Séance en hémicycle du 8 juillet 2010 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.

Une erreur matérielle a conduit à considérer que, cette nuit, je n’avais pas participé au vote sur l’ensemble du projet de loi de réforme des collectivités territoriales alors que je souhaitais m’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

La parole est à M. Jacques Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je souhaite à mon tour faire une mise au point au sujet d’un vote.

Lors du vote par scrutin public n° 259 sur l’ensemble du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, M. Louis Pinton a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mon intervention se fonde sur les articles 2 et 3 du règlement du Sénat.

Hier, M. le Premier ministre – peu importe dans quelles circonstances, mais en tout cas devant les caméras de télévisions, conviées à cet effet – a fait une déclaration solennelle sur la situation politique actuelle qui, il faut le dire, est très délicate pour l’exécutif en raison notamment de son refus obstiné de dire la vérité et de reconnaître au moins l’existence de conflits d’intérêt.

J’espère que la justice fera la lumière sur cette affaire et qu’un juge d’instruction sera rapidement saisi, dans un tribunal autre que celui de Nanterre, seule condition pour qu’une justice sereine passe.

M. le Premier ministre était entouré des présidents des deux assemblées, et donc du président du Sénat, M. Gérard Larcher.

Je considère qu’il s’agit là d’une faute politique grave et je demande donc que le Bureau soit saisi de mon rappel au règlement. En effet, dès l’instant où il a été élu, certes par une majorité et non à l’unanimité des sénateurs, le président du Sénat est devenu le représentant de l’ensemble de l’institution. S’est-il rendu compte que, hier, il ne représentait que celles et ceux qui avaient voté pour lui – et encore… –, et que nos concitoyens assistaient sur leur écran à une regrettable confusion des genres ?

Plus grave encore, alors que notre système politique repose depuis Montesquieu sur la séparation des pouvoirs, en cette circonstance éminemment politique, et même politicienne, le pouvoir législatif n’aurait pas dû apparaître publiquement aux côtés du pouvoir exécutif, faisant corps avec lui, comme si le fait majoritaire était de nature constitutionnelle et prévalait sur la séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue. Il sera transmis au président du Sénat, qui aura l’occasion d’évoquer cette question lors de la réunion du Bureau le mardi 13 juillet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Michel pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 (projet de loi n° 585, rapport n° 587).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons vécu en 2009 la transmission de la crise financière à l’économie réelle. Le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, a réagi avec rapidité et détermination pour relancer l’activité, en associant une aide à l’investissement et au financement des entreprises à des mesures de soutien spécifiques pour les ménages les plus modestes.

Cette action ciblée, précise et calibrée, a été déterminante. Les économistes, qu’il s’agisse de la Commission européenne, de l’Organisation de coopération et de développement économiques ou du Fonds monétaire international, ont d’ailleurs fait l’éloge du plan français, dont ils ont reconnu la qualité et l’efficacité.

Il était inévitable toutefois, et nous l’assumons entièrement, que la crise et la relance se reflètent dans le résultat de l’exécution du budget de l’État pour 2009, que je vous expose aujourd’hui en vous présentant le projet de loi de règlement pour 2009.

Au-delà des chiffres, je tiens à souligner que, malgré la crise, le Gouvernement a maintenu le cap de la maîtrise de la dépense publique. Il a respecté la norme des dépenses de l’État, il a poursuivi la révision générale des politiques publiques, la RGPP, notamment le « 1 sur 2 », et travaillé avec succès à réduire le nombre des réserves de la Cour des comptes dans sa certification des comptes de l’État.

Cet engagement et cette détermination n’ont d’ailleurs pas faibli. Nous avons tenu à les réaffirmer dans les orientations des finances publiques pour les trois années à venir, que j’aurai l’honneur de vous présenter cet après-midi dans ce même hémicycle.

Par ailleurs, je tiens à souligner que l’information du Parlement par le Gouvernement a été améliorée puisque les rapports annuels de performance, les RAP, ont été complétés.

L’exécution des trois programmes qui constituent la mission « Plan de relance de l’économie » relève d’une partie spécifique. En parallèle, tous les rapports annuels de performance identifient les dépenses de relance réalisées depuis les différents budgets ministériels.

Le premier point de mon intervention portera sur la certification des comptes de l’État, élément important dans le contexte singulier, agité et tourmenté, que nous traversons. La certification des comptes est la preuve des progrès accomplis en termes de transparence et de sincérité des comptes. Elle est évidemment regardée par l’ensemble des acteurs économiques.

Pour le quatrième exercice de certification, le Gouvernement a choisi de s’exprimer directement sur ses comptes, une fois qu’ils ont été rendus publics. C’est ainsi que cela se passe pour les entreprises privées, et c’est ainsi que, désormais, cela se passe pour l’État.

Je rappelle que la France compte parmi les rares pays dont les comptes sont certifiés par un auditeur extérieur, tels le Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie. Cela signifie que les comptes présentés ne souffrent évidemment aucune contestation.

Je me félicite que les comptes de l’année 2009 aient été certifiés par la Cour avec neuf réserves au lieu de douze l’année dernière. C’est une garantie de transparence donnée au Parlement et à nos concitoyens sur la santé financière de l’État. C’est aussi un élément positif dans le climat financier international actuel. C’est enfin, je tiens à le souligner, le résultat d’un travail important mené par l’administration, qui a su nouer un dialogue fructueux avec la Cour des comptes.

Permettez-moi de revenir sur la première des réserves de la Cour, qui porte sur les outils de gestion de la dépense et de la production des comptes.

Pour répondre à cette réserve, l’État, comme vous le savez, a engagé le programme Chorus. Il s’agit d’un projet important de transformation de la fonction financière de l’État. Il a pour but de doter l’État d’un système d’information financière, budgétaire et comptable permettant de mettre en œuvre la LOLF, sans réserves.

