Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie constitue le deuxième volet de la démarche du Gouvernement visant, tout comme le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, à favoriser le développement des PME en particulier et de l'économie en général. Il concentre son objet, pour l'essentiel, sur les grandes entreprises en favorisant l'action et la participation des investisseurs.
Les raisons d'être et les motivations de ce projet de loi sont claires : la confiance est l'élément déterminant de la croissance économique, mais elle est souvent ébranlée, voire mise à mal, par certaines pratiques ; il faut donc conforter la confiance en encadrant ces pratiques, en assurant la transparence de l'action économique ainsi qu'en édictant des dispositifs juridiques clairs et, si possible, simples.
La transparence de l'entreprise est, depuis quelques années, au coeur de la politique du Gouvernement. Sur ce plan, la loi du 1er août 2003 de sécurité financière a constitué une étape importante. Toutefois, cette loi n'a pas réglé toutes les difficultés, et de nouvelles réflexions ont été engagées depuis son entrée en vigueur.
Ainsi, dans la compétition économique entre les Etats, les dispositifs juridiques tendent à devenir des facteurs de l'attractivité - ou, au contraire, de la non-attractivité ! - d'un territoire pour les acteurs économiques, raison pour laquelle certains de nos dispositifs doivent être modernisés et simplifiés.
Tel est le cas, en particulier, de notre droit des sûretés, lequel n'a connu aucune réforme globale depuis la rédaction du code civil, en 1804 !
Les mesures figurant dans le présent projet de loi ont donc pour objet d'apporter les réformes nécessaires à la reprise de l'investissement et de la croissance.
La commission des lois s'est d'abord saisie des dispositions relatives au droit des sociétés.
Ces dispositions visent à assouplir les conditions de participation au conseil d'administration et au conseil de surveillance de sociétés anonymes, ce qui facilitera la prise de décision, et à abaisser les seuils de quorum tant pour les assemblées générales ordinaires que pour les assemblées générales extraordinaires, ce qui devrait faciliter le fonctionnement de ces assemblées.
Elles tendent ensuite à imposer une plus grande transparence dans les rémunérations et compléments de rémunérations de toute nature offerts aux dirigeants sociaux. Ainsi, elles soumettent à la procédure des conventions réglementées l'octroi d'éléments de rémunération ou d'avantages liés à la cessation de fonction des dirigeants sociaux et obligent à informer l'assemblée générale sur tous les éléments de rémunération ou avantages consentis par la société aux dirigeants sociaux, y compris les indemnités de retraites et les indemnités de fin de mandat.
Les dispositions améliorent également l'information des actionnaires et des investisseurs en cas de franchissement de seuils de participations.
Le projet de loi comporte aussi des dispositions intéressant directement le droit public, et tout d'abord le droit public économique.
Ainsi, un alignement partiel des limites d'âges des présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l'Etat sur celles qui sont applicables aux sociétés commerciales est prévu.
Dans le domaine du droit de la domanialité publique ensuite, une nouvelle habilitation de six mois est accordée au Gouvernement pour adopter le code des propriétés publiques. Une première habilitation, donnée dans la première loi de simplification du droit, avait déjà précédé une deuxième habilitation à cet effet dans la deuxième loi de simplification, mais l'ampleur de la tâche et la multiplicité des intervenants n'ont pas permis l'adoption de ce code dans les délais initiaux. Espérons donc que cette dernière habilitation sera la bonne !
De manière ponctuelle, une disposition a pour objet de permettre la vente de locaux - occupés - de l'ENA, rue de l'Université, à Paris.
Enfin, le projet de loi vise à réformer en profondeur le droit des sûretés.
A cette fin, l'article 6 prévoit une large habilitation à intervenir par ordonnances, procédure rendue nécessaire, selon le Gouvernement, du fait de la complexité de cette réforme, qui a déjà donné lieu à la réunion d'un groupe préparatoire à la Chancellerie.
Le projet de loi initial prévoyait une habilitation extrêmement large puisqu'elle concernait toutes les sûretés visées par le code civil, qu'elles soient personnelles, comme le cautionnement, ou réelles, comme le nantissement, le gage, l'antichrèse ou l'hypothèque.
Par ailleurs, on y proposait également de réformer la délégation, la cession de créance, la subrogation personnelle, la novation, le contrat de rente viagère et la vente à réméré, tout en prévoyant la réception de certaines pratiques des affaires reconnues par la jurisprudence, comme la garantie autonome, la lettre d'intention ou le droit de rétention.
