours avant la date couperet du 16 novembre 2002, fixée pour obliger les mandataires sociaux à se mettre en conformité avec les dispositions de la loi NRE, est en effet intervenue la loi modifiant certaines dispositions du code du commerce relatives aux mandats sociaux du 29 octobre 2002, qui a assoupli la loi NRE s’agissant à la fois de la sévérité de la sanction et des exceptions aux règles de cumul.
On peut ainsi disposer aujourd'hui de trois mandats exécutifs et cumuler neuf mandats non exécutifs. Et, comme on ne compte pas les mandats détenus dans les filiales, ce seuil théorique est, en réalité, largement dépassé. Cette situation nous semble tout à fait déraisonnable !
Aussi proposons-nous de réduire le nombre de mandats d’administrateur à trois dans les sociétés qui ont leur siège sur le territoire français ou hors du territoire, de réduire le nombre de mandats exécutifs à un, de limiter les dérogations à un mandat d’administrateur exécutif supplémentaire dans une filiale et de comptabiliser les mandats d’administrateur non exécutif détenus dans les filiales non cotées pour un seul mandat dans la limite de trois.
Cette dernière limitation peut paraître sévère, j’en conviens, mais nous acceptons de débattre de ce point, madame le rapporteur. En effet, comme je vous l’ai dit lors de mon audition, ce qui compte, c’est l’objectif.
Je pense tout particulièrement à la limite du cumul des mandats dans les filiales, cotées ou non.