En janvier dernier, ce nouvel outil a été déployé auprès de 12 000 agents répartis dans plusieurs ministères. Depuis le mois de juin, Chorus a permis de payer environ 20 milliards d’euros de dépenses. Cependant, nous constatons des retards d’exécution par rapport à l’année dernière. Pour y remédier, un plan d’action est engagé. J’ai demandé que tous les retards soient rattrapés d’ici à la fin de l’été.

Par ailleurs, j’ai demandé que l’estimation du coût du projet soit actualisée et qu’elle soit communiquée à l’occasion du prochain projet de loi de finances, à l’automne prochain. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, il n’y a pas, à ce stade, de dérive. En revanche, une correction doit être proposée.

Le calendrier de l’exécution et du paiement des dépenses sera respecté. Le déploiement dans l’ensemble des ministères doit être terminé le 1er janvier 2011, comme prévu. Quant à la tenue des comptes, elle interviendra en 2012, comme le Premier ministre l’a indiqué à la Cour des comptes dans le courrier qu’il lui a adressé voilà deux mois.

Le deuxième point de mon intervention portera sur la dégradation du déficit. J’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de dégradation structurelle du déficit en 2009. La dégradation des déficits qui est visible dans les comptes de l’Etat est en effet, pour une très large part, liée à la crise.

Les comptes de l’Etat pour 2009 traduisent de façon prévisible les effets de la crise économique. Ils reflètent aussi notre engagement pour soutenir la croissance.

Le résultat budgétaire montre pour 2009 un déficit de 138 milliards d’euros, soit une dégradation de plus de 80 milliards d’euros par rapport à l’année dernière. Il s’agit d’une légère amélioration, d’environ 3 milliards d’euros, par rapport à ce qui était prévu dans la dernière loi de finances rectificative pour 2009. Cette amélioration s’explique par le décalage de certaines dépenses, ainsi que par une légère augmentation des recettes fiscales constatées par rapport au résultat prévisionnel.

Mais la tendance générale de l’année 2009 ne s’en trouve pas pour autant modifiée. Elle se caractérise par une baisse sans précédent des recettes fiscales. Je rappelle à la Haute Assemblée qu’il y a eu une chute de 60 % des recettes liées à l’impôt sur les sociétés, une chute de plus de 30 % des recettes liées aux droits de mutation, consécutive à la baisse du marché de l’immobilier. La TVA s’est également effondrée, preuve du ralentissement de la consommation.

Néanmoins, nous n’avons pas dévié de notre objectif en matière de dépenses ordinaires de l’État. La norme de dépenses a été respectée, hors plan de relance, malgré la situation très difficile liée à la crise, preuve, s’il en fallait une, que notre volonté de contrôler les dépenses est intacte.

Au-delà, nous avons voulu clarifier les relations entre l’État et la sécurité sociale. Pour ce faire, nous avons réalisé un apurement exceptionnel des dettes anciennes de l’État à l’égard des organismes sociaux, pour près de 3 milliards d’euros.

Le résultat comptable montre un déficit de 97, 7 milliards d’euros, qui témoigne de l’effort de l’État en matière d’investissements.

Ce déficit reflète lui aussi, de façon prévisible, les conséquences de la crise sur les recettes – une perte de 35 milliards d’euros, que l’État a acceptée – et sur les dépenses, notamment les transferts opérés vers les ménages, les entreprises et les collectivités pour 13 milliards d’euros. Mais le résultat comptable est moins dégradé que le déficit budgétaire d’environ 40 milliards d’euros.

La raison en est que l’effort de l’État face à la crise s’est concrétisé, pour une très large part, par des investissements et par des opérations financières comme des prêts automobiles ou le fonds stratégique d’investissement. Ces investissements constituent à proprement parler la colonne vertébrale de notre plan de relance.

Ces dépenses entraînent, à terme, un enrichissement de l’actif de l’État. Elles n’ont donc pas d’impact sur le résultat comptable, alors que les décaissements correspondants ont une conséquence sur le résultat budgétaire.

Le troisième point de mon intervention portera sur les résultats de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui ont fait l’objet d’une analyse spécifique.

Nous avons créé une annexe spécifique consacrée au bilan de la RGPP afin de répondre à la demande du Parlement en la matière. Nous allons là encore dans le sens d’un renforcement de la transmission des informations, afin que le Parlement soit pleinement informé, avec le même niveau de précision que le Gouvernement et en temps réel. Seules les mesures entièrement achevées en 2009 font l’objet d’une présentation complète. Au total, cinquante-huit mesures vous sont présentées, soit 15 % d’entre elles.

Parmi ces mesures, la réduction des effectifs de l’État est évaluée à 24 592 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en 2009. Ce résultat est inférieur de 2 878 ETPT au schéma d’emploi prévu en loi de finances initiale. Je vous rappelle que, en 2008, les suppressions d’effectifs avaient été supérieures de 5 300 ETPT aux prévisions de la loi de finances initiale. Par conséquent, sur deux ans, nous avons dépassé nos objectifs de 2 400 ETPT.

Je précise que la plupart des mesures de la RGPP s’étendent sur plusieurs années et généreront progressivement des économies. C’est la raison pour laquelle elles ne figurent pas dans le rapport.

Le rapport rappelle toutefois les principales économies d’ores et déjà réalisées grâce à la RGPP. Vous pouvez ainsi constater que nous avons réalisé en loi de finances initiale pour 2010 près d’un milliard d’euros d’économies sur les politiques d’intervention et environ cinq cents millions d’euros sur les dépenses de fonctionnement. Ce dernier résultat témoigne des premiers effets de la réduction en cours des fonctions support de l’État, comme, par exemple, la rationalisation de la politique des achats de l’État. À cela s’ajoutent les économies liées à la réduction du nombre d’emplois, que l’on peut estimer à environ 800 millions d’euros.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, tels sont les points que je souhaitais vous présenter. Le détail de l’ensemble des comptes se trouve dans les documents budgétaires.

