Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 73 bis du règlement du Sénat.
Allons-nous pouvoir débattre au sein de notre assemblée de la recommandation de la Commission européenne relative à l'adhésion de la Turquie ?
Hier, le Premier ministre a donné, à l'Assemblée nationale, une lecture partielle de l'article 88-4 de la Constitution. Selon son interprétation, le Parlement ne pourrait être saisi de cette question parce qu'il revient au Président de la République, d'après la lettre et l'esprit de nos institutions, de négocier et de ratifier les traités.
Jusqu'à quand considérera-t-on que les questions européennes relèvent uniquement de la politique internationale, et donc de la compétence exclusive du chef de l'Etat, alors qu'elles ont évidemment des implications dans le domaine intérieur?
Le Premier ministre, improvisant quelque peu, je crois, a lu une partie seulement de l'article 88-4 de la Constitution. Il en a cité la première phrase : « Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative. »
Mais il a oublié de citer la seconde phrase du premier alinéa : « Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne. »
« Il peut », cela signifie qu'il s'agit d'un droit du Parlement. Dans ce cas, le Sénat pourrait voter une résolution - acte sans nature législative, mais avec une portée politique -lui permettant d'exprimer son sentiment sur cette recommandation.
Le président du Sénat a mentionné hier, dans son discours, la volonté de revaloriser le rôle du Parlement et en particulier de permettre au Sénat de se saisir de toutes ces questions. Il y a donc là matière à appeler l'attention du président du Sénat. L'esprit de la Constitution, du régime parlementaire, c'est que le Parlement contrôle l'action du Gouvernement, y compris dans le domaine européen.
Il reste à savoir, mes chers collègues, si nous sommes la Haute Assemblée, comme le souhaite notre président, ou une assemblée secondaire !
Je demande donc que le Sénat puisse s'exprimer sur cette question et que ce débat soit bien évidemment sanctionné par un vote.