Je m'attache plus aux courants de pensée qu'aux appareils.
Il faut construire des logements, c'est ce que prévoit la loi de programmation pour la cohésion sociale que nous avons votée, et c'est très bien. Mais il faudra construire aussi en fonction des besoins réels. Or nous craignons que trop peu de logements très sociaux soient construits, c'est pourtant de ces logements-là que nous aurons besoin. Nous avons présenté des amendements dans ce sens ; ils n'ont malheureusement pas été retenus.
Mais cela n'est valable que pour le moyen et le long terme. Dans l'immédiat, que faire ? Le projet de loi contourne le problème en ne distinguant pas assez « droit au logement » et « droit à l'hébergement » ; nous le déplorons. Une telle confusion - mais en est-ce une ? - pourrait le vider de sa substance et le rendre incantatoire. C'est un véritable risque.
Sur le fond, reste la question délicate de la relation entre droit au logement opposable et responsabilité des communes.
La solution de dissocier l'action d'attribution du contingent préfectoral en cas de délégation et la responsabilité liée à cette action, adoptée par le Sénat sous l'impulsion de la commission des affaires sociales, est meilleure que celle qui nous était proposée au départ. La première mouture du texte aurait dissuadé les collectivités d'accepter la délégation du contingent préfectoral.
La nouvelle rédaction est meilleure, mais elle constitue une curiosité juridique et elle sera certainement de nature à ne pas beaucoup améliorer les relations, déjà parfois très tendues, entre les mairies et les préfectures. Les préfets, après avoir vu la responsabilité de l'État engagée, pourront se retourner contre les communes. Ne voit-on pas là se profiler une recentralisation de la politique du logement ? Dans l'affirmative, la seconde étape de la décentralisation aurait vite fait long feu...
Ce texte pose un autre problème et non des moindres : celui de la mixité sociale. En créant un public de « super-prioritaires », ne risque-t-il pas d'engendrer l'émergence de nouveaux ghettos de personnes en difficulté ?
L'impératif de mixité sociale devra toujours être respecté dans l'attribution des logements. Malheureusement, le projet de loi, telle qu'il se présente, ne la garantit pas suffisamment à nos yeux, mais la loi ne peut pas tout faire.
En outre, nous nous réjouissons que les travaux du Sénat aient pu améliorer le projet de loi à propos de l'accompagnement des titulaires du droit au logement. C'est là un point fondamental. Lorsque l'on se trouve en état d'exclusion, on ne connaît pas ses droits ni les moyens de les faire valoir. De plus, chacun doit avoir droit à un traitement différencié car tout le monde n'est pas en état d'occuper un logement normal sans un accompagnement spécifique. Sur cette question, les travaux de notre Haute Assemblée ont été fructueux.
La rapidité d'élaboration de ce texte pourrait peut-être mettre en question sa pertinence et son effectivité. Toutefois, dans son immense majorité, le groupe UC-UDF le votera, parce qu'il constitue une avancée juridique, mais nous resterons extrêmement vigilants pour qu'il ne reste pas une coquille vide.