Notre économie est aujourd’hui en convalescence. Cependant, certaines menaces récentes ont récemment pesé sur les pays de la zone euro dont les finances publiques étaient déséquilibrées. C’est pourquoi les exigences qui s’imposent à nous aujourd’hui sont tout aussi impérieuses qu’en 2009, bien que distinctes.

En 2009, l’État a agi de façon responsable pour limiter l’impact de la crise sur notre pays. Dès 2011, il devra faire preuve de responsabilité afin de réduire son déficit en maîtrisant non seulement ses dépenses, mais aussi l’ensemble des sources de dépenses publiques, tout en prenant soin d’accompagner la reprise de l’activité. Ce sera l’objet de mon propos de cet après-midi, lors du débat d’orientation des finances publiques.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui, tout en tirant les conséquences de la gestion de l’année 2009, nous tourner vers l’avenir grâce au débat sur l’orientation des finances publiques qui nous occupera cet après-midi. Cela nous permettra assurément de réaliser une heureuse synthèse des enjeux essentiels auxquels nous sommes confrontés.

La commission des finances, comme chaque année, prend très au sérieux la loi de règlement. Je rappelle d’ailleurs que nous avons ajouté à son intitulé la mention « rapport de gestion » pour l’année écoulée, soit 2009.

Dans le cadre de ce rapport de gestion, nous avons procédé à l’audition de dix ministres et reçu par deux fois le Premier président de la Cour des comptes. Nous avons interrogé les ministres non seulement sur l’efficacité de leur gestion, en conformité avec les principes de la LOLF, mais également sur leur capacité à adapter les structures et les missions de leurs administrations et à faire face à la nécessaire discipline des finances publiques.

De ce point de vue, monsieur le ministre, je pense que nous avons fait tout notre possible pour appuyer vos efforts. Souvent d’ailleurs, au sein de notre système de gouvernement et d’administration, le ministre du budget me paraît trop seul.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Il l’est un peu moins ces derniers temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut en tout cas qu’il sache que la commission des finances du Sénat est à ses côtés dans ce travail de vérité qui est nécessairement le sien, comme il est le nôtre.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui lui mettra du baume au cœur !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Dans ce cadre, il est possible que certains outils fassent encore défaut. Certes, il existe une loi de règlement portant sur la gestion passée, qui clôt l’exécution financière du budget de l’État. Mais jusqu’alors, aucune loi de règlement ne porte sur les engagements pris au titre du programme de stabilité. J’anticipe ici quelque peu sur le contenu de nos débats de cet après-midi.

D’ailleurs, il conviendra de résoudre certaines difficultés techniques pour comparer de façon plus directe et plus simple l’exécution budgétaire aux prévisions initiales. Trop souvent, on persiste à comparer des prévisions à des prévisions, des exécutions à des exécutions, alors que la vérité ne peut être approchée, qu’il s’agisse d’une année ou de plusieurs, qu’en rapprochant une exécution d’une prévision ! La direction du budget le sait pertinemment lorsqu’elle travaille avec les ministères dépensiers. Mais, vis-à-vis de la représentation nationale, l’État devrait s’astreindre de façon bien plus rigoureuse à cette discipline, en particulier lorsqu’il s’agit d’engagements pluriannuels.

Chacun connaît le contexte macroéconomique de l’année 2009, marqué en France par une récession de 2, 6 %. Cela est sensiblement plus faible que pour la plupart des pays de la zone euro, pour n’évoquer qu’eux ; c’est néanmoins la plus profonde récession enregistrée depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2009, le chômage a hélas ! dépassé le seuil des 10 %.

L’un des sujets qui nous mobiliseront bientôt est l’évaluation a posteriori de l’impact du plan de relance. Une quarantaine de milliards d’euros ont ainsi été dépensés, créant des effets d’entraînement sur les investissements publics, assurant le maintien de la solvabilité de nombreuses entreprises, limitant leurs défaillances, même si celles-ci demeurent trop nombreuses. En comparaison avec bien des pays européens, la France a soutenu utilement et au bon moment la trésorerie de ces entreprises, allant jusqu’à leur accorder, en 2010, une réforme extrêmement généreuse de la taxe professionnelle, qui s’est traduite par un abondement de leur trésorerie globale de 12 milliards d’euros.

Le déficit des administrations publiques est évalué par l’INSEE à 7, 5 % du produit intérieur brut. Si l’on observe la ventilation par sous-ensembles, le besoin de financement de l’État a plus que doublé en une année. Il convient de garder cela en mémoire. Le besoin de financement des administrations sociales, jusqu’alors quasi inexistant et inférieur à un milliard d’euros, atteint désormais 24 milliards d’euros.

Il n’existe qu’une seule amélioration, que personne n’a réellement commentée, relative au besoin de financement des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ces pelées, ces galeuses qui font tant déraper la dépense ! Ce besoin de financement est passé de 8, 7 milliards d’euros à 5, 6 milliards d’euros. Reconnaissons qu’il ne s’agit pas là des conséquences d’un comportement vertueux. La Cour des comptes explique cela par un effet de trésorerie rendu possible par le plan de relance et l’anticipation des versements du fonds de compensation pour la TVA.

Notre situation budgétaire est donc caractérisée par un déficit sans précédent de 138 milliards d’euros. Autrement dit, le montant des recettes nettes du budget général n’a représenté en 2009 que 56 % des dépenses nettes, contre 80 % en 2008, année qui est pourtant loin d’être exemplaire en matière d’équilibre budgétaire. Le taux de couverture a donc diminué en 2009, passant de 80 % à 56 %.

