Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 9 novembre 2009 à 21h45
Entreprise publique la poste et activités postales — Vote sur l'ensemble

Christian Estrosi, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aime le débat parlementaire : c’est la vie de la démocratie, la respiration de notre République. Au terme de ce débat, je veux donc adresser à chacune et à chacun d’entre vous, sur quelque travée que vous siégiez, les remerciements du Gouvernement.

Et je vous remercie vous, monsieur le président du Sénat, ainsi que tous ceux qui, sous votre autorité, ont présidé, pendant soixante-dix heures maintenant, les séances qui viennent d’être consacrées au projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Je remercie également les administrateurs de votre Haute Assemblée, tous ceux qui ont été aux côtés de Jean-Paul Emorine et de Pierre Hérisson tout au long de l’examen de ce texte, ainsi que mes propres collaborateurs.

Je remercie le président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ainsi que votre formidable rapporteur, dont nous connaissons tous l’implication.

Depuis des mois, Jean-Paul Emorine et Pierre Hérisson n’ont cessé l’un et l’autre d’aller au contact de l’entreprise et de celles et de ceux qui, sur le terrain, pouvaient apporter une contribution importante à une meilleure compréhension.

Au nom du Premier ministre, de Michel Mercier, d’Henri de Raincourt et d’Anne-Marie Idrac, je répondrai à ceux qui ont dit que le débat allait trop vite pour que l’on puisse aller vraiment au fond des choses, mais je ne leur parlerai pas ce soir d’obstruction…

Je ne leur rappellerai pas que 637 amendements ont été déposés, même si nombre de ces amendements étaient répétitifs et que leur présentation aurait pu être considérée comme une manœuvre dilatoire d’un groupe contre la majorité…

Je me contenterai de dire que, soixante-dix heures de débat, ce n’est tout de même pas rien et que le Sénat n’a pas eu souvent l’occasion de consacrer un débat aussi long, qui faisait suite à de très nombreuses réunions en commission, sur un texte comme celui-ci.

Je veux rappeler que, au-delà des très nombreux amendements qui ont été adoptés en commission, sous votre présidence, monsieur Emorine, et sous la baguette de Pierre Hérisson, quarante-quatre amendements ont été adoptés en séance publique, dont onze amendements émanant du groupe UMP, neuf amendements du groupe socialiste, cinq amendements du groupe de l’Union centriste, quatre amendements des Verts, trois amendements du groupe CRC-SPG, deux amendements du RDSE et un amendement déposé par un non-inscrit.

Sept de ces amendements ont été adoptés à l’unanimité. Je pense en particulier aux amendements relatifs à la lutte contre la contrefaçon ; à la gratuité des réclamations ; à la composition du conseil d’administration, au sein duquel on a veillé, sur proposition de l’opposition, d’ailleurs, à ce que siège un représentant des usagers ; à la création, au sein du Parlement, d’une commission chargée de dresser un bilan annuel sur la gestion du fonds de péréquation territoriale ; à l’accès à l’Internet à haut débit dans tous les bureaux de postes…

Tous ces amendements ont été adoptés à l’unanimité !

Au cours de ces huit jours de débat, ont en outre été examinées trois motions de procédure – exception d’irrecevabilité, question préalable, renvoi en commission – plus une motion référendaire !

Il y a eu cinquante-deux scrutins publics, dont un de droit sur la motion référendaire.

Je rappelle tous ces chiffres à l’intention de ceux qui seraient tentés de croire que l’exceptionnelle longueur du débat s’expliquerait par la résistance de l’opposition Non, derrière ces soixante-dix heures de débat, il y a tout simplement eu la volonté du Gouvernement, de la commission, de la majorité de laisser parfaitement respirer la démocratie dans cette enceinte, afin que nous puissions aller au fond des choses.

Depuis qu’à dix-sept heures, lundi dernier, nous avons commencé à débattre, à aucun moment nous n’avons posé des limites précises, et je tiens à vous remercier, monsieur le président du Sénat, d’avoir toujours accepté d’élargir les possibilités de siéger de manière que l’examen du texte se poursuive pendant tout le temps nécessaire. De la sorte, personne n’aura eu à ressentir la pression qu’aurait fait peser un délai limite et je crois que nous sommes allés vraiment au fond : chacun a disposé du temps nécessaire pour défendre chacun de ses amendements, dans le respect du règlement de la Haute Assemblée.

