Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes engagés là dans un vrai débat de société, un débat politique au sens le plus noble du terme. Au cœur de ce débat, se trouve le problème de la concentration du pouvoir économique, étant entendu que ce problème est lié à celui de la parité, car, à mes yeux, la question de la diversité ne se résume pas à la question de la parité hommes-femmes.
Un État qui n’est pas capable de faire respecter des règles à ceux qui exercent le pouvoir – en premier lieu le pouvoir économique, au demeurant nécessaire et respectable – est un État qui ne saurait durablement imposer des contraintes sociales à ceux qui vivent dans la difficulté en perdant l’espoir de vivre mieux. Le lapidaire « Enrichissez-vous ! » de Guizot a marqué négativement notre histoire, car il y manquait la contrepartie de la justice et de la redistribution.
Les radicaux, initiateurs de l’école obligatoire et accessible à tous, des premiers droits du travail, de l’impôt sur le revenu, restent fidèles à des principes qu’ils ont toujours promus et dont le marasme actuel de nos sociétés, de l’échec soviétique aux crises du capitalisme, renforce encore l’évidence et l’actualité.
Pour nous, l’économie doit être au service de la société et non l’inverse. La liberté d’entreprendre, le jeu de la concurrence sont indispensables, mais ils doivent impérativement être soumis au pouvoir régulateur de l’État, garant du respect de l’équilibre social et du processus de redistribution indispensable à la cohérence de notre société et au respect de tous les citoyens.
Notre assemblée a eu l’occasion de se pencher sur la question du cumul des mandats sociaux à l’occasion de la discussion de la proposition de loi du groupe RDSE adoptée le 18 novembre dernier. Notre propos d’alors, dicté par la nomination du PDG d’une grande entreprise privée à la tête d’EDF, ne s’inscrivait pas tout à fait dans une perspective identique. Quoi qu'il en soit, contrairement à vous, madame la secrétaire d’État, nous sommes de ceux qui considèrent que ce mélange des genres, ce cumul, est extrêmement dangereux et conduit à une concentration du pouvoir économique particulièrement discutable.
La pertinence des questions soulevées à ce moment-là demeure. Le paysage que composent les dirigeants des grandes entreprises françaises reste marqué, on l’a dit, par une forte « endogamie », propre à alimenter les soupçons de collusion d’intérêts, voire de conflits d’intérêts. Oui, 98 personnes concentrent aujourd’hui 43 % des 500 mandats d’administrateurs des sociétés du CAC 40, et les femmes ne représentent que 10 % des administrateurs de ces mêmes sociétés.
Cette concentration des pouvoirs rompt les équilibres entre les pouvoirs fondamentaux de notre société.
Vient d’être publié le « palmarès » des rémunérations des dirigeants des entreprises du CAC 40. On apprend ainsi que, hors stock-options et actions gratuites, leur rémunération globale a augmenté de 4 % l’année dernière, les dirigeants de ces 40 entreprises se partageant un total de 79, 5 millions d’euros. Bien sûr, on se réjouit pour le vainqueur de cette course effarante, qui a touché 4, 4 millions d’euros en 2009. Mais on est piqué de curiosité à l’idée que le morcellement progressif des revenus en de multiples composantes intégrées à des packages – des contrats négociés de plus en plus complexes, mêlant salaire fixe et variable, retraite supplémentaire et stock-options – vise à mieux indexer la rémunération des dirigeants sur « les exigences de la place, des politiques et de l’opinion publique pour réduire les risques d’excès ou, tout du moins, de mieux lier la performance des dirigeants à leurs salaires », comme l’explique un grand quotidien économique.
Cette cascade de chiffres, encore plus aujourd’hui qu’hier, soulève l’indignation, la révolte – et je ne suis pas de ceux qui sont contre le système libéral ! –, au moment où nos compatriotes souffrent d’une crise économique provoquée par la spéculation financière et où le chômage repart de plus belle.
C’est pour lutter contre ces dérives que la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 avait limité à trois le nombre de mandats ; tous les mandats au sein des sociétés anonymes étaient visés. Malheureusement, madame la secrétaire d'État, votre majorité, revenue au pouvoir, s’est empressée de retourner à l’état antérieur du droit.