Cela est imputable à l’effondrement des recettes, nous le savons. Mais comment expliquer cet effondrement ? Il est dû pour moitié à la conjoncture, pour 15 % à des mesures nouvelles, dont la baisse du taux de TVA dans le secteur de la restauration, et pour 35 % aux mesures fiscales du plan de relance. Ces dernières, monsieur le ministre, se sont révélées bien plus coûteuses que prévu !

Le coût définitif des mesures fiscales du plan de relance pour 2009 s’établit à 16, 7 milliards d’euros, alors que la prévision fournie lors du vote de ce plan était de 10, 3 milliards d’euros. Tant mieux pour la trésorerie des entreprises ! Mais il y a certainement des progrès à faire en matière de qualité de la prévision !

Au demeurant, nous savons aussi que l’année 2009 est caractérisée par une croissance de la dépense fiscale de près de 5 milliards d’euros par rapport à 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais pour tout le monde, cher collègue ! Pour toutes les corporations et catégories d’activités qui ne cessent de vous solliciter, vous comme nous, et que vous défendez au quotidien, de même que nous ! Ce système ne fera qu’accroître la pression de la dépense fiscale, jusqu’au jour où, par vertu ou par nécessité, nous aurons le courage d’en sortir !

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Voilà pour ce qui est des recettes. Qu’en est-il désormais des dépenses ? La dépense de l’État, d’exécution à exécution, progresse de 0, 3 % en volume. On peut donc considérer que l’État est un peu au-dessus de la norme qu’il s’est fixé, mais que cette rubrique est dans l’ensemble tenue. Je regrette toutefois que les économies réalisées et constatées, soit 5 milliards de charges financières en moins, malgré un endettement qui a continué de déraper à vive allure, n’aient pas été consacrées à l’amortissement de la dette. Elles ont en effet été intégralement recyclées en nouvelles dépenses !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous le comprenons fort bien, compte tenu de l’existence de sous-budgétisations, d’ailleurs signalées par notre commission. Au demeurant, les sous-budgétisations étaient plus nombreuses dans les budgets précédents qu’en 2009. Nous avons souvent eu ce débat avec votre prédécesseur, M. Éric Woerth.

En ce qui concerne l’utilisation de ces marges, nous pouvons comprendre et approuver que l’État ait préféré assainir sa situation financière à l’égard de la sécurité sociale. Il serait possible, monsieur le ministre, de faire encore mieux en matière de mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques – c’est une litote – notamment en utilisant davantage, pour piloter la dépense, les indicateurs de performance, sur lesquels nous reviendrons peut-être cet après-midi.

C’est là une remarque que je souhaitais faire. Nous avons consacré beaucoup de temps, d’argent et de réflexions à s’adapter à la présentation budgétaire par missions et programmes et à expliquer à l’ensemble des responsables que leurs actions devaient être mesurables à travers des indicateurs. Quand on examine en détail les documents budgétaires, ces indicateurs ne sont pas toujours renseignés comme ils devraient l’être. Ils ne sont pas suffisamment pris au sérieux.

Même dans le cas où ces indicateurs de performance sont correctement établis, qu’en faisons-nous ? Ne pourraient-ils pas constituer plutôt un guide, afin que la toise soit plus restrictive ou plus généreuse, si tant est qu’une toise puisse être « généreuse »

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Toujours au titre des dépenses, je relève que les dépenses de fonction publique continuent de progresser malgré les baisses d’effectifs. Celles-ci sont importantes, mais elles sont contrebalancées, et bien au-delà, par les effets structurels, par la progression des rémunérations. Alors qu’on économise 800 millions d’euros grâce à la diminution du total des équivalents temps plein travaillé en 2009, le surcoût de la masse salariale prise globalement est supérieur à cette somme.

Permettez-moi de terminer par quelques éléments relatifs à la dette. L’année 2009 illustre véritablement la formule que j’avais proposée à la commission et au Sénat l’an dernier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… c'est-à-dire l’« insoutenable légèreté de la dette publique » !

« Insoutenable », car on ne peut pas continuer ainsi ! Dès lors que l’extérieur nous finance, nous subissons sa loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Et plus l’extérieur, donc les marchés, nous financent, plus ils nous imposent leurs lois et leurs règles.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Et nul ne doit s’en étonner ni s’en indigner !

« Légèreté », car nous avons réalisé une économie de charges financières de 5 milliards d’euros en 2009. D’ailleurs, l’année 2009 se terminait par un large débat sur le grand emprunt, et le Gouvernement a, somme toute, été raisonnable.

Mais, mes chers collègues, souvenez-vous des signataires très allants pour un emprunt de 100 milliards d’euros voilà quelques mois seulement. À présent, c’est passé de mode. Heureusement que les modes sont fugaces et qu’un événement peut en chasser un autre assez rapidement.

En matière de dette, nous avons pu observer que l’encours des bons du trésor à moins d’un an a varié de 76 milliards d’euros, alors qu’on prévoyait 21 milliards d’euros. Jean-Pierre Fourcade analyse tout cela avec beaucoup de persévérance et de finesse pour la commission des finances et il serait encore mieux placé que moi pour vous interroger sur le pilotage politique de telles opérations, monsieur le ministre.

On peut en effet très bien comprendre que l’Agence France Trésor fasse de son mieux pour retenir les bonnes opportunités de marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais la technique est-elle toujours au rendez-vous de la politique ? Accroissant de manière aussi importante la part du très court terme en 2009, n’avons-nous pas sensibilisé à l’excès notre dette ? Cela ne devrait-il pas être davantage sous contrôle ? Je me permets simplement de poser cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au-delà du bilan, il y a les engagements hors bilan, qui ont progressé de 182 milliards d’euros, soit une hausse de 13 %. Nous pouvons d’ailleurs le comprendre, puisqu’il s’agit de l’effet mécanique des décisions que nous avons prises au pire moment de la crise financière, et avec succès, du moins je l’espère. La publication prochaine des tests de résistance des institutions financières françaises nous montrera, j’en suis convaincu, que les dispositions prises à l’époque ont utilement soutenu la solvabilité, puis la croissance de ces groupes.

