Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 13 novembre 2008 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Débat thématique « l'hôpital en question » suite

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’hôpital va mal, mais ce n’est pas nouveau. En revanche, ce qui l’est, c’est la très nette prise de conscience à laquelle on assiste cette année, une prise de conscience qui va s’accompagner d’une vraie volonté politique d’agir avec le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », que nous attendons avec impatience et qui devrait nous être soumis dès le début de l’année 2009.

Pour autant, cette loi pourra-t-elle seule venir à bout du mal hospitalier ? Il est permis de s’interroger.

Oui, l’hôpital va mal Mais tel était déjà le cas il y a quatre ans lorsque nous avons étudié la grande réforme de l’assurance maladie, qui mettait totalement de côté la question de l’hôpital.

Que s’est-il passé dans l’intervalle ? Deux phénomènes regrettables ont pu être observés.

Premier phénomène, le secteur hospitalier est un peu trop apparu comme la variable d’ajustement du budget de la santé. En effet, c’est par la régulation budgétaire que le Gouvernement a répondu aux difficultés financières rencontrées par le secteur.

Nous ne sommes pas opposés à la régulation budgétaire. Elle peut être utile et nécessaire, mais à condition d’être véritablement médicalisée et non purement comptable La médicalisation de la dépense hospitalière, c’est bien cela qui manque encore aujourd’hui.

Le second phénomène, conséquence directe du premier, est la dégradation nette du contexte financier des établissements de santé.

Les hôpitaux publics continuent de faire face à une situation de plus en plus critique. L’analyse de celle-ci met en évidence une dégradation financière de 2005 à 2007. En effet, l’estimation du résultat au niveau national sur le compte du résultat principal s’élève à 745 millions d’euros, soit 1, 2 % des recettes totales des établissements publics de santé.

On ne peut pas dire que rien n’a été fait, loin de là !

En premier lieu, le passage à la tarification à l’activité n’est pas une petite mesure. La dotation globale attribuée aux hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l’activité médicale et le service rendu. Il fallait donc en sortir pour mesurer l’activité réelle de l’hôpital. C’est ce qui a été fait avec célérité avec la tarification à l’activité de 100 % des activités de médecine, chirurgie et obstétrique, les activités MCO, des établissements publics dès le 1er janvier 2008. Mais a-t-on pris suffisamment en compte l’effet inflationniste que cette mesure peut entraîner ?

Par ailleurs, le plan Hôpital 2007, qui a représenté une première ébauche de la réforme de la gouvernance de l’hôpital, a relancé l’investissement hospitalier.

Dans ces conditions, je ne peux que saluer la décision du Gouvernement de poursuivre le volet investissement du plan Hôpital 2007 par un plan Hôpital 2012.

Mais toutes ces mesures restent inachevées et ne semblent pas relever d’un plan d’ensemble pour l’hôpital, d’une réforme coordonnée sous-tendue par une logique globale. Jusqu’à présent, la réforme du secteur s’est faite par touches impressionnistes. C’est certainement ce constat qui a présidé à la prise de conscience, sans doute salutaire, à laquelle nous avons assisté cette année. Il était temps !

Entre autres publications importantes consacrées au sujet, je tiens à saluer le rapport d’information Pour une gestion responsable de l’hôpital, établi au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, qui tente de lever le voile sur les trois aspects fondamentaux de la politique hospitalière que sont ses tarifs, sa situation financière et l’état de ses ressources humaines.

S’y ajoute un document déterminant, le rapport Larcher. Nous ne pouvons que souscrire aux orientations qu’il définit, relatives à l’évolution de la gouvernance hospitalière ou encore au regroupement des hôpitaux publics au sein de communautés hospitalières de territoire. Toutefois, il nous est difficile de dissocier ce rapport du futur projet de loi HPST. En fait, on peut considérer ce rapport comme une étude préalable au projet de loi.

Alors, que dire des perspectives ouvertes par ce que nous savons de ce projet de loi et que vous nous avez révélé, monsieur le secrétaire d'État ? Eh bien ! celles-ci sont encourageantes, mais elles pourraient ne pas porter tous leurs fruits si un sérieux effort n’est pas accompli en matière de connaissance chiffrée du secteur hospitalier.

Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, une réforme digne de ce nom du secteur hospitalier, c’est-à-dire médicalisée et non uniquement comptable, devrait, à notre sens, s’articuler autour de trois axes.

Le premier axe est relatif à la gestion financière, avec la question de la T2A et la convergence des tarifs entre les secteurs public et privé et intra-secteur.

Le deuxième axe concerne la gouvernance et le pilotage du secteur et son interopérabilité avec l’ambulatoire.

Enfin, le troisième axe est intrinsèquement lié aux deux premiers : il s’agit des gains de productivité et d’emploi.

La loi HPST semble parfaitement répondre à la problématique de la gouvernance, mais beaucoup moins à celle de la gestion financière et des gains de productivité et d’emploi.

