Quelle faiblesse coupable !
Ce qui est le plus choquant sur ce dossier, c’est que, pendant que nous examinions ici, en 2009-2010, les projets de loi portant sur le Grenelle de l’environnement et que nous nous échinions à fixer certains principes de gouvernance, d’information et de participation des citoyens, le ministère octroyait ces fameux permis dans la plus grande opacité, « en cachette » devrais-je dire !
D’un côté, on entendait ici même le Gouvernement plaider en faveur d’un processus de concertation et d’information et, de l’autre, les mêmes s’employaient à le court-circuiter au ministère.
Faut-il parler de double langage ? Il y a bien eu, d’un côté, les discours. Il y a bien eu, de l’autre, les actes. Mais, et c’est le problème, les actes n’ont pas été en phase avec les discours. Or, en matière d’action publique, la morale, c’est de ne jamais faire de promesses inconsidérées ; mais l’honneur, c’est de toujours mettre en accord les actes avec les discours.
Aujourd’hui, côté Parlement, on propose de légiférer pour rattraper le coup. Certains tentent même de procéder à un rétropédalage, toutefois partiel. Pourtant, le texte qui nous est proposé ne nous satisfait aucunement.
Mais, mesdames et messieurs les membres de la majorité, monsieur le rapporteur, madame la ministre, dites-le nous : que se serait-il passé sans cet immense mouvement de contestation, cette fronde ? Que se serait-il passé si élus, associations et populations n’avaient pas sonné la mobilisation générale contre ces projets ?
Tout laisse à penser qu’on aurait laissé faire, c’est-à-dire qu’on aurait laissé utiliser ces techniques de fracturation hydraulique des roches, avec toutes les conséquences que l’on connaît : un mode d’extraction très consommateur d’eau qui peut porter atteinte à la ressource, des risques de pollution des nappes phréatiques par l’introduction d’adjuvants chimiques, des risques de remontée de matériaux dangereux pour la santé et un impact ravageur sur les paysages.
Et tout cela en des lieux où il a été démontré que la complexité des relations entre les aquifères et leur vulnérabilité aux pollutions est très élevée. Et tout cela en des lieux où la ressource en eau est si rare. Et tout cela au mépris de l’article 6 de la Charte de l’environnement, qui précise : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »
Qui peut me certifier ici que la multiplication des puits, tous les trois cents mètres ou tous les cinq cents mètres, n’aurait pas un impact sur les paysages, le développement du tourisme et le développement social et économique de nos territoires ?
Que se serait-il passé si les vagues de contestation et de protestation n’étaient pas venues, heureusement, gripper le processus largement engagé, au mépris d’ailleurs des lois sur le Grenelle de l’environnement ?
Mais quel est donc ce mode de gouvernance ? N’était-il pas inadmissible d’accorder ces permis sans en mesurer toutes les conséquences ? Ou alors, et c’est encore plus grave, peut-être connaissait-on les ravages causés par l’exploitation des gaz de schiste, ce qui expliquerait que l’on ait voulu agir dans la plus grande opacité. Vraiment, il y a de quoi être révolté.
Durant des jours et des nuits, nous avons travaillé ici sur les lois relatives au Grenelle de l’environnement. Il nous avait semblé que Gouvernement, majorité et opposition étaient d’accord sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour assurer la transition énergétique, en réduisant l’utilisation des énergies fossiles. Et voilà qu’avec les gaz de schiste on voudrait ouvrir un nouvel âge d’or aux énergies fossiles, à l’origine des gaz à effet de serre et du changement climatique. Pis, ces gaz-là auraient même un bilan carbone très négatif.
Aurait-on oublié les engagements internationaux de la France en matière de lutte contre les gaz à effets de serre ? Aurait-on oublié nos engagements quant à l’objectif européen des trois fois vingt : 20 % de réduction des gaz à effets de serre, 20 % d’économies d’énergie, 20 % d’énergies renouvelables supplémentaires.
Alors, arrêtons là cette affaire de gaz de schiste !
Le texte de l’article 1er qui nous est proposé ne nous convient absolument pas. Pour nous, l’interdiction de la technique de fracturation hydraulique n’est pas suffisante. Il est clair que les groupes du secteur énergétique titulaires des permis vont tout faire pour contourner l’obstacle à tout moment. La manne est trop importante et les profits trop immenses ! Voilà pourquoi il est essentiel d’adopter les amendements que nous proposerons aux articles 1er et 2.
Mes chers collègues, nous sommes là pour légiférer, dans l’intérêt des populations et non dans celui des grandes firmes.