Au total, et à titre de transition pour nos débats de cet après-midi, retenons simplement qu’il est dangereux d’entretenir en permanence un déficit égal ou supérieur à 3 % du produit intérieur brut. Car, si tel est le niveau de déficit avant crise, il plonge nécessairement très fort en période de crise. C’est ce que nous avons vu s’opérer avec les effets de la conjoncture et du plan de relance.

Et, mes chers collègues, prenons garde de considérer que les 3 %, auxquels nous avons souscrit en toute liberté à un moment donné et qui sont un maximum, ne soient considérés par beaucoup d’entre nous comme un minimum !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exercice 2009 présente un déficit abyssal. En effet, l’exécution budgétaire de 2009 s’est achevée par un déficit de 138 milliards d’euros, soit deux fois et demi celui qui a été constaté en 2008.

Certes, la crise y est, à l’évidence, pour beaucoup. Mais le Gouvernement ne peut pas s’exonérer de sa propre part de responsabilité dans cette situation.

Rappelons-le, la crise n’est pas responsable de tous nos maux. Des choix gouvernementaux antérieurs ont contribué à en aggraver l’ampleur. Disons-le clairement, en persistant à maintenir des mesures controversées votées avant la crise, là où il aurait fallu avoir la lucidité de reconnaître qu’elles n’étaient pas adaptées à la situation économique du pays, vous avez commis une erreur !

J’insiste sur ce point : non seulement certains de vos dispositifs sont injustes socialement et fiscalement, mais ils se sont révélés inefficaces, voire, pis encore, néfastes. Il en est ainsi des nombreux allégements fiscaux consentis en 2007 et 2008, ainsi que du « paquet fiscal », contenu dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, mesures que vous avez voulu à tout prix maintenir.

Résultat, un manque à gagner considérable, qui représente 5, 2 milliards d’euros de recettes en moins du fait des allégements fiscaux et 9, 7 milliards d’euros à mettre sur le compte du « paquet fiscal ». Au total, ce sont près de 15 milliards d’euros qui ont grevé, de manière injustifiée, le budget de l’État.

Pourtant, vous aviez l’occasion de dégager des marges de manœuvre en mettant à plat les niches fiscales et en supprimant le « paquet fiscal ». Cela vous aurait permis de limiter certainement la levée du grand emprunt national de cette année. Mais vous avez fait un autre choix, inspiré par votre volonté, jamais démentie, de préserver une petite minorité de Français aisés. C’est dommage !

Cette responsabilité, vous l’avez également prise au cœur de la crise, en votant de nouvelles mesures fiscales qui grèvent encore plus nos recettes fiscales. Tel est le cas de la baisse de la TVA dans la restauration, dont l’efficacité n’a, au passage, jamais été démontrée. Or ces mesures ont entraîné une baisse des recettes de 1, 4 milliard d’euros. Ces chiffres apportent, à tout le moins, la preuve de votre responsabilité politique dans la dégradation de nos finances publiques, là où vous persistez à vous servir de la crise comme d’un paravent pour justifier tous nos mauvais résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Il y a quand même un effondrement des recettes fiscales !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

D’ailleurs, si la crise était seule responsable du déficit de 2009, comment expliquer son énorme part structurelle ?

En effet, si l’augmentation du déficit en 2009 est principalement due à la crise et aux mesures de relance, la part du déficit structurel est loin d’être négligeable, puisqu’elle s’élève à environ 5 % du PIB en 2009, expliquant ainsi les deux tiers du déficit constaté.

Cela tient non seulement à l’héritage des années d’avant crise, mais également à l’affaiblissement de la croissance potentielle, à la forte croissance des dépenses publiques, même hors plan de relance, et aux mesures de baisse durable des prélèvements obligatoires.

Qui plus est, si le facteur conjoncturel était au centre du problème, les finances publiques françaises devraient se porter mieux que celles des autres pays européens. Or tel n’est pas le cas. Car, alors que la France a bénéficié d’une conjoncture économique moins dégradée que nombre d’autres pays européens, la situation de ses finances publiques est pourtant nettement moins bonne.

En effet, le déficit français a presque autant augmenté en 2009 que le déficit moyen des autres pays européens. Mais cela le porte pourtant à un niveau plus élevé, en volume, que le déficit moyen européen, et ce malgré une récession moins forte et un plan de relance de moindre ampleur.

Dès lors, monsieur le ministre, compte tenu de tous ces éléments, il paraît difficile de continuer à nier les conséquences budgétaires de vos choix politiques.

Pourtant, c’est ce que vous faites lorsque vous affirmez, par exemple, en l’occurrence à tort, que, du fait de « ses qualités », le plan de relance n’aurait « pas eu d’impact » sur le compte de résultat de l’État.

Or la Cour des comptes ne s’y est pas trompée : elle a montré que le plan de relance a pesé tant sur les recettes que sur les dépenses, en réduisant les premières de 16, 3 milliards d’euros et en augmentant les secondes de 15, 7 milliards d’euros. Mais surtout, et j’y viens, si le plan de relance ne pèse pas, à vos yeux, sur le compte de résultat de l’État, c’est bien parce que vous l’avez expressément sorti du périmètre de la norme de dépenses.

En effet, par une interprétation biaisée de la fameuse « norme de dépenses », à l’aune de laquelle est mesurée la qualité d’exécution de nos comptes publics, vous entachez ce débat budgétaire d’insincérité.

Depuis maintenant six ans, l’augmentation des dépenses de l’État fait l’objet d’un dispositif d’encadrement, la « norme de dépenses ». L’État affiche ainsi un objectif de progression limité à l’inflation anticipée, afin de viser une stabilité en volume des dépenses publiques.

