Intervention de Jean-François Copé

Réunion du 4 juillet 2005 à 15h00
Modification de la loi organique relative aux lois de finances — Adoption définitive d'un projet de loi organique en deuxième lecture

Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je me réjouis de revenir devant vous aujourd'hui pour discuter en deuxième lecture de ce projet de loi organique.

La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, est, depuis son origine, le fruit d'un travail consensuel, collectif, et de la bonne volonté de parlementaires issus de la majorité comme de l'opposition. Je veux, de ce point de vue, rendre tout particulièrement hommage à Alain Lambert, qui ne peut malheureusement être présent aujourd'hui : il a été l'un des inspirateurs de cette réforme de notre constitution financière. Celle-ci ouvre une voie nouvelle vers une administration plus lisible, un Etat plus efficace, plus transparent, et elle représente pour les Français une réponse forte en matière de démocratie et de bonne gestion des deniers publics.

Les contributions d'Alain Lambert et de Didier Migaud, tous deux parlementaires en mission auprès de moi, me sont absolument indispensables dans cette dernière phase avant la mise en application effective de la LOLF.

Ma reconnaissance va aussi au président Jean Arthuis, rapporteur de ce texte, qui, je le sais, ne ménage pas ses efforts pour faire de la LOLF et de sa mise en oeuvre un vrai succès.

Cet esprit de consensus, le Gouvernement s'est attaché à le préserver depuis 2002, à chaque étape, d'abord en associant systématiquement le Parlement, que ce soit sur la maquette ou sur le choix des objectifs et des indicateurs, ensuite en tenant le plus grand compte des propositions du Parlement et de la Cour des comptes, en particulier à propos des 650 objectifs et des 1 300 indicateurs du projet de loi de finances pour 2006, dont la liste a été publiée à l'occasion du débat d'orientation budgétaire qui aura lieu dans votre assemblée mercredi prochain.

C'est tout à l'honneur de notre démocratie d'avoir su se rassembler sur un sujet aussi constructif et innovant ; c'est suffisamment rare pour être salué. Nous avons travaillé dans cette logique de consensus avec l'ensemble des membres de cette assemblée. C'est dans ce même esprit que je vous propose d'aborder la seconde lecture de ce projet de loi organique.

C'est désormais dans moins de six mois que se fera, dans l'ensemble de notre pays, le passage au nouveau mode de constitution financière.

Ne nous y trompons pas : il s'agit d'une révolution majeure pour l'ensemble de notre administration. A certains égards, c'est un événement beaucoup plus important que le passage à l'an 2000, où l'on craignait un bug informatique, ou même que le passage à l'euro. Car à l'époque, ce qui comptait, c'était que tout soit terminé au 1er janvier. Là, tout commence au 1er janvier : c'est un point de départ et non un point d'arrivée.

Toute mon énergie est concentrée sur la réussite de cette réforme ; c'est ma priorité absolue comme ministre délégué au budget et comme ministre en charge de la réforme de l'Etat. En effet, la LOLF « nouvelle manière » combine ces deux aspects de ma mission : elle est donc au coeur de mon activité ministérielle.

Je crois d'ailleurs que le rapprochement de ces deux missions - le budget et la réforme de l'Etat - offre une occasion historique d'avancer dans le sens de la performance, de la qualité et d'une dépense publique plus efficace.

Pour moi, c'est non pas le budget qui a absorbé la réforme de l'Etat, mais la réforme de l'Etat qui a absorbé le budget, d'où la nécessité pour Bercy de sortir d'une logique purement comptable et de se placer résolument dans une logique de qualité.

Nous devons rendre des comptes aux Français sur la bonne gestion des deniers publics et leur donner des rendez-vous réguliers sur l'évaluation, la performance et la productivité, mots qui prennent tout leur sens cette année avec la préparation du budget dans ce nouveau cadre comptable.

L'année 2005 est donc capitale. Beaucoup a déjà été fait depuis le début de cette année ; quelques données illustrent l'ampleur de la mobilisation.

Le cadre du budget est connu : 34 missions, 133 programmes et près de 600 actions.

La chaîne de responsabilités est définie : 80 responsables de programme et 950 responsables de budgets opérationnels de programme.

A tous les niveaux, les agents se mobilisent et se forment : en 2003, 80 services ont été formés, en 2005, ils sont 500, ce qui représente 600 000 fonctionnaires formés, ou en voie de l'être, pour la mise en oeuvre de la nouvelle constitution budgétaire.

De ce mouvement, nous percevons déjà les premiers effets : la réflexion sur les missions et le sens de l'action conduite sur la gestion des ressources humaines, sur le dialogue social, gagne naturellement en contenu.

C'est tout un esprit nouveau, une culture nouvelle qui irrigue chaque niveau de l'administration de notre pays. De ce point de vue, il s'agit du plus formidable levier de réforme de l'Etat que l'on puisse imaginer.

Je profite d'ailleurs de ma présence à cette tribune pour saluer le travail accompli par les fonctionnaires de l'administration française : leur mobilisation et leurs efforts vont permettre, le 1er janvier, d'atteindre les objectifs fixés par la représentation nationale. Il n'est pas si fréquent de pouvoir mesurer de manière concrète le travail réalisé, et j'en remercie au premier chef la direction de la réforme budgétaire et son directeur, M. Frank Mordacq, qui a piloté l'ensemble de ce dispositif.