Le texte tendait en outre à insérer dans le code civil les dispositions relatives à la clause de réserve de propriété et à réformer les règles relatives à l'expropriation forcée, afin de rétablir l'efficacité des sûretés et à apporter les coordinations nécessaires dans divers codes.
L'Assemblée nationale a considérablement restreint et précisé le champ de cette habilitation, en considérant que l'absence de précision quant aux finalités poursuivies ne respectait pas les exigences de l'article 38 de la Constitution.
Elle a supprimé les habilitations concernant le cautionnement - sûreté personnelle très utilisée par les particuliers -, le nantissement des meubles incorporels - controversé - et les privilèges, ainsi que celles ne concernant pas directement le droit des sûretés : délégation et cession de créance, subrogation personnelle, novation, contrat de rente viagère et vente à réméré.
Elle a, par ailleurs, précisé les finalités de l'habilitation concernant les sûretés réelles mobilières, en prévoyant d'introduire dans le code de commerce des dispositions permettant le nantissement de stocks des entreprises, de modifier les dispositions du code civil pour simplifier la constitution des sûretés réelles mobilières et leurs effets, d'étendre leur assiette sur un ensemble de biens, présents ou futurs, et d'autoriser le gage sans dépossession, le gage avec dépossession perdurant.
S'agissant des sûretés réelles immobilières, l'Assemblée nationale a expressément prévu la consécration de l'antichrèse-bail, qui autorise le créancier à donner à bail l'immeuble dont le débiteur s'est dépossédé à titre de garantie. En outre, elle a autorisé l'introduction de deux nouveaux instruments d'origine anglo-saxonne : d'une part, le crédit hypothécaire rechargeable, qui permet d'utiliser une même hypothèque pour garantir plusieurs prêts souscrits au fur et à mesure du remboursement du premier auprès de plusieurs créanciers, dans la limite d'un plafond initialement fixé ; d'autre part, le prêt viager hypothécaire, qui permet à des personnes âgées de mobiliser leur actif résidentiel pour obtenir du crédit, et qui n'est remboursable - capital et intérêts - que lors de leur décès ou de la vente de l'immeuble. Enfin, l'Assemblée nationale a préconisé la simplification et la baisse du coût de la mainlevée de l'inscription hypothécaire.
La commission des lois vous propose, mes chers collègues, onze amendements destinés à apporter certaines modifications ponctuelles aux dispositions dont elle a été saisie.
Il s'agit, d'abord, d'améliorer la cohérence juridique et la lisibilité des dispositions relatives au droit des sociétés et au droit public économique.
La commission vous propose ainsi de définir un régime plus souple pour l'utilisation de moyens de télétransmission au cours des séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes et de préciser la nature des engagements devant faire l'objet d'un contrôle au titre des conventions réglementées et de mesures de publicité auprès de l'assemblée générale.
Il s'agit, ensuite, d'accepter la réforme par ordonnances du droit des sûretés, sous réserve de la suppression du prêt viager hypothécaire.
Pour la seconde fois en moins d'un an, le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à réformer par ordonnances le code civil, arguant de la grande technicité de la réforme et de l'encombrement de l'ordre du jour des deux assemblées.
La loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit prévoyait une habilitation à réformer le droit de la filiation par ordonnances. Mais cette réforme consistait principalement en un ensemble de mesures de coordination.
Cette fois, le dessaisissement du Parlement est plus préoccupant puisqu'il concerne un livre entier du code civil, et que les mesures proposées comportent des innovations importantes en matière de droit des sûretés, comme l'assouplissement du principe de spécialité des hypothèques ou l'introduction de deux nouveaux instruments : l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire.
Or, de l'aveu même de la Chancellerie, la concertation est encore en cours, l'insertion de cette réforme dans le présent projet de loi n'ayant initialement pas été envisagée. Dès lors, il apparaît inopportun de prévoir des réformes d'une telle importance.
La commission des lois vous propose donc de supprimer l'introduction du prêt viager hypothécaire, tous les rapports ayant souligné les risques qu'il comportait, tant pour les emprunteurs potentiels que pour les établissements financiers. Dès lors, en raison de l'importance des règles protectrices à mettre en place, il ne paraît pas possible de décider d'une telle introduction en droit français par ordonnance. L'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi de réforme du droit des successions pourrait permettre à la représentation nationale d'examiner l'opportunité et les modalités possibles d'une telle réception.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose d'adopter le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.