Or vous vous targuez d’avoir respecté cette norme. Mais c’est parce que vous avez pris de très nombreuses libertés quant aux dépenses entrant dans le cadre du « zéro volume ». Vous avez ainsi mesuré l’évolution des dépenses… hors plan de relance ! Or nous avons vu à quel point celui-ci avait pesé sur les dépenses publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

Vous aviez fixé le plafond des dépenses à 348, 2 milliards d’euros. En comptant les dépenses du plan de relance, vous l’avez largement dépassé.

L’accroissement des dépenses en volume, avec plan de relance, a été de plus 4, 4 %, pour une prévision de 3, 9 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

Nous voyons bien que, si la norme de dépenses est prétendument « respectée », c’est au prix de quelques contorsions.

Ces contorsions vous amènent, en outre, à exclure certaines dépenses du périmètre de la norme, à l’encontre du principe budgétaire d’universalité, auquel vous prétendez pourtant vous conformer.

Il s’agit notamment des dépenses des comptes spéciaux qui représentent 109 milliards d’euros en 2009. Si l’on tient compte du solde de ces comptes, fortement dégradé cette année 2009, les dépenses nettes de l’État ont largement dépassé la norme du « zéro volume » et progressent même de 7, 7 % par rapport à 2008, soit une augmentation de 21, 5 milliards d’euros.

J’en viens maintenant aux dépenses fiscales, également sorties de la norme de dépense. Qui ignore que certaines de ces niches fiscales jouent parfois le rôle de subventions directes de l’État, sans pour autant apparaître dans son budget ? Tel est le cas du prêt immobilier à taux zéro.

Vous n’avez d’ailleurs même pas respecté l’objectif fixé en loi de finances initiale pour ces dépenses fiscales. Le Gouvernement avait fait voter un plafond correspondant à une augmentation de 4, 8 % par rapport à 2008. Mais ce dernier a largement été dépassé, car les dépenses fiscales ont augmenté de 6, 2 % en un an. Or, quoi qu’on en dise, les dépenses fiscales sont assimilables à des dépenses budgétaires. Par conséquent, elles devraient être intégrées au périmètre de la norme de dépenses.

Il est une autre petite manipulation à laquelle le Gouvernement s’est livré : il utilise certains opérateurs de l’État pour financer des opérations budgétaires, ce qui permet de comptabiliser ces dépenses à l’extérieur du budget de l’État, rendant plus difficile l’appréciation que la Cour des comptes et le Parlement peuvent en faire.

De même, le financement des « primes épargne logement » – 700 millions d’euros en 2009 – est comptabilisé à l’extérieur du budget par le truchement d’une avance rémunérée souscrite auprès du Crédit foncier de France.

Peut-on parler encore de sincérité ? Je rappelle pour mémoire que les documents budgétaires et comptables de l’État sont censés retracer l’ensemble des financements mobilisés au cours de l’exercice, y compris ceux qui sont mis en œuvre par l’intermédiaire de dispositifs extrabudgétaires.

Il est difficile, dans ce contexte, d’appréhender correctement le solde budgétaire présenté dans ce projet de loi de règlement : nous en avons une vision partielle parce que vous en donnez une interprétation partiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Angels

À ces oublis, s’ajoutent les reports de charge sur l’exercice suivant : il s’agit des dépenses qui auraient dû être payées au titre de l’exercice 2009, mais qui sont reportées sur l’année suivante. Bien qu’en diminution par rapport à 2008, ces dépenses représentent tout de même un minimum de 2, 6 milliards d’euros.

Pourtant, la pression sur les dépenses a été moins forte que les années précédentes.

En effet, l’inflation constatée de 0, 1 % a été très inférieure à l’hypothèse en loi de finances initiale, soit 1, 5 %. Par conséquent, contrairement à 2008, l’exécution de 2009 a connu une moindre pression sur les dépenses en valeur, ce qui constitue un environnement plutôt apaisé. Or les dépenses de l’État ont continué d’augmenter depuis la mise en place de cette norme en 2004.

C’est pourquoi nous déplorons le long chemin – les magistrats de la rue Cambon l’ont bien remarqué – qui nous sépare d’une procédure budgétaire enfin exemplaire. La Cour des comptes a en effet assorti la certification des comptes de la nation d’un certain nombre de réserves.

Je ne reviendrai pas sur l’impérieuse nécessité qu’il y a à redéfinir le périmètre de la norme de dépenses ou à mieux contrôler la prolifération des niches fiscales. Mais parmi les points soulevés par la Cour, j’en retiens trois qui me paraissent décisifs pour améliorer la qualité de l’action et du contrôle parlementaire.

Tout d’abord, l’examen de l’exécution des comptes de 2009 montre, une fois encore, l’importance des cas, pourtant prévisibles, de sous-budgétisation de certaines missions. Nous ne cessons de le déplorer : en persévérant dans la sous-estimation budgétaire, les principes d’unité et de sincérité budgétaires se voient remis en cause.

En effet, monsieur le ministre, vous êtes contraint, en raison de cette sous-budgétisation, de demander des ouvertures complémentaires de crédits au cours de l’année d’exécution de la loi de finances. Or cela ne permet pas un contrôle serein et transparent de la réalisation des comptes de l’État.

De nouveaux crédits ont ainsi été ouverts, soit par décret d’avance – 835 millions d’euros au moins en crédits de paiement –, soit dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009 de fin d’année, à hauteur de 1, 39 milliard d’euros. À cet égard, le nombre particulièrement élevé de collectifs budgétaires en 2009, mais aussi en 2010, témoigne d’une anticipation médiocre de la conjoncture économique, comme je le soulignais au début de mon propos.

