Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois :

Une telle démarche, qui lève toutes les objections à la procédure que nous avons initiée pour permettre l’examen de ce projet de loi si important pour le Sénat dès cette semaine, est presque expérimentale. Elle devrait permettre – c’est mon souhait – que notre débat en séance publique se concentre sur les enjeux importants du texte en discussion.

Madame le garde des sceaux, combien avons-nous attendu cette loi pénitentiaire ! Nous en avons d’ailleurs souvent parlé à vos prédécesseurs. Songeons que le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur ce sujet a été remis le 28 juin 2000. Hélas ! il demeure globalement d’actualité, malgré les efforts non négligeables accomplis au cours de ces dernières années.

À mon avis, il y a deux manières d’appréhender ce débat de société : on peut déplorer la surpopulation carcérale et la dégradation des conditions de détention, qui interdisent trop souvent à la prison d’assumer sa mission de réinsertion et de contribuer ainsi de manière efficace à la lutte contre la récidive ; mais, une fois ce constat réalisé, on peut – ou non ! – remettre à plus tard une réforme nécessaire et ambitieuse.

L’histoire de la prison en France, sur laquelle le président Badinter a écrit un ouvrage de référence, La prison républicaine – ou, plutôt, si peu républicaine… –, est très éclairante pour comprendre que, souvent, la punition justifiée par des actes que la société considère comme des manquements graves aux valeurs et aux règles de la vie en commun revenait uniquement à la mise à l’écart, pour un temps ou à vie, des criminels et des délinquants. Et je ne parle pas, bien entendu, de ce qui se passait avant l’abolition de la peine de mort.

Une question a toujours dominé : comment utiliser le temps de la prison pour permettre la réinsertion, voire l’insertion, des détenus ? Le législateur y a certes parfois répondu de façon positive et bon nombre d’humanistes se sont penchés sur ce sujet depuis cent cinquante ou deux cents ans. Mais une telle réponse a, bien vite, été contredite par les faits, et oubliée.

La bonne réponse est la suivante : il faut respecter la dignité des personnes détenues et, donc, améliorer les conditions de détention. Il importe, par exemple, de garantir un droit aux soins médicaux, pour lequel la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a tout de même constitué un progrès considérable, on pourrait même aller jusqu’à dire une vraie révolution, même si le président About nous en a rappelé tout à l’heure les lacunes et nous a montré combien il était nécessaire d’aller plus loin dans ce domaine. Il convient également de favoriser le travail pénitentiaire et la formation, seuls gages d’une réinsertion possible, et, bien entendu, de lutter contre la surpopulation carcérale, qui sévit principalement et depuis longtemps dans les maisons d’arrêt.

En effet, comme nous l’avions noté en 2000, entre autres paradoxes – il y en a malheureusement beaucoup en la matière –, les prévenus, qui sont « normalement » présumés innocents, sont plus mal traités que les condamnés !

Des événements graves, qui sont encore survenus récemment, ponctuent la vie carcérale. Ils sont, tout comme les apparences, révélateurs de la gravité de la situation. Il faut néanmoins rappeler l’effort considérable entrepris, notamment, pour réhabiliter le parc pénitentiaire.

Madame le garde des sceaux, sans remonter au programme mis en œuvre par Albin Chalandon, suivi de celui qui avait été défini par Pierre Méhaignerie en 1995, la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice lancée par Dominique Perben, dont nous voyons déjà les résultats aujourd'hui et qui produira ses effets jusqu’en 2012, correspond à la nécessité d’avoir une stratégie immobilière ayant si souvent fait défaut et dans laquelle il faut, à l’évidence, intégrer la maintenance. Nous avons pu voir combien coûtait la rénovation des prisons qui ont été abandonnées pendant trente ou quarante ans. Vous pouvez vous-même en témoigner, madame le garde des sceaux, si Fleury-Mérogis avait fait l’objet de travaux de maintenance au cours de cette période, vous n’auriez pas dû engager un programme énorme de rénovation ! Je rappelle d’ailleurs que le partenariat public-privé permet d’assurer cette maintenance.

Nous avons soutenu avec beaucoup de force non seulement la création d’un contrôleur général des lieux de privation de liberté, que vous avez proposée, mais aussi le développement du bracelet électronique, qui, je le rappelle, a pour origine une initiative du Sénat et dont l’administration pénitentiaire de l’époque – elle a bien changé ! – ne voulait à aucun prix. Elle a ainsi tout fait pour empêcher que cette expérience, pourtant bien connue au Canada et dans d’autres pays, réussisse en France.

L’un des aspects important de votre projet est de développer les alternatives à l’incarcération. Vous le savez, la commission a très largement approuvé ces mesures. Elles devraient contribuer en elles-mêmes à lutter contre la surpopulation carcérale et, surtout, s’agissant des courtes peines, dont je pense qu’elles sont bien souvent génératrices de récidive plutôt que d’exemplarité, à trouver d’autres solutions que la détention.

J’en viens aux dispositions relatives aux conditions de détention. Je tiens à ce propos à souligner l’excellent travail du rapporteur, notre collègue Jean-René Lecerf, …

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