Intervention de Yves Dauge

Réunion du 13 octobre 2004 à 15h00
Simplification du droit — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Yves DaugeYves Dauge :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je pense que nous pourrions nous accorder, au moment où nous abordons la discussion de ce projet de loi, sur la nécessité d'élaborer tous ensemble, de manière générale, des lois simples : cela nous épargnerait d'avoir par la suite à habiliter le Gouvernement à simplifier le droit par voie d'ordonnance ! Car il y a tout de même là un paradoxe. Ne pourrions-nous pas décider, une fois pour toutes, de faire un droit simple ? Tout le monde le demande !

Il est assez choquant de voir le Gouvernement et le Parlement travailler ardemment à élaborer des textes dont on dit rituellement qu'ils ont été enrichis par le débat parlementaire, améliorés par les amendements qui ont été adoptés, et d'entendre, quelque temps après, le Gouvernement nous rappeler à l'ordre, nous expliquer qu'il faut mettre de la cohérence dans notre législation et recourir pour ce faire à la procédure malgré tout un peu brutale des ordonnances.

Par principe, je défends toujours les services, mais reconnaissons qu'eux aussi aiment bien se simplifier la vie !

Nous sommes vraiment face à une contradiction qu'il faudrait au moins tendre à résoudre, de manière que ces ordonnances, qui agacent manifestement les parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, restent vraiment exceptionnelles, conformément à l'esprit de l'article 38.

Aujourd'hui, les maires se donnent énormément de mal pour, au-delà des institutions, faire progresser les pratiques démocratiques dans leur commune, pour faire vivre leurs projets à travers un débat permanent avec les associations, ce qui les conduit souvent à modifier leurs propositions initiales. Ainsi, des progrès fantastiques sont accomplis dans nos collectivités pour la promotion de ces comportements démocratiques qui nous ont beaucoup manqué dans notre pays. Eh bien ! j'ai le sentiment que l'écart est considérable entre la vision que nos concitoyens ont de leur maire, l'appréciation très favorable qu'ils portent sur les élus municipaux, la pratique démocratique locale, et le scepticisme très profond que leur inspire le travail législatif accompli dans les deux assemblées par les parlementaires et le Gouvernement.

Je me permets donc de vous soumettre cette autre interrogation, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'écart qui se creuse entre démocratie locale et pratiques institutionnelles nationales.

Je souhaite maintenant vous présenter quelques observations sur le fond.

S'agissant du patrimoine, un rapport a été établi par des gens tout à fait sérieux, et beaucoup des propositions qu'il contient - j'allais dire : presque toutes - pourraient recueillir notre assentiment. Lorsque le rapport Bady avait été remis, on nous avait annoncé une grande loi sur le patrimoine. Pourquoi pas ? Mais, finalement, nous retrouvons ce dossier dans les ordonnances sans que nous ayons été informés des suites que l'on entendait donner au rapport Bady ni de ce revirement plutôt brutal !

Sur cette question du patrimoine, un certain nombre d'interrogations ne sont pas levées : que transfère-t-on aux collectivités, et dans quelles conditions ? Qui paie quoi ?

Vous le savez, actuellement, la situation des crédits de paiement relatifs aux monuments historiques est terriblement critique. Tous ceux de nos collègues qui sont un peu au fait de ces choses pourraient confirmer que bien des chantiers de monuments historiques ont été arrêtés faute de crédits : on a supprimé des reports et, si les autorisations de programme sont prétendument en augmentation, les crédits de paiement sont ensuite annulés. Or les transferts se font sur la base des crédits que l'Etat a consommés lors du dernier exercice. Croyez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, les maires et les conseils généraux suivent de très près l'évolution de cette situation financière.

Cette question ne peut pas être ne peut être séparée de celle des ordonnances. Nous sommes confrontés à des demandes pressantes des élus locaux dans le domaine du patrimoine, qui est pour eux une source de grave inquiétude.

Toujours à propos du patrimoine, j'évoquerai aussi la fameuse loi Malraux, loi emblématique s'il en est en la matière. Si la gauche s'était permis de réformer cette loi par ordonnance, vous vous seriez tous, chers collègues de la majorité, élevés avec solennité contre cette attitude. Or c'est bien ce que le Gouvernement veut faire, avec une désinvolture proprement stupéfiante !