Cela n’est pas tout. Le contrôle parlementaire reste entravé par un accès encore insuffisant aux informations financières et comptables de l’État. En régime LOLF, le parlementaire est autant législateur que contrôleur de l’action gouvernementale. Les sénateurs entendent jouer pleinement leur rôle irremplaçable de contrôle de l’action publique. Pour cela, nous avons besoin d’outils adaptés : la refonte et l’adaptation des systèmes d’information sont pour nous une exigence forte si l’on veut parvenir à une exécution plus juste et plus transparente des comptes de l’État.

Or, cette année encore, le Gouvernement ne nous donne pas les moyens de cette ambition. À cet égard, le calendrier de mise en œuvre du prologiciel Chorus, qui doit servir de cadre à la comptabilité générale de l’État, a déjà dû être reporté. Ce retard coûte cher et ne facilite pas le travail des parlementaires. Notre mission de vérification et d’appréciation des comptes reste limitée. Il en est de même des dispositifs ministériels de contrôle et d’audit internes qui sont aujourd’hui insuffisants.

Ces remarques peuvent paraître techniques. Elles répondent pourtant à un objectif essentiel : celui de redonner au parlementaire toute la place qui lui revient dans la procédure budgétaire.

Enfin, la dette publique, en raison de son poids considérable, doit faire l’objet d’une gestion plus responsable et de plus long terme.

Vous vous targuez, monsieur le ministre, d’avoir fait baisser la charge de la dette. Certes, elle a diminué grâce à la baisse des taux d’intérêt. Mais le Gouvernement s’est laissé aller à un choix dangereux : il a choisi d’emprunter de manière croissante à court terme et dans des proportions supérieures à la couverture des variations infra-annuelles du compte du Trésor. En effet, le besoin de financement sans précédent auquel l’État a dû faire face en 2009, à hauteur de 246, 2 milliards d’euros, soit deux fois plus que la moyenne des années 2002 à 2007, a été couvert par l’endettement. Si, dans une pure vision de court terme, cette croissance de la dette a pu représenter un avantage en 2009, elle est dangereuse à plus long terme, car elle présente un double écueil : d’une part, elle renforce la sensibilité de la charge de la dette de l’État à une remontée des taux d’intérêt, qui est inévitable compte tenu de leur niveau actuel ; d’autre part, elle réduit pour partie la portée de l’autorisation parlementaire prévue par la LOLF, qui ne porte explicitement que sur la dette à moyen et long termes.

Je conclurai en rappelant l’éthique qu’exige la période particulière que nous traversons. L’attention portée aux critiques sur ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 est d’autant plus nécessaire et attendue que le contexte économique actuel ne nous laisse pas le loisir de tâtonner encore davantage dans la gestion budgétaire et financière.

Dès lors, sans nier l’ampleur de la présente crise économique, la responsabilité qui vous incombe en tant que détenteurs du pouvoir exécutif voudrait que vous regardiez au-delà du seul facteur de la crise pour assumer les aspects biaisés, voire sciemment injustes, de votre gestion budgétaire et que vous en tiriez les conclusions qui s’imposent.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. François Fortassin et Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’année 2009 fut une année particulièrement difficile, une annus horribilis selon la vieille expression romaine, tant pour la croissance française que pour nos finances publiques.

Le budget initial avait alors été bâti sur une prévision de croissance relativement irréaliste de 1, 5 %. Trois lois de finances rectificatives ont été votées en cours d’exercice et elles ont sciemment majoré les prévisions de recettes alors que la crise économique se propageait dans le monde entier. À la même époque, la Cour des comptes soulignait le risque d’emballement de la dette et celui d’un mauvais positionnement de la France par rapport à ses partenaires européens. La caractéristique la plus importante de ce ralentissement économique a été la contraction de l’investissement des entreprises, qui a diminué de 7, 7 % après avoir augmenté de 2, 4 % en 2008, et la forte poussée du chômage à 9, 6 % des actifs, soit 2, 7 millions de personnes. Le chômage atteint ainsi un niveau record !

Le déficit public atteint 7, 5 % du PIB en 2009, contre 3, 4 % en 2008, soit plus du double ! Quant à la dette publique, elle a atteint 1 489 milliards d’euros en 2009, soit 77, 6 % du PIB contre 67, 5 % un an auparavant. L’année 2008 était pourtant déjà une année record. Une telle plongée en un an ne s’était encore jamais vue.

La situation est de plus en plus inquiétante. Non seulement la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement a dégradé de façon historique les comptes publics, mais, en plus, elle s’est révélée totalement inefficace pour sortir le pays de la crise.

Selon la Cour des comptes, le déficit public et la dette ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, alors même que la récession a été un peu moins violente en France que dans le reste de l’Europe.

Loin de mettre en place des outils efficaces de redressement, le Gouvernement s’évertue à faire ce qu’il connaît le mieux, à savoir communiquer. Les effets d’annonce se multiplient ; les résultats ne sont toujours pas au rendez- vous. C’est ainsi qu’en septembre 2008 Mme Christine Lagarde annonçait qu’elle allait plafonner les niches fiscales pour que chaque Français contribue selon ses moyens à la couverture des charges publiques. Tout le monde devait adhérer à ce principe. Or, en juillet 2010, nul ne sait encore ce qu’il adviendra des dizaines de niches fiscales qui coûtent autant à la collectivité qu’elles rapportent aux quelques privilégiés qui en profitent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Le mécanisme pervers des dépenses fiscales n’est toujours pas enrayé. Selon la Cour des comptes, les dépenses fiscales à périmètre constant et hors plan de relance ont encore augmenté de 4, 7 milliards d’euros en 2009, soit 6, 2 %, ce qui représente la même progression que celle constatée depuis six ou sept ans : grosso modo, elles augmentent de 5 milliards d’euros tous les ans.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le ministre, depuis trop d’années, le Gouvernement et le Président de la République pratiquent de façon excessive la politique de l’effet d’annonce. Ce dernier n’avait-il pas appelé en 2008 à moraliser le capitalisme dès 2008 ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Aujourd’hui, les paradis fiscaux existent toujours…

