Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble s'est réunie le 11 avril dernier et est parvenue à un accord.
Les conclusions de cette commission ont été adoptées ce matin, en séance publique, par l'Assemblée nationale.
Tout au long de la navette parlementaire, cette proposition de loi, déposée par notre collègue député Michèle Aurillac, n'a cessé de s'enrichir, grâce aux travaux tant de l'Assemblée nationale que du Sénat.
La volonté du Sénat a été, dans le cadre des deux lectures, d'assurer un équilibre entre la nécessaire protection des locataires et le droit pour les propriétaires d'immeubles à usage d'habitation de disposer de leurs biens. Il a également été nécessaire d'assurer l'effectivité juridique des dispositifs nouvellement créés.
Je mettrai en exergue les principaux apports de ses travaux : l'autonomisation du dispositif de préemption créé au profit du locataire d'un logement faisant l'objet d'une vente dans le cadre d'une vente « en bloc » ; l'extension de ce droit de préemption à l'hypothèse où l'immeuble est détenu par une société et où la vente envisagée porte sur les actions ou parts de cette société ; la communication préalable des résultats d'un diagnostic technique établi par un contrôleur technique ou un architecte sur l'état de l'immeuble ; l'information préalable du maire sur le prix et les conditions de la vente ; la confirmation expresse de la possibilité d'utiliser le droit de préemption urbain afin d'assurer le maintien dans les lieux des locataires.
À ces différentes mesures, il convient d'ajouter la faculté pour la commune et le département de réduire le taux de la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière lorsque, dans le cadre d'une vente à la découpe et quelles que soient ses modalités, l'acquéreur d'un logement occupé s'engage à le maintenir en location. Il faut aussi retenir la modification de la majorité d'opposition à l'extension par décret d'un accord collectif intervenu au sein de la commission nationale de concertation de manière que ces accords puissent être plus largement généralisés, ainsi que le renforcement des sanctions en cas de méconnaissance de ses obligations par le bailleur.
C'est donc sur de nombreux points que le Sénat a pu apporter des améliorations au texte.
Au terme de ces deux lectures, deux articles seulement sur les cinq que comporte la proposition de loi restaient en discussion.
La commission mixte paritaire a apporté deux modifications très ponctuelles au texte adopté en deuxième lecture par le Sénat.
La première est purement rédactionnelle.
La seconde supprime, afin de prévenir les contentieux, la précision introduite par le Sénat imposant que l'auteur du diagnostic technique sur l'état de l'immeuble vendu en bloc n'ait pas, avec l'un des locataires concernés, de lien de nature à mettre en cause son impartialité ou son indépendance. La mesure ne concernera donc que l'indépendance du technicien vis-à-vis du propriétaire de l'immeuble.
En réalité, la seule divergence sérieuse entre les deux assemblées tenait au nombre de logements de l'immeuble vendu en bloc au-delà duquel le nouveau droit de préemption doit s'appliquer.
Notre assemblée avait, dès la première lecture, entendu privilégier le seuil de plus de dix logements pour deux séries de raisons.
Il s'agissait d'abord de répondre à un souci de protection des propriétaires personnes physiques. Le phénomène des ventes en bloc d'immeubles de logements, suivies d'une division par lots en vue de la vente de ces derniers, est, dans la grande majorité des cas, le fait de propriétaires institutionnels. Ce sont d'ailleurs ces ventes par des propriétaires institutionnels qui avaient suscité l'émotion de certains locataires, et non pas des micro-opérations qui auraient pu être réalisées par des propriétaires personnes physiques.
C'est donc cette catégorie des bailleurs institutionnels qu'il convient d'encadrer, sans pour autant pénaliser les personnes physiques propriétaires de petits ensembles de logements privés qu'ils mettent en location, ni, surtout, les décourager de mettre en location des immeubles de taille restreinte.
Il s'agissait ensuite d'affirmer, ce qui est également important, notre volonté d'assurer la cohérence juridique de l'ensemble des textes encadrant les ventes à la découpe dans lequel la présente proposition de loi, dont l'objet est très circonscrit, a vocation à s'insérer.
Les dispositifs actuels s'appliquent en effet à des immeubles de plus de dix logements. C'est le seuil retenu par l'article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989, qui permet la reconduction du bail pour une durée inférieure à la durée légale normale lorsqu'un congé pour vente est délivré par un bailleur de certains secteurs locatifs. Ce seuil est également repris dans les accords collectifs du 9 juin 1998, rendus obligatoires par décret, ainsi que dans les accords du 16 mars 2005, négociés entre les organisations de locataires et de propriétaires.
Dans le cadre de la commission mixte paritaire, les députés ont reconnu la pertinence de ces raisons et ont accepté d'adopter, sur ce point, le texte voté par le Sénat.
Au final, le texte adopté par la commission mixte paritaire comporte des avancées indéniables pour les locataires dont l'immeuble fait l'objet d'une vente à la découpe, sans méconnaître les garanties constitutionnelles attachées à la propriété privée.
Pour autant, je souhaiterais rappeler que la protection accrue des locataires ne proviendra pas uniquement de ce texte. Elle résultera également de la bonne et pleine application des accords collectifs négociés entre les bailleurs et les locataires. À cet égard, et compte tenu des dispositions de la présente proposition de loi, il est nécessaire que les accords collectifs du 16 mars 2005 soient le plus rapidement possible rendus obligatoires par décret.
Dans ces conditions, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte de la proposition de loi dans la rédaction élaborée par la commission mixte paritaire.