Intervention de Laurent Béteille

Réunion du 31 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la corruption — Adoption définitive d'un projet de loi, amendement 5

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, comme l'a rappelé avec force le président de la Banque mondiale, le 9 décembre 2004, à l'occasion de la Journée mondiale contre la corruption, la corruption est un véritable cancer contre lequel il faut ardemment lutter.

Depuis l'Antiquité - rappelons-nous les réquisitoires de Cicéron au temps de la République romaine ! -, la corruption est l'un des maux de société les plus répandus et les plus insidieux. Lorsqu'elle implique des agents publics et des représentants élus, elle nuit à l'administration des affaires publiques.

Depuis la fin du XIXe siècle, elle est également perçue comme une menace majeure pour le secteur privé car, au-delà de son aspect profondément immoral et choquant, elle sape la confiance qui est nécessaire au maintien et au développement des relations sociales et économiques.

Phénomène multiforme et particulièrement complexe, la corruption est évaluée par le Fonds monétaire international à près de 2 % du PIB mondial. L'OCDE estime, pour sa part, que les pots-de-vin à l'occasion des transactions internationales représentent entre 5 % et 25 % du montant des contrats, voire plus.

La corruption sévit, hélas, tout particulièrement dans les pays les moins avancés, où elle constitue - cela a déjà été souligné mais il convient d'en prendre toute la mesure - un des principaux freins au développement économique.

Les actes de corruption dans ces pays ont des conséquences particulièrement graves pour les populations vulnérables car ils engendrent une réduction des investissements, voire un désinvestissement, avec les nombreux effets que cela peut entraîner. Sur les plans politique et moral, ils entraînent également un manque de respect envers l'État de droit et les droits de l'homme, et favorisent les pratiques non démocratiques et le détournement de fonds normalement destinés à des services publics essentiels.

Ces constats, qui sont préoccupants et inquiétants, appellent une mobilisation sans faille de l'ensemble des acteurs concernés : les États bien sûr, mais également les acteurs de la société civile.

La lutte contre la corruption est l'affaire de tous. Elle constitue un véritable fléau qu'il convient de combattre avec force car elle met en danger la stabilité des institutions démocratiques, les fondations morales de la société et l'économie de marché.

La fermeté à l'égard du corrupteur et du corrompu est une nécessité ; le renforcement des peines encourues, un impératif.

La réalité de la lutte contre la corruption est, en effet, subordonnée à la rapidité et à l'efficacité des sanctions et des recours mis en place pour ceux dont les droits et intérêts sont affectés.

La France s'est depuis longtemps fortement impliquée dans la lutte contre la corruption. Elle est, en effet, l'un des pays qui s'est donné les moyens les plus complets de lutte contre la corruption aussi bien sur le plan national qu'au niveau international. La corruption des fonctionnaires est réprimée depuis le code pénal de 1810, la corruption dans le secteur privé depuis 1919.

La France est également l'un des pays où les sanctions sont les plus sévères, la corruption d'agents publics étant passible d'une peine d'emprisonnement de dix ans.

Elle a par ailleurs joué un rôle de premier plan dans l'adoption des divers instruments internationaux de lutte contre la corruption, que ce soit dans le cadre de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe, de l'OCDE ou encore de l' ONU.

Conformément à ses engagements internationaux, la France a déjà adopté de nouvelles dispositions destinées à lutter contre la corruption. La loi du 30 juin 2000 modifiant le code pénal et le code de procédure pénale relative à la lutte contre la corruption a incriminé les pratiques de corruption d'agents publics étrangers dans certaines hypothèses.

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis permet de franchir une nouvelle étape dans le renforcement de notre législation, ce qui démontre l'action déterminée du Gouvernement pour combattre ce fléau.

Comme vous l'avez très justement souligné, madame le garde des sceaux, ce texte vise à mettre notre droit en conformité avec les derniers engagements internationaux de la France, afin de rendre plus efficace la lutte contre la corruption internationale et de mieux protéger la justice contre toute influence extérieure.

L'objectif principal de ce texte est de transposer en droit interne des obligations nouvelles en matière d'incrimination de la corruption qui figurent dans la convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe en date du 27 janvier 1999 ainsi que dans la convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 2003.

