Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 3 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

En juin 2007 – ce n’est pas si vieux ! –, devant le tribunal de Bobigny, vous déclariez, madame le garde des sceaux : « La justice ne peut être ferme si elle n’est pas humaine. Une justice humaine, c’est aussi une justice qui respecte totalement ceux qui sont condamnés ». Naturellement, nous souscrivons tous à de telles intentions et nous les partageons.

Après avoir examiné le projet de loi instaurant des peines minimales pour les récidivistes, après avoir adopté la loi mettant en place un contrôleur indépendant des lieux privatifs de liberté, nous sommes aujourd’hui saisis d’un texte fondateur dans le domaine pénitentiaire. Ces textes de loi, complémentaires, constituent le socle d’une justice que vous souhaitez, à juste titre, à la fois plus ferme et plus humaine.

Si la fermeté à l’égard des délinquants et des récidivistes est une nécessité, si notre arsenal juridique doit être renforcé afin de nous prémunir face à des cas de récidive parfois extrêmement graves, il convient toutefois de respecter pleinement les droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

La sanction doit être sévère et aller jusqu’à l’enfermement, parce que la gravité de l’acte commis l’exige et parce que le comportement de l’auteur de l’acte incriminé le nécessite. Pour autant, notre justice se doit de toujours garder un visage humain et de rester attentive, non seulement aux victimes, mais également à la situation des personnes qui ont été condamnées au nom de la République, en notre nom.

L’emprisonnement doit toujours s’effectuer dans des conditions qui s’accordent avec le respect de la personne humaine. Ainsi, la privation de liberté ne signifie pas la privation de l’accès au droit.

Notre assemblée a toutes les raisons de se réjouir que ce projet de loi soit enfin soumis à son examen.

L’adoption de ce texte, déposé – faut-il le rappeler ? – le 28 juillet 2008 sur le bureau du Sénat, ne pouvait être plus longtemps différée. Il est aujourd’hui devant notre assemblée, qui a eu largement le temps de l’analyser.

Vous étiez venue, madame le garde des sceaux, devant la commission des lois, à l’automne dernier, lorsque celle-ci procédait à des auditions. Ce matin, vous êtes venue à nouveau devant elle pour soutenir vos amendements, comme le prévoit désormais notre procédure législative. Nous avons donc eu suffisamment de temps pour travailler sur ce texte.

Depuis le 22 juin 1987, aucun autre gouvernement n’avait mis en chantier un texte relatif au droit pénitentiaire. En effet, la loi pénitentiaire soulève de très fortes attentes de la part de nos concitoyens, des professionnels de la justice et des élus, qui se sont beaucoup investis sur ce sujet.

C’est avec constance, et depuis de nombreuses années, que le Sénat accorde une attention toute particulière à la situation des établissements pénitentiaires.

Voilà neuf ans, le Sénat décidait la création d’une commission d’enquête sur ce sujet, présidée par Jean-Jacques Hyest. Dans son rapport d’enquête intitulé « Prisons : une humiliation pour la République », cette commission soulignait la nécessité absolue d’améliorer sans attendre les conditions de détention dans nos prisons. Sa conclusion était sans appel : « Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans ».

Je tiens donc à saluer l’initiative du Gouvernement, qui permet aujourd’hui au Parlement de débattre d’une grande loi fondamentale sur le service public pénitentiaire.

Vingt-deux années ont passé depuis que M. Albin Chalandon, alors garde des sceaux, a fait adopter la loi pénitentiaire du 22 juin 1987. Or, en vingt-deux ans, tout a changé : le profil des détenus, l’administration pénitentiaire, notre société et les normes européennes et internationales, qui sont désormais plus précises.

Le projet de loi que vous nous proposez a pour vertu de mettre en conformité notre droit interne avec nos obligations européennes.

Le 11 janvier 2006, le Conseil de l’Europe énonçait en effet 108 règles pénitentiaires européennes, qui, malheureusement, n’avaient aucune valeur juridiquement contraignante. Votre texte, madame le garde des sceaux, permet de généraliser la mise en œuvre de ces recommandations.

Votre projet de loi comporte des avancées majeures qu’il convient de souligner et qui s’inscrivent dans une politique d’ensemble visant à moderniser le système pénitentiaire français.

Il reconnaît, tout d’abord, un ensemble de droits fondamentaux aux détenus, en consacrant le principe selon lequel la personne détenue conserve, comme tout citoyen, le bénéfice de ses droits, même si elle est privée de sa liberté, et à condition que le tribunal l’ait autorisée à conserver ces droits.

Votre texte multiplie les dispositions tendant à améliorer la vie quotidienne des détenus au sein de l’établissement pénitentiaire. Je pense à la possibilité offerte à tous les prisonniers de téléphoner, ou encore à l’incitation à exercer une activité professionnelle, sportive ou culturelle.

Il comporte également de sérieuses avancées pour les personnels pénitentiaires, auxquels nous souhaitons rendre collectivement un hommage appuyé, car ils exercent leurs missions dans des conditions souvent extrêmement difficiles : ils méritent incontestablement la reconnaissance de la société tout entière pour l’action qu’ils mènent au quotidien.

L’un des principes essentiels qui inspire le projet de loi est que la prison est une sanction nécessaire mais ultime. Une peine d’emprisonnement doit pouvoir être exécutée en dehors de la prison. C’est l’objet des alternatives à l’incarcération et des aménagements de peine destinés à favoriser la réinsertion des détenus et à lutter plus efficacement contre la récidive.

Ainsi, ce projet de loi institue l’assignation à résidence avec surveillance électronique, qui constituera une nouvelle alternative particulièrement crédible à la détention provisoire, permettant aussi une surveillance plus efficace qu’un placement sous contrôle judiciaire.

À l’heure où la surpopulation carcérale est, à juste titre, quotidiennement dénoncée, notre groupe ne peut qu’approuver, madame le garde des sceaux, des mesures alternatives à la détention qui ne représentent pas une menace pour la sécurité des personnes.

Enfin, ce projet de loi place la réinsertion des détenus au cœur de l’intervention du service public pénitentiaire, en favorisant le développement de la formation et du travail en prison.

Sur l’initiative de notre rapporteur, que je souhaite féliciter, au nom du groupe UMP et en mon nom personnel, de son travail de très grande qualité, la commission des lois a modifié certaines dispositions du texte du Gouvernement afin de donner au présent projet de loi toute sa portée.

Les propositions de Jean-René Lecerf suscitent une large adhésion, tant elles permettent d’améliorer de façon significative les conditions de détention.

Ainsi, la commission des lois a souhaité conserver le principe de l’encellulement individuel, imposé par le code de procédure pénale, mais auquel la France déroge en raison de la surpopulation carcérale.

Inscrit depuis 1875 dans le code de procédure pénale, l’encellulement individuel est un droit fondamental, qui, jusqu’à présent, n’a jamais atteint. S’il convient d’affirmer ce principe, il semble toutefois nécessaire de prévoir une certaine souplesse afin de permettre, dans des proportions restreintes, aux détenus qui supportent mal l’isolement carcéral d’être placés dans une cellule à usage collectif. Sur ce point, le débat qui se poursuit aujourd’hui devrait permettre de rapprocher les points de vue, au demeurant peu éloignés, de la commission et du Gouvernement.

Il est temps d’accorder toute leur place aux impératifs d’insertion et de réinsertion à la sortie de prison, parce qu’il importe d’assurer un meilleur respect des droits fondamentaux des personnes détenues.

Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve des observations que je viens de présenter, les membres du groupe UMP adopteront le texte proposé par la commission des lois sur le projet de loi pénitentiaire.

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