Ce projet de loi organique répond à trois objectifs.

Tout d'abord, il tend à éviter de répéter les erreurs du passé concernant d'éventuelles plus-values fiscales. Ce texte s'inscrit en effet dans un contexte précis, celui d'un pays qui a accumulé 1 000 milliards de dettes. Face à ce constat, nous avons une obligation : une gestion responsable et rigoureuse de nos finances publiques.

D'ailleurs, les Français ne demandent rien d'autre : ils attendent de leurs dirigeants qu'ils disent la vérité et qu'ils assument leurs responsabilités. L'objet du texte que je vous propose est que l'on puisse désormais veiller à ce que les fruits de la croissance ne puissent être dilapidés dans la plus grande opacité.

La LOLF, ainsi modifiée, obligera le Gouvernement à annoncer à l'avance devant le Parlement ce qu'il entend faire des recettes supplémentaires, en toute transparence. C'est le moins que l'on puisse attendre d'une démocratie moderne !

Ensuite, ce texte vise à renforcer les droits du Parlement.

Je pense, en particulier, à l'heureuse initiative du président Jean Arthuis sur les partenariats public-privé. Cette disposition tend à éviter que les engagements financiers de l'Etat au titre de ces contrats de long terme n'échappent à la comptabilité publique, donc à votre contrôle. Cela va tout à fait dans le sens de ce que l'on peut souhaiter.

Votre assemblée a eu parfaitement raison de soulever ce sujet : dès lors que l'on veut développer ces nouvelles techniques de gestion, il faut trouver un dispositif qui permette leur traitement budgétaire et leur appréhension comptable. De ce point de vue, la contribution de l'Assemblée nationale, en liaison étroite avec le Sénat et avec vous-même, monsieur le président de la commission, a permis de parvenir à une rédaction qui devrait convenir à tout le monde.

La discussion entre vos assemblées a permis également de parvenir à un compromis à propos du rapport annuel de la Cour des comptes. Le Gouvernement a laissé la représentation nationale convenir de la meilleure formule. Le plus important me paraît être de s'assurer que les travaux de la Cour soient suivis d'effet. A cet égard, je veux saluer le travail en profondeur réalisé par votre commission.

Enfin, ce projet de loi organique a pour objet de donner les moyens de mieux maîtriser la dépense publique.

Vous connaissez l'engagement que j'ai pris devant vous de tenir la dépense publique. Voilà pour le principe ! Encore faut-il avoir les instruments pour tenir cet engagement. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a proposé un dispositif destiné à améliorer nos procédures de maîtrise de la dépense publique. Vous le savez, cet amendement est le fruit d'une intense concertation et de la collaboration très précieuse des deux assemblées. Je veux, là encore, remercier MM. Lambert, Arthuis et Marini de leur aide et de leur travail.

Le système que je vous soumets aujourd'hui est centré sur la notion de régulation.

La régulation a mauvaise presse ; elle fait l'objet de critiques récurrentes et justifiées : réputée injuste, déresponsabilisante, elle désorganise l'activité des services en arrivant souvent trop tard dans l'année. On sait comment tout cela fonctionne : des décisions arbitraires conduisent à mettre en réserve ou à geler des crédits dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.

C'est tout le sens de l'amendement proposé par le Gouvernement.

Il prévoit, d'abord, une information obligatoire du Parlement, dès le projet de loi de finances initial, sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour maîtriser l'exécution, c'est-à-dire respecter l'autorisation fixée par le Parlement. Il s'agit d'une annexe obligatoire, au même titre que le rapport économique, social et financier.

Il prévoit, ensuite, une mise en réserve systématique, au sein de chaque programme, d'une part des crédits. Il s'agira de taux forfaitaires, mais on prendra soin de distinguer un taux pour les dépenses de personnel et un taux pour les autres dépenses eu égard à la nature profondément différente des deux types de crédits.

Enfin, ces crédits constitueront une tranche « conditionnelle » s'ajoutant à la tranche ferme sur laquelle chaque gestionnaire pourra compter. C'est un élément très important, car les conditions d'utilisation éventuelle de ces crédits devront être définies en amont et en toute transparence. Je suis très soucieux de limiter le plus possible les conséquences négatives de la régulation pour les gestionnaires. De ce point de vue, la mise en perspective de ce dispositif en amont sera évidemment très importante.

L'objet de ce dispositif est d'instaurer une procédure à la fois plus efficace, plus transparente vis-à-vis de la représentation nationale, et plus responsable, puisque les gestionnaires sauront le 1er janvier de chaque année sur quels crédits ils peuvent compter à coup sûr.

Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, toute une série de raisons qui justifient pleinement l'existence de ces nouvelles dispositions venant améliorer notre loi organique. Ce sont des éléments importants qui renforcent la lisibilité, l'efficacité et la crédibilité du dispositif, autant de principes qui nous rassemblent dans un esprit de démocratie et de vérité.

A la veille de notre débat d'orientation budgétaire, qui prend naturellement une tout autre dimension, il me semble que ce texte a trouvé sa forme définitive. Il convient donc d'en permettre une adoption rapide, si vous le voulez bien. Il pourra ainsi entrer en application, après l'intervention du Conseil Constitutionnel nous donnant tous les instruments nécessaires à l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

A six mois de la gestion 2006, qui nous permettra de voir fonctionner notre nouvel outil, je crois que la LOLF ne doit plus être modifiée.

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