Il est vrai que la réforme de la gouvernance hospitalière et du pilotage du secteur, proposée dans le projet de loi, paraît profonde et pertinente, d’autant qu’elle s’appuierait sur les agences régionales de santé, dont nous n’avons eu de cesse de réclamer la création.

Demeurent les questions fondamentales de la gestion financière et des gains de productivité et d’emploi dans le secteur. La loi HPST ne sera pas en mesure d’y répondre, pour la simple raison qu’elle n’en parle pas ! On ne pourra avancer sur ces sujets majeurs qu’en disposant de données pertinentes. Or, à ce jour, tel n’est pas le cas. Le secteur hospitalier restera-t-il celui des tabous ? Il nous faut les briser, faute de quoi il nous sera impossible de réformer structurellement l’hôpital.

Quelles charges pèsent vraiment sur l’hôpital ? Quelle est la situation financière réelle de l’hôpital et comment y faire face ? Quel est l’état de l’emploi hospitalier ? Mystères et tabous, auxquels se heurtent les réformes déjà entreprises.

Ainsi, en matière de tarification à l’activité, les retards dans la mise en œuvre des études comparatives sur les coûts figent, à ce jour, la convergence tarifaire entre public et privé. Est-elle possible ? Les outils actuellement en place laissent cruellement à désirer.

À l’intérieur même du secteur hospitalier, la fiabilité de l’échelle nationale des coûts est contestée par la Cour des comptes et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. Des écarts de plus de 30 % apparaissent entre les établissements publics, et l’écart entre ceux-ci et les établissements privés s’établit aussi à 30 % environ. L’origine de cet écart est discutée. Est-ce dû à la programmation des soins, aux urgences, aux soins apportés à des publics démunis ? Il est temps d’en savoir plus.

En outre, la gestion financière des hôpitaux a été malmenée par la transition vers la T2A. Je pose la question du coefficient de conversion appliqué pour opérer une certaine péréquation entre établissements « gagnants » et établissements « perdants » du nouveau mode de financement. Les coefficients appliqués aux hôpitaux en déficit pendant la période transitoire sont-ils justes ? Ne faudrait-il pas laisser intégralement les ressources émanant de la T2A aux hôpitaux en déficit ? Ce serait une mesure de bon sens, de surcroît compréhensible pour les personnels.

Il faut revoir les mécanismes de péréquation en place. C’est ce qu’attendent les personnels, qui déploient en vain des efforts importants. Si l’on considère le volant de jours de RTT non pris et en attente, on constate que ces efforts sont réels.

Quant aux coûts du secteur privé, ils sont toujours très mal connus. Toutefois, un rapport récent de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, révèle que les cliniques parviennent à dégager un bénéfice de 13 % par an. Peut-on laisser subsister un système permettant au secteur privé de dégager de tels taux de rentabilité quand, dans le même temps, le secteur public s’enlise ?

En matière de convergence tarifaire, nous ne pouvons que nous réjouir que le rapport remis au Parlement par le Gouvernement le 15 octobre dernier annonce, d’une part, la création de l’échelle commune de coûts que l’on attendait et, d’autre part, les progrès réalisés en matière de permanence des soins et de pathologies sévères, progrès qui ont été confirmés par Mme la ministre. Ils permettront de revaloriser les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, dont les contours sont évidemment toujours soumis à caution. Ces missions correspondent-elles à l’action réelle de l’hôpital ? Comment évaluer, par exemple, le coût pour l’hôpital des polypathologies ?

Même si les progrès que j’ai mentionnés vont dans le bon sens, quatre ans après la réforme de la T2A, des études complémentaires indispensables ne sont pas réalisées ou leurs résultats ne sont pas connus. La commission a demandé un calendrier sur ces questions ; nous nous joignons à elle.

Par ailleurs, à combien s’élèvent les déficits hospitaliers ? Selon la Fédération hospitalière de France, ils seraient de l’ordre de 800 millions d’euros, soit 20 % du déficit de l’assurance maladie ! Or ces 800 millions d’euros inscrits aux comptes des établissements ne sont pas retracés par l’ONDAM hospitalier, qui n’est pas dépassé. Tôt ou tard, il faudra payer. Évidemment, on ne mettra pas les établissements en faillite. Dès lors, comment l’État envisage-t-il de faire face à ce problème ? Nous n’avons aucune visibilité sur cette question.

C’est pour briser tous ces tabous que nous demandons, depuis des années, un grand audit sur la situation financière et sur la qualité du secteur hospitalier. Des audits ponctuels existent. Pourquoi ne disposons-nous pas de leurs conclusions ? En 2006, le président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie le réclamait de concert avec la Cour des comptes. Pour l’heure, rien de tel ne semble programmé.

Nous attendons donc des réponses à ces questions, tout en saluant la prise de conscience de Mme la ministre sur la nécessité de réformer l’hôpital, ainsi que le volontarisme politique qui semble l’accompagner.

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