Intervention de Jean-Guy Branger

Réunion du 4 juillet 2005 à 15h00
Confiance et modernisation de l'économie — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Guy BrangerJean-Guy Branger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur la société européenne.

Il n'est pas dans mes habitudes ni dans ma culture de me livrer à des critiques, mais si je le fais aujourd'hui, c'est que je souhaite vous faire part de quelques réflexions liminaires avant de vous livrer mes observations sur les amendements visant à intégrer la société européenne dans notre édifice législatif.

Tout d'abord, je souhaite assurer M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de ma confiance la plus totale, et lui rappeler que je ne le tiens absolument pas pour responsable d'un texte qui est curieusement inséré dans son projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Lorsque j'ai commencé, voilà près de deux ans, des travaux de réflexion sur la société européenne, entouré d'un groupe de travail réunissant des entrepreneurs, des universitaires et des juristes éminents, je n'imaginais pas la hauteur de la montagne à franchir, de la part d'un simple parlementaire, pour aboutir au dépôt d'une proposition de loi avec mon collègue et ami M. Jean-Jacques Hyest, ni pour, ensuite, nouer des contacts avec les services de différents ministères sur le sujet. Et tout cela pour aboutir à un texte qui, certes, témoigne de certains efforts pour fédérer les participants, mais demeure très imparfait et qui nous est présenté dans l'urgence, au sein d'une immense loi pour la confiance et la modernisation de l'économie !

Tout au long de ces deux années, nous avons organisé des colloques, des conférences de presse ; des numéros spéciaux de revues juridiques de grande renommée ont été publiés sur nos travaux. M. Jean-Jacques Hyest et moi-même avons déposé une proposition de loi sur le sujet, en janvier 2004. Nous en avons déposé une seconde en juillet 2004, visant à adapter légèrement notre droit des sociétés en vue de la mise en place de la société européenne.

Le 13 avril 2004, à l'occasion d'une question orale au gouvernement sur ce sujet, je m'étais inquiété de l'absence de réaction et d'action du gouvernement alors qu'approchait la date butoir, fixée au 8 octobre 2004, pour l'application dans notre droit du règlement et pour la transposition de la directive sur la société européenne.

Je suis aujourd'hui au regret de constater que mes craintes étaient fondées puisque j'avais dit à cette occasion : « nous prenons du retard ! Il ne faudrait pas qu'une directive et un règlement de cette importance ne viennent devant nous dans une ordonnance, au milieu de dizaines d'autres, comme cela se fait trop souvent ! Quand cela arrive, on ne peut pas en discuter...».

Nous y voilà ! Je crains aujourd'hui, mes chers collègues, que l'on ne nous demande de nous prononcer dans l'urgence sur une question particulièrement complexe de notre droit des sociétés, qui met en jeu notre compétitivité et l'attractivité de notre système juridique au sein de l'Union européenne. Pour autant, on ne nous fournit ni un texte irréprochable, ni les éléments d'information et de réflexion, ni le temps nous permettant de prendre une décision totalement éclairée.

Quand il en est ainsi, ne vaudrait-il pas mieux considérer qu'il serait plus sage, pour la sécurité juridique ultérieure des montages qui engageront les entreprises qui choisiront ce statut commercial, de reporter l'examen d'une telle question à une autre date, fût-t-elle proche, afin de nous permettre d'y consacrer toute l'attention qu'elle mérite ? On ne doit pas faire n'importe quoi pour rattraper un retard, au Parlement comme sur la route !

Je ne puis que regretter infiniment, pour notre démocratie, et pour ce que ce mot représente à nos yeux, mes chers collègues, quelles que soient nos opinions et nos appartenances, que si, conformément à la Constitution, le Parlement vote bien la loi, il en soit malheureusement bien peu souvent à l'origine.

Si le parlementaire a également vocation à être à l'initiative de la loi, ce n'est pas uniquement parce que l'article 39 de la Constitution l'y autorise. Il faut savoir accorder de la valeur et donner du sens aux vieux principes qui régissent notre démocratie ! Le parlementaire peut et doit aussi être à l'initiative de la loi parce que le temps ne lui est pas compté et qu'il peut ne pas travailler dans l'urgence.

Le parlementaire peut en effet s'accorder le temps d'étudier un sujet à fond. Il peut s'entourer des meilleurs spécialistes d'une question, organiser des colloques, confronter les opinions des universitaires, voire des chercheurs ou des entrepreneurs étrangers travaillant dans leur propre pays sur le même sujet. C'est ce que j'ai fait !

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