Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je souhaite signaler que les Verts sont tout à fait favorables à l'opposabilité du droit au logement. Ce texte est une victoire pour tous les acteurs concernés et l'ensemble des associations qui se sont mobilisés dans ce sens. L'État reconnaît en effet son devoir impérieux de loger ceux qui ne peuvent pas accéder seuls au logement, devoir assorti d'une obligation de résultat et d'un calendrier et permettant aux personnes lésées de saisir le tribunal administratif pour faire condamner la puissance publique. Bref, nous aurions pu voter de manière consensuelle un texte historique « à la Ferry », comme l'a dit M. le ministre.
Hélas, nous ne pouvons pas mentir à nos concitoyens : ce texte est un leurre. Comme l'a répété ce matin la Fondation Abbé-Pierre, qui a fait la présentation de son rapport annuel - sans l'abbé - ce projet de loi est vide, en dépit de quelques amendements ayant permis une petite avancée, comme celui qui a trait à l'hébergement minimum obligatoire.
Ce projet de loi est vide, car l'opposabilité du droit au logement qu'il prévoit ne sera pas effective. En effet, le parcours du combattant du mal-logé à la recherche d'un toit s'apparente à un véritable labyrinthe. Le schéma de la commission des affaires économiques censé résumer ce dispositif parle de lui-même : c'est infaisable, inapplicable. Les pièges et les chausse-trappes sont innombrables. On veut nous faire trier les plus pauvres parmi les pauvres, les plus exclus parmi les exclus.
Les commissions de médiation prévues depuis 1998 n'existent pas partout et sont même encore rares ! Ces instances pourront écrémer les personnes justifiant d'une priorité non urgente, sans aucun critère précis, sans délai de réponse, sans motivation écrite et sans possibilité de recours, ce qui me laisse assez pantoise !
Ces commissions pourront également orienter les demandeurs vers un simple hébergement qui ne permet pas de sortir de la précarité. Le droit au logement se transforme alors en simple droit à l'hébergement. On peut même se poser la question suivante : à quand le droit à la tente opposable ?
Seul le contingent préfectoral sera mobilisé pour loger les demandeurs alors qu'il aurait pu être renforcé par le contingent patronal, celui du bailleur, des collectivités locales, le parc privé conventionné et même les locaux vacants réquisitionnés.
Enfin, si le demandeur, à la fin de ce parcours semé d'embûches, parvient à obtenir gain de cause devant le tribunal administratif, l'État pourra avoir à verser une astreinte, dont on ignore le montant, à un fonds régional qui n'a rien à voir avec la personne en difficulté, ce qui n'aidera pas celle-ci à se reloger, même de manière précaire. Avec une telle absence d'incitation à faire respecter ces droits vides, on peut parier que les tribunaux ne seront pas engorgés de mal-logés.
Bref, en dépit de l'adoption de quelques amendements, ce projet de loi n'est, en réalité, que de la poudre aux yeux, plus une opération médiatique que l'affirmation du droit effectif au logement.