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… et les dernières révélations de la presse sur de supposés financements occultes via la Suisse ne donneront pas tort à tous ceux qui s’estiment déçus par les promesses politiques et fiscales non tenues depuis 2007.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Quel amalgame !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Pour déterminer sa stratégie budgétaire, le Gouvernement mise sur un taux de croissance de 2, 5 % entre 2011 et 2013. À ce propos, je citerai un passage du tout récent rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Selon la Cour des comptes, « si l’on retient une évolution légèrement moins soutenue de la croissance, de l’ordre de 2, 25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, qui est déjà très favorable compte tenu d’une croissance potentielle qui est plutôt de 1, 8 % ; et si l’on prolonge l’évolution tendancielle des dépenses constatées ces dernières années, le déficit public dépasserait en 2013 les 6 % du PIB et la dette atteindrait 93 % de la richesse nationale, soit plus de 2 000 milliards d’euros ».

Or c’est la crise économique et financière internationale qui a révélé les faiblesses structurelles des finances publiques françaises. La Cour des comptes estime que 24, 3 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales lui sont imputables, ainsi que 2, 6 milliards d’euros de pertes de recettes non fiscales. Au total, ces 27 milliards d’euros représentent 20 % du déficit. On pourrait faire intelligemment et équitablement des économies : c’est dur, mais c’est possible. Par exemple, ne serait-il pas temps de remettre à plat tout notre système d’exonération sociale, notamment en réduisant, voire en supprimant celles qui sont payées par les industries qui font de gros profits ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Sur 42 milliards d’euros de pertes sociales, il serait possible, à ce titre, d’économiser quelques milliards d’euros par an, ce qui serait entièrement compatible avec une politique active de l’emploi.

Enfin, l’opportunité du maintien du bouclier fiscal est de plus en plus contestée : à un moment où le chômage augmente de manière préoccupante, est-il concevable qu’une minorité de nos compatriotes, dont les revenus se situent très largement au-dessus du revenu moyen des Français, puissent bénéficier d’un tel avantage fiscal, ressenti comme une profonde injustice ? Au vu des circonstances économiques exceptionnelles que vivons, il serait sans doute bien venu de suspendre ce système, afin de réconcilier équité fiscale et justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il ne s’agit pas de s’engager sur une voie dangereuse, mais sur une voie audacieuse !

Dans ce contexte de récession généralisée, ce sont la réactivité et la capacité de proposition qui comptent et ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2009 ne garantit absolument pas la relance économique ni la justice sociale : il confirme en revanche l’ampleur des dégâts.

À ce sujet, nous pouvons proposer quelques remèdes pour les années à venir, et cela en vertu d’une position politique beaucoup plus que technique. En effet, faut-il le rappeler, les radicaux de gauche – ou du moins leurs prédécesseurs ! – sont à l’origine de l’impôt progressif sur le revenu…

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Vous nous ramenez en 1913 !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Joseph Caillaux fut aussi un éminent président de la commission des finances du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Quelques pistes de réflexion mériteraient d’être étudiées, car elles nous permettraient sans doute d’accroître les recettes.

Premièrement, nous constatons, depuis trente ans, que l’écart des revenus entre les Français les plus démunis et les plus riches, au lieu de se resserrer, s’est élargi. Ne conviendrait-il pas de se demander comment faire en sorte que l’éventail se referme quelque peu ? Et ce n’est pas qu’une question d’affichage : c’est aussi affaire de justice sociale !

Deuxièmement, il faut peut-être s’attaquer à ce que j’appellerai l’enrichissement sans cause. Prenons l’exemple d’un propriétaire foncier qui vend quelques hectares de terres : s’il les vend comme terrains agricoles, le mètre carré vaut 1 euro ; mais si, à la faveur de l’adoption d’un document d’urbanisme, ces terrains deviennent constructibles, ils pourront être vendus au prix de 60, 80 ou 100 euros le mètre carré, voire plus ! Qu’a fait ce propriétaire pour bénéficier d’une telle plus-value ? Rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si, il est allé voir son maire !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Voilà pourquoi je parle d’enrichissement sans cause. Ne serait-il pas judicieux, dans un tel cas, de prélever une surtaxe importante ?

Troisièmement, nous connaissons le cas de nombreux artistes, sportifs ou autres personnalités qui profitent des conditions de vie qu’offre notre pays – y compris de notre système de santé ! – tout en résidant à quelques kilomètres de nos frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Leurs ressources proviennent généralement de la France. Serait-il anormal d’envisager de les taxer ? Ouvrons au moins le dossier !

Enfin, beaucoup de Français, sont très diplômés, voire surdiplômés ; je pense notamment aux chercheurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Une taxe sur les diplômes… Il fallait y penser !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Attendez que j’aie terminé, monsieur le rapporteur général !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Suivez-la, mais ne la précédez pas !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Un certain nombre d’entre eux partent monnayer leurs talents à l’étranger, alors qu’ils ont reçu une formation longue et coûteuse, le plus souvent financée par les deniers publics. Il n’est pas question de les empêcher d’aller travailler à l’étranger, mais serait-il déraisonnable de considérer que, sur trente et quelques années de vie professionnelle, ils doivent en passer dix en France, sous peine de devoir rembourser la formation qu’ils ont reçue ? Une telle mesure n’aurait rien de révolutionnaire et serait assez bien perçue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais elle serait contraire aux règles de l’Union européenne. Or vous êtes un grand Européen !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

À ma connaissance, il n’y a que dans le foot qu’on applique ce système !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Les centres de formation du football le font, ceux du rugby aussi, sans contrevenir aux règles européennes, monsieur le rapporteur général ! Mais peut-être n’êtes-vous pas familier du « paramètre rebondissant » et « aléatoire » s’agissant du ballon de rugby !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq.