Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 29 avril 2010 à 9h00
Mandats sociaux dans les sociétés anonymes — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

En effet, en matière de stratégie industrielle, on peut comprendre la nécessité qu’il y a à siéger dans les instances des filiales, en cas de restructuration, par exemple. Il n’en reste pas moins qu’il nous faudra bien fixer une limite raisonnable.

En application de nos propositions, les administrateurs auraient trois mois après l’entrée en application de la loi pour se mettre en conformité. À défaut, ils seraient réputés démissionnaires de tous leurs mandats et les délibérations auxquelles ils auraient pris part seraient réputées invalides.

Cependant, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, nous sommes également ouverts à la discussion sur ce mode de sanction, qui est inspiré par le même esprit que celui qui a présidé à la rédaction de la loi NRE.

Enfin, il n’aura échappé à personne que l’une des spécificités de cette proposition de loi est de rendre incompatible l’exercice d’un mandat exécutif dans une société publique avec la détention d’un mandat dans une société privée. Mon collègue Richard Yung reviendra en détail sur ce point, auquel, comme lui, le groupe socialiste tient beaucoup.

S’agissant de la répartition équilibrée entre hommes et femmes, j’ai déjà dit que nous estimions – et je vais le démontrer – que les limites au cumul des mandats « donneraient de l’air » aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance.

Ayant, comme Mme le rapporteur l’a certainement fait, elle aussi, pris l’attache de l’Institut français des administrateurs, l’IFA, que préside par M. Lebègue, je sais qu’un vivier de femmes est rapidement mobilisable pour occuper les places qui seraient libérées.

Je tiens d’autant plus à y insister que nous entrons dans la période au cours de laquelle les assemblées d’actionnaires se réunissent et procèdent aux nominations dans les conseils d’administration. Je vais donc appuyer mon propos sur quelques chiffres significatifs.

Aujourd'hui, il y a un total de 1 482 sièges d’administrateur dans le SBF 120 – qui regroupe cent vingt sociétés cotées –, dont 577 pour les sociétés du CAC 40.

Sur ces 1 482 sièges, 1 000 personnes cumulent plusieurs mandats, de la manière suivante : 121 personnes, dont 11 femmes, ont deux mandats ; 42 personnes, dont une seule femme, ont trois mandats ; 14 personnes, dont aucune femme, ont 4 mandats ; 8 personnes, dont une femme, ont 5 mandats ; enfin, 3 personnes, dont aucune femme, ont 6 mandats. Ces chiffres démontrent que les femmes ne sont guère concernées par le cumul des mandats sociaux…

L’IFA estime que, à l’approche des assemblées générales des mois de mai et juin prochains, 130 renouvellements de mandats sont à prévoir pour les sociétés du CAC 40 et 166 renouvellements de mandats pour le SBF 120. Si l’on proposait ces 296 postes, on atteindrait le seuil de 20 % en une seule année, et celui de 40 % en trois ans ! C’est dire que, si on le veut, on peut aller vite !

Certes, notre texte dépasse le périmètre des sociétés cotées. Notre référence est la définition européenne des grandes sociétés, c’est-à-dire celles qui emploient plus de 250 salariés et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. Là encore, on peut discuter du seuil, mais, je le répète, nous voulons fixer un objectif. Qui veut le plus, peut le moins !

En tout cas, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission, je suis prête à parier qu’appliquer la parité dans les sociétés cotées aura valeur d’entraînement pour toutes les sociétés.

L’objectif est de parvenir à une proportion des administrateurs de chaque sexe qui ne peut être inférieure à 40 %. Nous rejoignons ici la proposition de loi de Mme Zimmermann et de M. Copé qu’a adoptée l’Assemblée nationale : six mois pour remédier à l’absence de représentation d’un des deux sexes, trois ans pour atteindre le seuil de 20 %, six ans pour parvenir à 40 %. Mais je viens de démontrer que l’on pouvait aussi aller plus vite.

S’agissant des sanctions, en revanche, nous nous éloignons de cette proposition de loi. Nous proposons que les nominations intervenues en violation du principe de représentation de chaque sexe à hauteur de 40 % au moins soient réputées nulles, ainsi que les délibérations du conseil. Celui-ci doit procéder à des nominations provisoires dans un délai d’un mois et à de nouvelles nominations dans un délai de trois mois.

Est-ce trop sévère ? Compte tenu du délai dont disposent les sociétés pour se préparer à appliquer les nouvelles règles, nous ne le pensons pas. Si vous nous prouvez, madame le rapporteur, que la nullité des seules délibérations non conformes auxquelles ont pris part les administrateurs suffit, nous sommes prêts à l’admettre. Ce que nous voulons atteindre, encore une fois, c’est un objectif.

Nous souhaitons débattre, et nous sommes ouverts aux modifications utiles à un objectif qui peut être partagé par tous : limiter le cumul des mandats et diversifier les administrateurs. Je consulte chaque jour la liste des nominations au sein des grands groupes du CAC 40. Cette lecture me conduit à penser qu’en nommant des femmes présentant toutes le profil sociologique habituel, nous n’aurons fait qu’une partie du chemin. Le but à atteindre est d’appréhender la modernisation des pratiques de gouvernance dans leur ensemble.

Selon l’IFA, au terme des six années, sur la base des 1 482 mandats du SBF 120, ce sont 592 mandats qui devront être libérés pour les femmes afin d’atteindre l’objectif de 40 %.

Mes chers collègues, sommes-nous capables de prendre la suite de l’État le plus avancé en la matière en Europe, à savoir la Norvège ? Depuis 2003, dans ce pays, chacun des deux sexes doit être représenté à hauteur d’au moins 40 %.

La méthode employée par les Norvégiens est intéressante. Ils ont commencé par appliquer le quota aux entreprises publiques et ils ont fait confiance aux entreprises privées pour s’adapter. Ayant constaté, très rapidement, que ces dernières ne s’adaptaient pas, ils ont décidé de leur appliquer la loi : elles ont eu deux ans pour réaliser l’objectif des 40 %, qui a été atteint en 2008. Cela montre toute l’importance de la loi, y compris dans des pays qui n’y recourent pas de façon habituelle et privilégient la voie de la convention, de la négociation, du contrat.

Je vois que vous m’écoutez attentivement, madame la secrétaire d’État, et je tiens à vous en remercier, car ce n’est pas le cas de tous les membres du Gouvernement !

Madame le rapporteur, vous m’avez avertie courtoisement que vous demanderiez le renvoi en commission afin d’attendre l’examen de la proposition de loi de nos collègues députés. Mais permettez-moi de douter que, compte tenu de l’encombrement législatif, elle soit inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée avant la fin de la session.

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