Il existe une commission nationale des secteurs sauvegardés ; elle n'est même pas informée ! Il existe une association des élus des secteurs sauvegardés ; ils ne sont pas plus informés !

Si vous prenez contact avec des maires qui ont des secteurs sauvegardés sur leur territoire - il y en a une centaine -, ils vous diront certes que, sur deux ou trois points, ils sont d'accord avec les propositions qui sont faites. Mais, dans le fond, la plupart de ces maires, sinon tous, ne demandent pas grand-chose : ils souhaitent que, pour l'essentiel, la loi Malraux reste inchangée. En tout cas, ils comprendront mal que l'on puisse, par ordonnance, toucher à un tel monument législatif sans même leur en parler. C'est cela qui est choquant !

Je veux bien qu'on transforme une commission locale du secteur sauvegardé en commission permanente. Pourquoi pas ? Soit dit en passant, il ne s'agit pas vraiment de simplification puisque, à l'heure actuelle, cette commission disparaît dès lors que le plan est approuvé. Si elle devient permanente, où est la simplification ?

Cela étant, pourquoi, avant d'envisager une transformation de la commission locale des secteurs sauvegardés, ne pas prendre la précaution d'en parler avec les élus qui mettent en application le plan de sauvegarde ?

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce type de démarche recueillera difficilement l'adhésion non seulement des élus, mais aussi de tous les professionnels qui croient au patrimoine ?

Pourquoi une telle brutalité, un tel manque de relations avec les gens concernés par les dossiers ?

Le Gouvernement aurait tout à gagner à prendre un peu de temps : transformer la loi Malraux n'est pas urgent ! Cette loi mérite d'être transformée par la voie législative, après discussion avec les maires travaillant sur ce sujet, et ne doit pas l'être par le biais d'une ordonnance. Je vous le dis : plus que le fond, la méthode employée me choque.

Je dirai à présent un mot sur l'urbanisme.

S'il me paraît excellent que les propositions relatives à l'urbanisme aient pour objet principal de faciliter l'instruction des permis de construire et les relations des usagers avec les services, en revanche, je déplore que certaines dispositions visent à raccourcir le délai d'instruction.

En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure actuelle, tous les maires se plaignent de la trop grande longueur des délais d'instruction, notamment de la part des DDE, mais savez-vous pourquoi ? C'est parce qu'il n'y a plus de personnel dans les DDE pour faire le travail. Ce n'est donc pas une ordonnance qui va régler le problème.

Il faut le dire clairement : l'opération qui consiste à modifier le mécanisme d'instruction des permis, à raccourcir les délais, c'est-à-dire à travailler avec plus de personnes pour aller plus vite, va, à coup sûr, entraîner un transfert de charges sur les communes. Tout le monde le sait.

Aux termes des dernières lois de décentralisation - le Sénat s'était d'ailleurs inquiété de cette disposition - il sera malheureusement demandé aux communes de plus de 10 000 habitants de payer les DDE. Il est bien joli d'annoncer que les délais seront plus courts, mais grâce à quel personnel ? Et comment les plus petites communes pourront-elles payer ?

Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, comme M. le ministre tout à l'heure, nous avez dit que toutes ces réformes étaient liées à la réforme de l'Etat. Fort bien ! Toutefois - je me permets d'insister - c'est non pas la réforme de l'Etat qui est en cause, mais l'incapacité des services de l'Etat, dans les conditions actuelles, à exercer non seulement leurs missions, mais aussi celles que vous leur assignez en sus, puisque vous leur demandez d'être plus rapides.

Je veux bien qu'ils soient plus rapides, mais comment vont-ils faire ?

Vous êtes confronté là à un problème de relations avec les élus, et ce n'est pas de la politique politicienne, c'est l'absolue réalité.

Ne nous parlez pas de réforme de l'Etat, s'il vous plaît, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de l'état des services de la direction départementale de l'équipement dans la plupart de nos départements ! Mes collègues savent de quoi je parle.

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