Intervention de Bernard Angels

Réunion du 8 juillet 2010 à 9h30
Règlement des comptes pour l'année 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard AngelsBernard Angels :

À ces oublis, s’ajoutent les reports de charge sur l’exercice suivant : il s’agit des dépenses qui auraient dû être payées au titre de l’exercice 2009, mais qui sont reportées sur l’année suivante. Bien qu’en diminution par rapport à 2008, ces dépenses représentent tout de même un minimum de 2, 6 milliards d’euros.

Pourtant, la pression sur les dépenses a été moins forte que les années précédentes.

En effet, l’inflation constatée de 0, 1 % a été très inférieure à l’hypothèse en loi de finances initiale, soit 1, 5 %. Par conséquent, contrairement à 2008, l’exécution de 2009 a connu une moindre pression sur les dépenses en valeur, ce qui constitue un environnement plutôt apaisé. Or les dépenses de l’État ont continué d’augmenter depuis la mise en place de cette norme en 2004.

C’est pourquoi nous déplorons le long chemin – les magistrats de la rue Cambon l’ont bien remarqué – qui nous sépare d’une procédure budgétaire enfin exemplaire. La Cour des comptes a en effet assorti la certification des comptes de la nation d’un certain nombre de réserves.

Je ne reviendrai pas sur l’impérieuse nécessité qu’il y a à redéfinir le périmètre de la norme de dépenses ou à mieux contrôler la prolifération des niches fiscales. Mais parmi les points soulevés par la Cour, j’en retiens trois qui me paraissent décisifs pour améliorer la qualité de l’action et du contrôle parlementaire.

Tout d’abord, l’examen de l’exécution des comptes de 2009 montre, une fois encore, l’importance des cas, pourtant prévisibles, de sous-budgétisation de certaines missions. Nous ne cessons de le déplorer : en persévérant dans la sous-estimation budgétaire, les principes d’unité et de sincérité budgétaires se voient remis en cause.

En effet, monsieur le ministre, vous êtes contraint, en raison de cette sous-budgétisation, de demander des ouvertures complémentaires de crédits au cours de l’année d’exécution de la loi de finances. Or cela ne permet pas un contrôle serein et transparent de la réalisation des comptes de l’État.

De nouveaux crédits ont ainsi été ouverts, soit par décret d’avance – 835 millions d’euros au moins en crédits de paiement –, soit dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009 de fin d’année, à hauteur de 1, 39 milliard d’euros. À cet égard, le nombre particulièrement élevé de collectifs budgétaires en 2009, mais aussi en 2010, témoigne d’une anticipation médiocre de la conjoncture économique, comme je le soulignais au début de mon propos.

Cela n’est pas tout. Le contrôle parlementaire reste entravé par un accès encore insuffisant aux informations financières et comptables de l’État. En régime LOLF, le parlementaire est autant législateur que contrôleur de l’action gouvernementale. Les sénateurs entendent jouer pleinement leur rôle irremplaçable de contrôle de l’action publique. Pour cela, nous avons besoin d’outils adaptés : la refonte et l’adaptation des systèmes d’information sont pour nous une exigence forte si l’on veut parvenir à une exécution plus juste et plus transparente des comptes de l’État.

Or, cette année encore, le Gouvernement ne nous donne pas les moyens de cette ambition. À cet égard, le calendrier de mise en œuvre du prologiciel Chorus, qui doit servir de cadre à la comptabilité générale de l’État, a déjà dû être reporté. Ce retard coûte cher et ne facilite pas le travail des parlementaires. Notre mission de vérification et d’appréciation des comptes reste limitée. Il en est de même des dispositifs ministériels de contrôle et d’audit internes qui sont aujourd’hui insuffisants.

Ces remarques peuvent paraître techniques. Elles répondent pourtant à un objectif essentiel : celui de redonner au parlementaire toute la place qui lui revient dans la procédure budgétaire.

Enfin, la dette publique, en raison de son poids considérable, doit faire l’objet d’une gestion plus responsable et de plus long terme.

Vous vous targuez, monsieur le ministre, d’avoir fait baisser la charge de la dette. Certes, elle a diminué grâce à la baisse des taux d’intérêt. Mais le Gouvernement s’est laissé aller à un choix dangereux : il a choisi d’emprunter de manière croissante à court terme et dans des proportions supérieures à la couverture des variations infra-annuelles du compte du Trésor. En effet, le besoin de financement sans précédent auquel l’État a dû faire face en 2009, à hauteur de 246, 2 milliards d’euros, soit deux fois plus que la moyenne des années 2002 à 2007, a été couvert par l’endettement. Si, dans une pure vision de court terme, cette croissance de la dette a pu représenter un avantage en 2009, elle est dangereuse à plus long terme, car elle présente un double écueil : d’une part, elle renforce la sensibilité de la charge de la dette de l’État à une remontée des taux d’intérêt, qui est inévitable compte tenu de leur niveau actuel ; d’autre part, elle réduit pour partie la portée de l’autorisation parlementaire prévue par la LOLF, qui ne porte explicitement que sur la dette à moyen et long termes.

Je conclurai en rappelant l’éthique qu’exige la période particulière que nous traversons. L’attention portée aux critiques sur ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 est d’autant plus nécessaire et attendue que le contexte économique actuel ne nous laisse pas le loisir de tâtonner encore davantage dans la gestion budgétaire et financière.

Dès lors, sans nier l’ampleur de la présente crise économique, la responsabilité qui vous incombe en tant que détenteurs du pouvoir exécutif voudrait que vous regardiez au-delà du seul facteur de la crise pour assumer les aspects biaisés, voire sciemment injustes, de votre gestion budgétaire et que vous en tiriez les conclusions qui s’imposent.

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