Madame le ministre d’État, comme nous l’avons vu tout au long des débats, hier soir et cet après-midi, cette réforme est inopportune, mal préparée et mal financée. Dès lors, des questions se posent. Fallait-il faire le vide, c’est-à-dire ne pas distinguer le statut d’officier public et ministériel des avoués, qui pouvait être supprimé, de leur mission de postulation auprès des cours d’appel, qui aurait pu subsister ?
Les conséquences de votre projet de loi présenté avec une certaine hâte seront donc graves, comme l’ont démontré les intervenants sur toutes les travées.
Tout d’abord, les conséquences seront graves pour les justiciables, qui verront leurs frais augmenter. En effet, d’une part, la taxe se transformera en honoraires librement fixés par l’avocat et, d’autre part, le financement de cette réforme se traduira par la création d’une taxe dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui sera à la charge des appelants.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur la conformité constitutionnelle de cette taxe. D’abord, parce qu’elle crée une espèce d’octroi pour pouvoir faire appel ; ensuite, parce que la LOLF n’autorise la création de taxes nouvelles que pour financer des missions de service public. En quoi la suppression de la profession d’avoué est-elle une mission de service public ?
Ensuite, les conséquences seront graves pour la procédure elle-même. Cela a d’ailleurs été dit cet après-midi au moment du débat sur les mesures transitoires. Il n’est en effet pas certain que les cabinets d’avocats et les cours d’appel soient prêts et informatisés à temps. Les lettres qui ont été envoyées par les présidents de cours d’appel et les présidents de chambres civiles aux études d’avoués, notamment celles de province, et qui nous ont été communiquées, montrent l’inquiétude régnant au sein des cours d’appel.
En outre, les conséquences seront graves pour les avoués que l’on supprime d’un trait de plume. Le Gouvernement n’a pas totalement mesuré le préjudice causé à ces professionnels, puisqu’il se limite à envisager la suppression de leur charge sans prendre en compte leur préjudice économique, la perte de clientèle et le problème de la reconversion.
Enfin, les conséquences seront graves pour les salariés. Quoi que vous en disiez, ces 1 400 salariés, qui sont aujourd’hui très bien payés, ne retrouveront jamais un emploi équivalent. Du seul fait de la loi, la situation de ceux qui réussiront à rejoindre l’institution judiciaire ou un cabinet d’avocats sera fortement dégradée, quand ils ne seront pas au chômage. Mais peut-être le Gouvernement juge-t-il qu’il n’y a pas assez de chômeurs ! Dans la région Franche-Comté, par exemple, le chômage a augmenté de 40 % depuis le mois de septembre. C’est magnifique ! Quelle réussite de ce gouvernement et du Président de la République !
Pourquoi cette hâte à contraindre le Sénat à débattre, certes dans des conditions normales, mais à la veille des fêtes de fin d’année alors que vous auriez pu remettre l’ouvrage sur le métier ? Madame le ministre d’État, vous n’étiez pas obligée de suivre ce qui avait été fait à l’Assemblée nationale. Vous auriez pu vous inspirer d’un système qui existe déjà dans d’autres départements français. Que je sache, l’Alsace-Moselle est en France, même si, soit dit entre parenthèses, ses institutions sont encore plus différentes que celles des départements d’outre mer. Dans ces territoires, la charge d’avoué a été supprimée, mais la fonction est restée. Des avocats peuvent ainsi plaider et postuler devant le tribunal de grande instance et devant la cour d’appel ou être avocats aux Conseils. Voilà la bonne solution !
Nous tenons cependant à souligner le rôle de la commission des lois, en particulier de son rapporteur, M. Gélard, qui a effectué un très bon travail. Je me félicite en outre que plusieurs de nos amendements ainsi qu’un certain nombre d’autres amendements de nos collègues aient été adoptés, et ce dès l’examen en commission. Reste que ces améliorations sont marginales. C’est pourquoi nous ne pourrons voter que contre la réforme qui nous est proposée.