Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais revenir sur certains éléments que j'ai présentés lors de la discussion générale. La question du patrimoine mérite en effet une attention particulière.
Il m'avait semblé un moment que le Gouvernement. avait une ambition concernant la sauvegarde du patrimoine. M Aillagon avait annoncé une loi sur le sujet.
Nous avons longuement discuté, dans des lois précédentes, des transferts prévus. Les élus sont inquiets car, s'agissant du financement, ils ne reçoivent pas les réponses qu'ils souhaiteraient. A ce propos, j'ai rappelé tout à l'heure la situation critique que l'on connaît dans beaucoup de départements où des chantiers sont interrompus.
Ces situations, vécues par les élus et les propriétaires de monuments classés, semblent montrer que le Gouvernement se désengage fortement en matière de financement des monuments historiques. Cela ne facilite pas l'exercice d'ordonnances dans lesquelles d'autres responsabilités, d'autres éléments touchant au patrimoine vont être proposés aux élus et aux propriétaires de ces monuments.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Nous aurons l'occasion d'en parler au ministre de la culture. On a supprimé des reports. On a joué en cours d'année sur les crédits de paiement. Les augmentations budgétaires annoncées pour l'année qui vient ne suffiront pas à combler les retards. C'est mon avis, et il est partagé par nombre de personnes que je consulte.
Nous sommes donc dans une situation tendue, dans un contexte extrêmement inquiétant à moyen terme, pour l'année 2005 au moins, pour ce qui est de la gestion du patrimoine.
Par ailleurs, il existe de fortes interrogations concernant l'organisation des services. On a évoqué un rattachement des services départementaux d'architecture et d'urbanisme aux directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Ces services deviendraient des antennes des DRAC. Monsieur le secrétaire d'Etat, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure : tout le monde est d'accord pour réformer l'Etat. Cette réforme ne doit néanmoins pas consister à démobiliser les services, à les perturber. Or c'est malheureusement le cas. Cette situation n'est pas favorable à l'exercice des ordonnances, procédure que nous contestons.
Tout cela nous inquiète beaucoup.
Comme je l'ai reconnu précédemment, j'ai fort peu de critiques à formuler concernant les propositions de M. Bady. Je serais même favorable à certains projets complémentaires à ces propositions, pour autant que je les connaisse.
L'Etat possède des prérogatives fortes en matière de politiques du patrimoine. Je ne voudrais surtout pas qu'à travers ces ordonnances les prérogatives de l'Etat soient menacées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous prendre ce soir l'engagement clair que nous ne toucherons pas aux prérogatives de l'Etat en matière de protection des monuments historiques et de gestion des secteurs sauvegardés, ni à l'ensemble de ce qui constitue notre corpus législatif ? Concrètement, l'Etat envisagerait-il de renoncer à certains de ses pouvoirs pour les transférer aux maires dans une volonté de décentralisation, ou de les déconcentrer ?
La loi Malraux, à laquelle tous les élus, quelle que soit leur appartenance politique, se sont ralliés, a une valeur symbolique forte : on ne doit pas y toucher par voie d'ordonnance. Et si on veut l'aménager, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on prenne la précaution d'en discuter avec les maires - il y en a une centaine - qui gèrent avec l'Etat les secteurs sauvegardés. En effet, il est assez inconvenant de venir discuter par ordonnance d'une politique emblématique, aussi exceptionnelle, où les maires sont quand même en première ligne, sans avoir examiné précisément avec eux les mesures qu'ils souhaitent et celles qu'ils ne souhaitent pas.
Dans l'immense majorité des cas d'ailleurs - nous le savons très bien puisque nous avons fait des enquêtes - les maires trouvent que le dispositif actuel fonctionne bien. On peut éventuellement envisager quelques aménagements à la marge. Je reste néanmoins très prudent et très réservé.
S'agissant de la question patrimoniale, j'aurais préféré, je le dis franchement et sans esprit de polémique, un véritable débat national. Nous avons débattus ici de sujets beaucoup moins importants. On a évoqué tout à l'heure les classements des campings, question à laquelle nous avons consacré des heures.
Pourquoi proposer, dans un article d'ordonnance, des modifications substantielles - je ne vois pas l'urgence et elles ne répondent pas à une demande ardente des élus - sur un sujet aussi considérable que les valeurs patrimoniales de la France, portées par plusieurs lois tout au long du siècle dernier ? Il serait préférable de repousser ce débat dans le cadre d'une loi sur le patrimoine, qui nous permettrait de communiquer et aurait un grand impact sur le plan national. Nous en avons vraiment besoin.
Pour conclure, je réitère ma question : M. le secrétaire d'Etat peut-il prendre ce soir l'engagement que l'Etat ne renoncera en aucune façon à ses prérogatives ?