Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois :

…qui n’a ménagé ni son temps, ni son engagement sur ce sujet, ni son intelligence de la situation dans les établissements pénitentiaires. Dans la ligne du projet de loi, la commission des lois vous fera un certain nombre de propositions innovantes, en ce qui concerne tant les droits des détenus – c’est pour cette raison, monsieur About, que les dispositions de ce texte relèvent du domaine législatif – que l’obligation d’activité. Nous nous sommes longuement interrogés sur cette question, mais je crois qu’une telle obligation, qui existe à peu près partout, n’est absolument pas contraire, comme certains l’ont affirmé pendant longtemps, à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Bien entendu, madame le garde des sceaux, nous aurons à nous prononcer sur le maintien du principe de « l’encellulement individuel », lequel existe depuis 1875. Nous comprenons que cet objectif, qui n’a jamais été atteint, puisse paraître irréaliste. Certes, ce principe peut, pour des raisons positives, être aménagé, selon les modes de détention et les besoins des détenus, mais nous espérons que le nombre de prévenus continuera à diminuer et que les alternatives à l’incarcération prévues par votre projet trouveront toute leur dimension. Pour notre part, nous croyons à ce que nous proposons !

Nous nous sommes efforcés d’appréhender la réalité d’un service public singulier, en nous gardant, bien sûr, de tout angélisme. Il faut tout de même le rappeler de temps en temps, la plupart des détenus sont emprisonnés à la suite d’actes criminels ou délictueux graves, pour avoir tué, violé, blessé, abusé, fraudé, trafiqué. Toutes les sociétés ont le droit et le devoir de se protéger de ces personnes dangereuses qui violent gravement leurs lois.

Cela étant, la prison doit-elle demeurer le système confus qui fait que les établissements pénitentiaires sont à la fois des asiles, des hospices ou des hôpitaux ?

Sur ce sujet, MM. Lecerf et About l’ont évoqué, nous réfléchissons à une réforme de l’article 122-1 du code pénal. Madame le garde des sceaux, j’ai participé, comme nombre de parlementaires, à la révision du code pénal. À l’époque, nous avions pensé que cet article 122-1, qui se substituait notamment à l’ancien article 64 et qui ne faisait plus référence à la notion de démence, était une formidable avancée.

Or, je me demande si nous ne nous sommes pas trompés, dans la mesure où, comme M. le rapporteur l’a bien démontré, aujourd'hui, plus les personnes ont des troubles mentaux graves, plus elles sont lourdement condamnées.

Pour protéger la société, qui est un objectif somme toute compréhensible, on finit par condamner plus lourdement ceux qui ont les troubles psychiatriques les plus graves. Cela pose tout de même un réel problème ! Des tentatives ont déjà été réalisées. Mais la loi pénitentiaire en est un bon exemple : les essais peuvent se révéler concluants. Nous attendons donc aussi une loi sur l’hospitalisation psychiatrique.

Bien entendu, nous ne pouvons pas parler de la loi pénitentiaire sans évoquer les personnels.

Les surveillants d’aujourd'hui n’ont plus rien à voir avec les gardiens d’hier. Ils sont beaucoup mieux formés, ont un niveau supérieur et, souvent, sont beaucoup plus engagés dans la réinsertion des détenus que par le passé. Bien sûr, tout n’est pas rose et rien n’est évident, car, il faut le dire, c’est un métier difficile, que l’on n’a pas forcément choisi par vocation. Toutefois, tous ceux qui visitent les prisons régulièrement font, me semble-t-il, le même constat, les personnes qui ont accepté de travailler dans ce service public difficile font preuve d’un engagement fort.

Par ailleurs, il convient, bien sûr, de faire un effort supplémentaire pour développer le service pénitentiaire d’insertion et de probation, si l’on veut vraiment faire réussir la politique de diversification et d’aménagement des peines.

Madame le garde des sceaux, telles sont les quelques brèves observations qu’il me paraissait nécessaire de faire après les interventions de M. le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis. Votre politique pénale doit être considérée dans son ensemble. À cet égard, ce projet de loi en est le dernier volet et constitue le pendant indispensable des textes votés antérieurement, comme celui sur la lutte contre la récidive. Je souhaite que sa mise en œuvre permette à la prison d’être plus utile et plus efficace, en donnant une chance à ceux qui se sont coupés de la société. J’attends qu’elle ne soit plus « une humiliation pour la République ».

C’est une ambition que nous partageons, et ce, j’en suis sûr, sur toutes les travées de cette assemblée. C’est une ambition digne de la France des droits de l’homme. Notre politique pénitentiaire doit savoir non seulement être ferme, pour « protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ». Nul doute que cet extrait d’une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 janvier 1994 rappellera un souvenir particulier à l’un de nos éminents collègues !

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