C’est cela que je voudrais que l’on retienne, car c’est important : c’était la volonté du Président de la République comme du Premier ministre que ce débat puisse se dérouler jusqu’à son terme sans qu’à aucun moment nous donnions le sentiment qu’une quelconque pression s’exerçait au risque de vous priver de votre droit d’amendement, de votre droit d’expression, de votre droit de parole.

Nous avons voulu cette confrontation des idées, qui a débouché parfois sur des compromis ou conduit au contraire à des positions tranchées entre une opposition et, conformément aux équilibres de votre assemblée, une majorité en mesure alors d’emporter le vote.

Que retiendra-t-on encore de ce débat ?

D’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté un certain nombre de dispositions qui, bien sûr, bouleverseront profondément La Poste de demain. Mais, dans le même temps, nous avons veillé à ce que cette entreprise qui est une des institutions publiques les plus ancrées dans la conscience collective des Français conserve son caractère.

Je comprends bien que, depuis des mois, dans notre pays, cela ait pu être un sujet de confrontation idéologique, mais le Gouvernement n’a pas voulu qu’il en soit ainsi : comme la majorité, il a considéré que nous devions prendre ensemble l’engagement devant les Français que La Poste, quelle que soit la réforme statutaire dont elle ferait l’objet, resterait une grande entreprise publique, si ce n’est la principale entreprise publique de notre pays.

C’est ce que j’ai voulu signifier lorsque j’ai utilisé, à dessein, le néologisme « imprivatisable » et, en effet, après l’adoption de l’amendement de Bruno Retailleau faisant suite à l’affirmation en commission, sur l’initiative de votre rapporteur, du caractère à 100 % public de La Poste dans le texte, nous avons retenu le principe que La Poste était un service public à caractère national.

Je le réaffirme aujourd'hui, conformément au préambule de la Constitution de 1946, le seul fait que les quatre missions de service public de La Poste – service universel postal, aménagement du territoire, accessibilité bancaire et livret A, acheminement de la presse – aient été inscrites noir sur blanc dans la loi rend de facto La Poste « imprivatisable ».

Bien sûr, La Poste est « privatisable », mais les conditions de sa privatisation sont désormais si difficiles à réunir qu’elles garantissent qu’aucune majorité ne se risquera demain à la privatiser, car il faudrait en effet qu’elle supprime non pas seulement une mais les quatre missions de service public. Qui s’y risquera ?

Le débat a donc bien démontré que nous avons accordé à La Poste ce caractère « imprivatisable ».

On retiendra aussi que nous avons garanti un financement pérenne de la mission d’aménagement du territoire en même temps que nous avons accepté d’inscrire le principe du maintien des 17 000 points de contact.

On retiendra encore que nous avons maintenu les droits et statuts des postiers, qu’il s’agisse de leur mutuelle de santé, ce qui était une exigence exprimée par l’ensemble des délégations syndicales, ou des régimes de retraite, pour lesquels nous avons répondu aux attentes des salariés et des fonctionnaires de La Poste.

Ces droits les plus élémentaires que nous devions à chacun au sein de cette grande entreprise, nous les leur avons accordés dans ce texte.

D’aucuns ont pu soupçonner le Gouvernement à propos de cette modification statutaire, mais, qu’on le veuille ou non, c’était une nécessité et, à cet égard, il est inutile de s’envoyer des dates à la figure.

Certains considèrent que cette nécessité est imputable au Gouvernement actuel parce qu’en 2008 il a accepté la transposition de la troisième directive postale, mais d’autres pourraient dire que le processus qui a conduit à cette troisième directive a été engagé par le Gouvernement qui, en 1997, a accepté la première directive postale…

Cette polémique ne m’intéresse pas. La seule réalité, c’est que, le 1er janvier 2011, toutes les postes d’Europe seront confrontées à l’ouverture à la concurrence et qu’il fallait donner à la poste française les moyens nécessaires pour se moderniser tout en gardant son statut public et faire face à la concurrence.

À ceux qui doutent de nos intentions, je ferai simplement remarquer que le statut de société anonyme à caractère à 100 % public, qui permet à l’État et à la Caisse des dépôts et consignations d’entrer dans le capital, est le seul qui nous autorise à apporter à La Poste les 2, 7 milliards d’euros qu’elle demande. Jamais d’ailleurs dans ce débat on ne nous a proposé de solution de nature à nous permettre de donner à La Poste les moyens nécessaires sans modifier son statut.

J’ai déjà posé cette question à l’ouverture du débat : quel est l’État au monde qui aurait l’intention de conduire une entreprise publique vers la privatisation tout en décidant de lui apporter 2, 7 milliards d’euros d’argent public ?

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