Le projet de loi qui nous est soumis comporte trois avancées majeures, qui sont conformes à nos engagements internationaux.

En premier lieu, il propose d'étendre le délit de corruption active ou passive aux agents publics étrangers et aux agents publics internationaux au-delà du champ du commerce international, auquel il était jusqu'à présent circonscrit.

Il s'agit d'une avancée considérable puisque des poursuites pourront ainsi être exercées contre un agent public étranger ou international quels que soient le pays ou l'organisation internationale en cause et quelle que soit la contrepartie attendue.

En second lieu, le projet de loi crée un délit d'entrave au bon fonctionnement de la justice dans les procédures suivies dans un État étranger ou devant une cour internationale.

Il s'agit là aussi d'une innovation particulièrement importante car seront désormais réprimés non seulement la corruption visant les acteurs du monde judiciaire, mais aussi tous les actes d'intimidation ou de subornation dont ils pourraient être victimes.

Pour autant, je m'interroge sur certaines propositions de nos collègues qui ont la tentation de vouloir interférer dans les décisions de justice d'États indépendants et de jouer le rôle de chevalier blanc ou de donneur de leçons, ce que l'on nous a quelquefois reproché. Je pense notamment à l'amendement n° 5, qui vise à permettre la poursuite des délits commis à l'étranger même en l'absence de décision d'une juridiction d'un État souverain. Il me semble que ce serait aller au-delà de ce qu'il est possible de faire.

Enfin, le projet de loi prévoit de nouvelles règles de procédure pénale afin de renforcer l'attractivité de la lutte contre la corruption.

Nous nous félicitons, à cet égard, de la possibilité prévue par le texte de recourir à des techniques d'investigations spéciales pour mettre en évidence la corruption ou le trafic d'influence, qui sont par nature des infractions occultes ou dissimulées. Le parquet disposera désormais de moyens semblables à ceux qui sont mobilisés en matière de lutte contre la criminalité organisée. Ainsi, les moyens de lutte contre la corruption sont renforcés.

La corruption est appréhendée dans toutes ses dimensions tant nationale qu'internationale.

Je souhaiterais conclure mon propos, madame le garde des sceaux, en appelant de mes voeux un renforcement de la coopération internationale qui est indispensable pour combattre les multiples menaces dues à la corruption.

Nous nous félicitons des actions pragmatiques et concrètes menées par les organisations tant internationales qu'européennes. Ces instances ont, en effet, nettement contribué à améliorer, au cours de ces dernières années, la prise de conscience et la coopération au niveau international dans la lutte contre la corruption.

Il convient, toutefois, de poursuivre et d'amplifier cet effort. La corruption ne connaît pas de frontières, il s'agit d'un phénomène mondial qui appelle une riposte du même ordre.

La lutte contre la corruption nécessite une coopération internationale qui doit être le plus large possible et qui doit s'intensifier. Elle n'a de chance d'être efficace que si elle est menée avec la même fermeté partout.

À cet égard, la création d'un véritable espace judiciaire européen devient de plus en plus nécessaire.

Il importe également de prendre des mesures efficaces pour sensibiliser l'opinion publique et encourager des comportements conformes à l'éthique. Les valeurs de transparence et de responsabilité doivent être promues pour prévenir la corruption.

Enfin, il convient de favoriser la spécialisation des personnes et des organismes chargés de lutter contre la corruption en leur accordant, notamment, les moyens et la formation nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

Comme l'a très justement souligné dans son rapport notre collègue Hugues Portelli, un renforcement des moyens alloués aux juridictions économiques et financières spécialisées apparaît nécessaire, tout comme celui de la formation internationale des magistrats financiers français. En effet, ces derniers doivent pouvoir disposer des moyens à la hauteur de la difficulté et de la technicité de leurs missions.

De ce point de vue, nous prenons acte, madame la ministre, et nous nous en félicitons, des engagements que vous avez pris devant nos collègues députés d'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2008 les moyens humains et matériels nécessaires au bon fonctionnement du pôle économique et financier de Paris.

Sous le bénéfice de ces observations, les membres du groupe UMP voteront ce texte, qui permettra de lutter efficacement contre ce fléau lourd de conséquences sur l'économie, mais aussi sur la vie politique démocratique.

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